Le forum scientifique sur la blue tongue affiche complet - La Semaine Vétérinaire n° 1320 du 20/06/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1320 du 20/06/2008

Recherche vétérinaire. Second meeting annuel du réseau Epizone

Actualité

Auteur(s) : Michel Bertrou

La communication entre les chercheurs en Europe est un instrument essentiel pour lutter contre les grandes épizooties animales.

Plus de trois cent cinquante congressistes se sont retrouvés à Brescia, en Italie, pour la seconde réunion annuelle du réseau européen Epizone, du 4 au 6 juin dernier. Cette rencontre était suivie, le 7 juin, par un symposium consacré à la recherche sur la fièvre catarrhale ovine, également marqué par une importante participation.

Suscité par l’impact des grandes épizooties qui ont secoué l’Europe ces dernières années, Epizone est un réseau de recherche pour la surveillance et le contrôle de ces maladies animales. A l’instar d’autres réseaux d’excellence (Eadgene, Medvetnet ou auparavant Europrion), il est l’un des maillons de l’Espace européen de la recherche souhaité par le Conseil européen en 2000 afin d’optimiser les efforts. Né en 2006 avec une enveloppe de quatorze millions d’euros sur cinq ans, Epizone réunit quatorze instituts scientifiques européens, dont le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), mais aussi deux organismes chinois, un turc et une société de communication. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en est également partenaire. En soutenant les échanges entre les chercheurs dans le domaine des épizooties animales, la plateforme incite à de nouvelles collaborations, des ateliers, des publications communes, ainsi qu’à l’harmonisation des procédures de recherche et au partage des banques de données.

Au-delà, Epizone contribue à une meilleure entente entre les différents partenaires et vise à ce que la collaboration multinationale devienne, à terme, incontournable. En outre, via le projet Young Epizone, le réseau cherche à associer lesjeunes générations de scientifiques et à préparer la relève.

Face à la pression des menaces sanitaires et à la montée en puissance des besoins alimentaires, ce second rendez-vous annuel d’Epizone s’était donné pour thématique « le besoin d’aller vite ». Son succès a montré la forte implication de toute la communauté scientifique. Piet van Rijn, du laboratoire néerlandais de Lelystad et coordinateur d’Epizone, a insisté sur l’importance de la communication pour être réactif : « Une bonne communication consiste autant à envoyer le message qu’à le recevoir. Il est pour cela essentiel de rester ouvert à d’autres champs d’investigation que notre domaine spécifique. Ces rencontres en offrent l’opportunité. »

L’importance du recueil des données épidémiologiques est mise en exergue

Les cent dix-huit communications présentées ont témoigné du large éventail des disciplines de recherche impliquées dans la lutte contre les maladies infectieuses : de la modélisation du risque aux puces à ADN, en passant par les vaccins recombinants ou les données climatiques, etc. La pertinence de connecter différents champs a plusieurs fois été évoquée dans les présentations. L’importance du recueil des données épidémiologiques a également été mise en avant : leur qualité, leur exhaustivité et leur disponibilité rapide conditionnent la fiabilité des analyses du risque.

Les présentations ont en outre confirmé le dynamisme de la recherche actuelle en virologiemoléculaire. Les outils de la génétique inverse (qui part du gène pour identifier ses fonctions) ouvrent des perspectives innovantes dans divers domaines comme l’épidémiologie, la pathogénie, la vaccinologie ou le développement de tests diagnostiques.

L’Europe entière doit faire face à la fièvre catarrhale ovine

Le symposium d’une journée, consacré à la blue tongue, était parrainé par les laboratoires Fort Dodge et CZ Veterinaria, mais plusieurs producteurs de vaccins étaient aussi présents, de même que des fabricants de kits d’analyses, des décideurs et plus de deux cents congressistes venus de vingt-quatre pays différents. « C’est le plus impressionnant rendez-vous de chercheurs sur cette maladie depuis la conférence de Taormina en 2003, organisée par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) », a estimé Peter Mertens, de l’Institut britannique de Pirbright.

Le titre choisi, « retour vers le futur », souligne la situation inédite de l’Europe depuis août 2006, deux mois à peine après la création d’Epizone. Le continent a en effet connu dix nouvelles introductions du virus de la blue tongue (BTV) depuis dix ans. Cinq sérotypes (1, 2, 4, 9, 16) issus du Moyen-Orient ou d’Afrique ont d’abord touché les pays du Sud, qui sont parvenus à enrayer leur extension. Mais l’arrivée imprévue dans le Nord du sérotype 8 a de nouveau bouleversé la donne. « Cette année, il n’y a plus ni Sud, ni Nord : l’Europe entière est face à la fièvre catarrhale », a déclaré Piet van Rijn.

Le professeur Caporale, à la tête de l’Institut italien de Teramo et membre de l’OIE, a justifié les programmes de surveillance et de vaccination mis en place dans son pays depuis 2000, avant de polémiquer sur les choix européens depuis 2006. Selon lui, réduire les zones de restriction sans vaccination et permettre les échanges d’animaux sur la base de tests individuels et de traitement antiparasitaires s’est non seulement révélé inefficace, mais est à l’origine de l’explosion actuelle, notamment en Italie. « La blue tongue est d’abord une maladie des territoires », a-t-il soutenu, avant de plaider pour une révision du règlement européen, prônant une surveillance renforcée des territoires et la restriction des échanges aux seuls animaux immunisés.

L’inefficacité des tests individuels préalables aux mouvements d’animaux et les traitements insecticides sont également remis en cause dans un nouvel avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) qui sera bientôt publié et dont Moez Sanaa, de l’ENV d’Alfort, a présenté les grandes lignes. Dans cet avis, les experts montrent qu’en l’absence de données sur l’efficacité des programmes de vaccination, les déplacements d’animaux vaccinés ne présentent pas beaucoup plus de garanties.

La notion de période d’inactivité vectorielle est également contestée. Philip Mellor, du laboratoire de Pirbright et grand spécialiste des culicoïdes, lui préfère celle de période libre de transmission vectorielle. Le chercheur britannique a insisté sur la complexité de ce mécanisme et le manque de données disponibles. En revanche, il a souligné le fait que, si les espèces locales de culicoïdes sont devenues compétentes pour transmettre un virus exotique, elles pourront le devenir pour d’autres sérotypes ou d’autres orbivirus comme la peste équine africaine. Le grand nombre de travaux présentés sur les vecteurs – notamment le développement de l’identification moléculaire des espèces – témoigne de cette prise de conscience.

D’autres études sont revenues sur les transmissions verticale (fœtale) et horizontale (par contamination orale) récemment mises en évidence et qui pourraient intervenir dans le phénomène d’overwintering.

Le sérotype 8 prend l’allure inquiétante d’un nouveau genre de virus

En outre, des travaux en épidémiologie moléculaire ont montré les voies empruntées par les différentes souches introduites en Europe et ont révélé également les nombreux réassortiments qui ont eu lieu entre les souches orientales et occidentales.

Si l’origine du sérotype 8 est certainement africaine, il n’est cependant pas exclu qu’il soit le produit chimérique d’un réassortiment entre une souche vaccinale et un virus sauvage. « Le sérotype 8 est-il un virus de la blue tongue comme les autres ? », s’est interrogé Peter Mertens à la fin d’une journée qui avait suscité plus de questions qu’elle n’avait apporté de réponses. « La capacité à s’adapter à de nouveaux vecteurs et d’emprunter plusieurs voies de transmission, n’est-ce pas le signe inquiétant d’un nouveau genre de virus ? » Le virologiste anglais a estimé nécessaire d’élucider l’arrivée du sérotype 8 en Europe, car « si on ne sait pas par quelle porte il est entré, nous ne pourrons pas la refermer ». De la même manière, le mécanisme d’overwintering devra être expliqué. Pour cela, et face aux menaces qui pèsent sur l’avenir, Peter Mertens a insisté sur le rôle des chercheurs vétérinaires.

Toute cette journée en était la brillante démonstration : la recherche sur la blue tongue est désormais en marche aux quatre coins de l’Europe. Que les communications des scientifiques hexagonaux n’aient pas été les plus nombreuses est sans doute la conséquence d’une dynamique qui a tardé à se mettre en place. La présence française était néanmoins importante parmi les chercheurs, les décideurs et les industriels et il était même possible de croiser quelques praticiens curieux.

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