L’aigle impérial espagnol est une espèce endémique en danger - La Semaine Vétérinaire n° 1320 du 20/06/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1320 du 20/06/2008

Virus du Nil occidental dans la péninsule ibérique

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Caroline Goutal

Une étude révèle la présence du virus West Nile chez cet oiseau dont la population est déjà fragilisée.

Aquila adalberti, plus communément appelé aigle impérial espagnol, est proche de son cousin, plus connu, l’aigle impérial de l’Est (aquila heliaca), dont il a longtemps été considéré comme une sous-espèce. Son statut d’espèce à part entière est aujourd’hui avéré grâce aux différences morphologiques, écologiques et moléculaires mises en évidence durant les vingt dernières années. Occupant la péninsule ibérique, Aquila adalberti peuple aujourd’hui les territoires portugais et espagnols du Sud et de l’Ouest. Cet oiseau rare est classé parmi les espèces en danger par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Il s’agit en effet aujourd’hui de l’aigle le plus menacé d’Europe. La pression humaine (destruction de l’habitat, empoisonnements, etc.) et le déclin important des populations de lapin (Oryctolagus cuniculus), sa proie principale, sont vraisemblablement à l’origine de sa disparition progressive. Begoñia Martinez-Curz et ses collaborateurs(1) rapportaient la présence de cent quatre-vingt-cinq paires seulement en 2003. Une autre menace semble désormais peser sur l’aigle impérial espagnol : le virus West Nile.

Le virus West Nile est une zoonose transmise par les moustiques

Le virus West Nile, du genre Flavivirus, appartient à la même famille que ceux des maladies comme la fièvre jaune, la dengue ou encore l’encéphalite japonaise. L’infection est transmise par un moustique (le Culex particulièrement). Les hôtes aviaires sont présents en Afrique, ainsi qu’en Europe du Sud et de l’Est. Introduit en 1999 en Amérique du Nord, où de nombreuses espèces d’oiseaux locales sont atteintes (surtout les corvidés), il est à l’origine de formes cliniques chez l’homme. Généralement, la maladie passe inaperçue ou engendre des symptômes de type grippal, mais le virus peut se révéler fatal, chez les individus immunodéprimés notamment. Des mesures sont donc prises pour tenter de faire face à cette grave zoonose.

Chez les hôtes aviaires, la variabilité de l’expression est importante selon les espèces. Le virus peut entraîner des troubles sévères en termes pathologiques et ainsi occasionner le déclin de certaines populations. A contrario, il peut n’avoir aucun effet. Les oiseaux sont alors des vecteurs asymptomatiques.

Une étude récente révèle la présence du virus chez l’aigle impérial espagnol

Ursula Höfle et ses collaborateurs(2) ont étudié la présence du virus West Nile dans la péninsule ibérique. Leurs recherches ont concerné l’aigle impérial espagnol, incluant dix-huit individus captifs et treize en liberté. Certains étaient en parfaite santé, d’autres gravement malades (plusieurs ont d’ailleurs succombé). Les descriptions relatives aux oiseaux malades faisaient principalement état d’infections secondaires dues à des agents pathogènes opportunistes, accompagnées de symptômes ou, au minimum, de lésions histopathologiques compatibles avec le virus West Nile dans la majorité des cas. Différents types de prélèvements ont été réalisés : sang, tissus (poumon, cœur, rein et/ou cerveau) et/ou sécrétions oropharyngées. Plusieurs tests de détection du virus ont ensuite été employés. La RT-PCR (reverse transcription polymerase chain, avec analyse de la séquence isolée), mise en œuvre chez dix aigles, a révélé la présence du virus chez 80 % d’entre eux ! Des tests immunohistochimiques ont, pour leur part, montré la présence de son antigène dans de nombreux tissus (particulièrement au sein des cellules de Purkinje dans le cérebellum, mais aussi dans des cellules épithéliales duodénales, périvasculaires inflammatoires rénales, hépatiques et pulmonaires, etc.). Les tests de séroneutralisation effectués sur plasma ont révélé une séroprévalence aux anticorps antivirus West Nile chez cinq des vingt et un aigles testés, soit 23,8 %. La conclusion, qui semble sans appel, est que l’aigle impérial espagnol est bel et bien une espèce hôte du virus West Nile. Les risques de zoonose sont présents dans les territoires espagnols et portugais où cet oiseau rare habite et se reproduit.

Les résultats suggèrent la présence permanente du virus en Espagne

Si ce projet de recherche, au même titre que des études menées chez les chevaux et d’autres espèces aviaires, prouve indéniablement la circulation du virus en Espagne, au moins de façon temporaire, le caractère endémique et sédentaire de l’aigle impérial espagnol pourrait suggérer une présence permanente du virus tout au long de l’année. Il serait donc introduit par des espèces aviaires migratrices et entretenu continuellement par des foyers endémiques comme celui désormais établi chez Aquila adalberti. Le caractère peu prononcé des hivers espagnols permettrait, en outre, la survie des moustiques, vecteurs de la maladie pour l’animal et l’homme, donc la persistance du virus durant l’année.

Le virus West Nile serait présent depuis six ans consécutifs… Des recherches plus approfondies sont donc nécessaires afin de contrôler cette zoonose de manière adéquate.

Le virus West Nile, un nouveau danger pour les populations d’aigles impériaux

Au-delà du caractère purement épidémiologique de la zoonose, l’étude d’Ursula Höfle et de son équipe soulève plusieurs interrogations : le virus West Nile expliquerait-il une part de la mortalité de l’aigle impérial espagnol ? Pourrait-il compromettre définitivement les chances de survie de cette espèce endémique ? Au regard des lésions histopathologiques observées chez les oiseaux étudiés, la suspicion de son implication dans les processus pathogènes qui touchent cette espèce est particulièrement forte. Le faible nombre d’individus et le regroupement géographique de ses effectifs accroissent d’autant plus la vulnérabilité de l’aigle impérial espagnol. D’autres études s’imposent afin de pouvoir mettre en place un plan de prévention et de préservation de l’espèce.

  • (1) B. Martinez-Cruz, J.A. Godoy, J.J. Negro : « Population genetics after fragmentation : the case of the endangered Spanish imperial eagle », 2004, Mol. Ecol., n° 13, pp. 2243-2455.

  • (2) U. Höfle, J.M. Blanco, E. Crespo, V. Naranjo, M.A. Jiménez-Clavero, A. Sanchez, J. de la Fuente, C. Gortazar : « West Nile virus in the endangered Spanish imperial eagle », Vet. Microbiol., 2008, vol. 25, n° 129 (1-2), pp. 171-178.

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