Le botulisme est à suspecter lors de forte mortalité combinée à des paralysies flasques - La Semaine Vétérinaire n° 1319 du 13/06/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1319 du 13/06/2008

Pathologie aviaire

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Karim Adjou*, Stéphanie Maeder**

L’action d’une neurotoxine produite par Clostridium botulinum aboutit à une paralysie ascendante des membres et du cou. Un climat chaud et humide est propice à son développement.

Le botulisme chez les volailles figure dans la nomenclature des maladies réputées contagieuses (MRC) depuis le décret du 17 février 2006. Sa déclaration est donc obligatoire, mais les mesures de police sanitaire qui lui sont applicables ne sont pas définies actuellement. En conséquence, la détection de la maladie revêt toute son importance, d’autant qu’une forte recrudescence des cas a été observée l’an dernier, pour des raisons encore inexpliquées, même si le botulisme aviaire est encore considéré comme une affection peu fréquente en élevage avicole. L’agent qui produit la toxine à l’origine de la maladie, Clostridium botulinum, est une bactérie Gram positif, anaérobie stricte, sporulante, d’origine fécale et tellurique. Ces bactéries sont largement répandues dans les sols, l’eau et les sédiments marins où elles survivent grâce à leurs spores.

Sept types antigéniques de C. botulinum toxinogènes sont recensés (A, B, C, D, E, F, G). A chaque type correspond une neurotoxine particulière, même si la règle « une souche, une toxine » n’est pas absolue (deux neurotoxines à la fois peuvent être produites par une même bactérie). Sept sérotypes neurotoxiniques sont répertoriés (A, B, C, D, E, F, G). Ces exotoxines sont des toxines protéiques qui se différencient du lipopolysaccharide (LPS) toxique de la membrane externe des bacilles Gram négatif.

La température corporelle des oiseaux est optimale pour la croissance des germes de types C et D et pour le maintien de la stabilité des toxines C et D dans les caeca, ce qui les rend sensibles aux toxi-infections induites par ces types. Les spores de C. botulinum du groupe C sont communément retrouvées dans le tube digestif des volailles, sur les exploitations et à leurs abords.

La toxine botulique est trois cents millions de fois plus puissante que le cyanure

Les toxines botuliques font partie des substances les plus dangereuses. La dose létale minimale pour un cochon d’Inde est de 0,00012 mg/kg par voie sous-cutanée. La toxine botulique est trois cents millions de fois plus puissante que le cyanure et un million de fois plus que la strychnine.

Les C. botulinum sont en outre résistants à la chaleur. Leur inactivation nécessite une température sèche de 100 °C pendant cinq heures ou un autoclavage de dix minutes à 120 °C. En général, il est admis que la destruction des spores nécessite un chauffage à 120 °C pendant vingt minutes. Le froid respecte leur vitalité : elles résistent à une température de - 20 °C et restent donc vivantes dans les aliments congelés. Les conditions hivernales n’altèrent pas les spores présentes dans la nature.

L’alcool, les antibiotiques, les phénols, l’ammonium et la quantité d’oxygène n’ont aucun effet sur les spores. En revanche, l’acide chlorhydrique, le formaldéhyde, le glutaraldéhyde, l’hypochlorite de calcium, l’hypochlorite de sodium, l’oxyde d’éthylène, le peroxyde d’hydrogène possèdent une activité sporicide qui varie selon leur concentration et le temps de contact.

A l’opposé des spores, et comme la plupart des protéines, les neurotoxines botuliques sont thermosensibles (dénaturation après vingt minutes à 50 °C). Les toxines A, B et E sont thermolabiles et sont inactivées par la chaleur : un chauffage à 80 °C pendant dix minutes les détruit. Les toxines C et D sont plus thermostables puisqu’il faut les chauffer quatre-vingt-dix minutes à 100 °C pour les détruire complètement.

Les toxines ne sont pas inactivées par l’action de l’acide gastrique, ni par les enzymes protéolytiques de l’estomac. Cela explique la possibilité d’intoxination pure d’origine alimentaire. Les neurotoxines semblent bien résister à l’action des rayons ultraviolets. Ainsi, exposées à la lumière, elles résistent entre cent vingt heures et dix jours en moyenne dans la nature.

La toxine bloque la neurotransmission à l’extrémité des motoneurones

Lorsque les oiseaux meurent de botulisme, C. botulinum est capable d’envahir les muscles à partir du tractus digestif (où il se trouvait de façon physiologique), de se développer dans des conditions anaérobies et de produire la toxine. Lors de la décomposition de la carcasse par les asticots, ces derniers accumulent la toxine et peuvent alors être à l’origine d’intoxinations de leurs prédateurs (les faisans, par exemple). 1 g d’asticots peut contenir 180 000 DL50 de souris (tue 50 % de la population). Les faisans meurent après l’ingestion de huit asticots ou plus. C. botulinum envahit les tissus des oiseaux morts de botulisme et perpétue ainsi la transmission. Dans le cas de canards sauvages, certains lacs peuvent être plus à risque que d’autres. Etant donné la présence de C. botulinum dans la vase de certains d’entre eux, les intestins de canards contiennent souvent la bactérie et les cas peuvent apparaître dès que ces oiseaux meurent, quelle que soit la cause de leur mort.

L’incubation de la maladie est de quelques heures à un ou deux jours après l’ingestion d’éléments toxiques. La toxine impliquée bloque la neurotransmission à l’extrémité périphérique des motoneurones en hydrolysant sélectivement les protéines nécessaires à la fusion des vésicules synaptiques avec la membrane plasmique du neurone présynaptique. Cela empêche la libération de l’acétylcholine au niveau des plaques motrices et aboutit à la paralysie du muscle associé.

Le botulisme provoque une paralysie ascendante, dont le degré dépend de la quantité de toxine ingérée. Les signes les plus précoces sont de la faiblesse, une altération de la locomotion, voire une incapacité à marcher ou à voler. Si la dose ingérée est suffisamment importante, ces symptômes évoluent vers une paralysie totale des pattes, des ailes, du cou et des paupières. Les paupières tombantes ou closes donnent aux oiseaux un aspect comateux, somnolent, voire mort. Cependant, il est fréquent que certains meurent sans paralysie du cou. Les oiseaux peuvent aussi présenter des signes de frilosité, un plumage ébouriffé. Des difficultés respiratoires (bec ouvert, détresse respiratoire), et des suffocations sont aussi décrites. La mort survient par asphyxie, à la suite de la paralysie des muscles abdominaux et cardiaques, après une longue agonie. Si une faible quantité de toxines a été ingérée, une rémission, après de légers signes d’incoordination motrice, est possible.

Une suspicion clinique devra toujours être distinguée d’une intoxication au plomb, aux ionophores ou encore à l’alphachloralose. Il convient également d’écarter d’autres affections comme la maladie de Newcastle ou de Marek, l’influenza aviaire, l’encéphalomyélite aviaire, une clostridiose à Clostridium perfringens, le rouget ou encore une pasteurellose aiguë. Par conséquent, le diagnostic clinique seul ne suffit pas et il faut recourir aux analyses de laboratoire.

En élevage, l’intoxination n’est possible que par l’ingestion de cadavres

Le botulisme chez les volailles relèverait plutôt d’une toxi-infection que d’une intoxination. En effet, une intoxination se définit comme un botulisme résultant de l’ingestion de neurotoxines botuliques préformées dans l’aliment, alors qu’une toxi-infection est consécutive à l’ingestion de spores ou de formes végétatives d’un Clostridium neurotoxinogène qui s’est multiplié et a synthétisé de la neurotoxine dans la lumière intestinale.

Lors de toxi-infection, les volailles s’infecteraient par l’ingestion de spores présentes dans l’environnement (sol, abords, nourriture, eau, litière, poussières, etc.) et manifesteraient du botulisme vraisemblablement à l’occasion de circonstances associées. L’ingestion d’une spore n’est cependant pas suffisante pour permettre une prolifération abondante de C. botulinum dans le tube digestif. Dans les conditions naturelles, les spores absorbées par voie orale peuvent rester latentes ou se développer dans le tube digestif, le plus souvent en faible nombre. La flore intestinale, si elle n’est pas perturbée, empêche normalement la multiplication de la bactérie. Les caeca sont le site de production, voire d’absorption de la toxine botulique. De plus, l’administration de spores de C. botulinum de type C à des poulets provoque la maladie et la toxine est retrouvée dans les fientes, ce qui prouve qu’il y a eu toxinogenèse dans leur tube digestif. La coprophagie est fondamentale dans l’apparition de la maladie chez les poulets, car sans elle la quantité de toxines absorbée dans les caeca serait trop faible.

En ce qui concerne l’intoxination, par ingestion orale de toxines préformées, il en faut des quantités assez importantes pour déclencher la maladie chez les volailles (plus de 105 DL50 de souris). Or de telles sources de toxines n’ont jamais été retrouvées dans l’environnement des élevages, ni dans l’eau, ni dans l’aliment des volailles parmi lesquelles des cas de botulisme avaient été identifiés. En revanche, ce serait le cas pour le botulisme hydrique (ingestion d’asticots ayant concentré la toxine).

Il est donc admis qu’en élevage, l’intoxination n’est possible que par l’ingestion de cadavres (cannibalisme) d’oiseaux morts de botulisme ou par celle de larves d’insectes proliférant sur ces cadavres et hébergeant de grandes quantités de toxines capables de déclencher la maladie.

La sensibilité au botulisme aviaire diffère selon les espèces d’oiseaux

Des facteurs de risque intrinsèques influent sur l’apparition du botulisme aviaire. L’espèce tout d’abord. La sensibilité à la maladie varie en effet d’une espèce d’oiseaux à une autre. Ainsi, le vautour est très résistant à la toxine botulique en général. Le faisan est l’oiseau le plus sensible à la toxine C, le dindon est considérablement plus sensible à cette toxine que le poulet. Cette différence de sensibilité est d’une grande importance épidémiologique : les poulets sont très résistants à la toxine de type D. Lorsqu’ils sont contaminés, ils restent porteurs et C. botulinum se multiplie à bas bruit dans leur tube digestif et peut ainsi être rejeté dans les fientes.

Chez les faisans d’élevage, une tendance marquée au cannibalisme est notée. Cela favorise l’extension rapide du botulisme, donnant une allure explosive à la maladie dans les élevages. Les productions avicoles les plus affectées restent celles de la dinde et du poulet.

L’âge et le sexe ne semblent pas directement influencer la sensibilité des animaux.

En outre, les maladies intercurrentes, telles que les troubles digestifs, constituent des facteurs favorisants du botulisme. Ainsi, les parasitoses digestives peuvent provoquer un ralentissement digestif et des lésions de la muqueuse qui favorisent l’absorption de la toxine.

L’élévation de la température contribue à la multiplication de C. botulinum

Le climat figure parmi les facteurs de risque extrinsèques. L’émergence de bactéries, puis de spores, est favorisée par une chaleur humide. La maladie apparaît surtout lors de fortes chaleurs. L’augmentation de la température favorise non seulement la multiplication de C. botulinum et sa toxinogenèse, mais augmente également l’activité des mouches et le développement des asticots. La température chaude accélère l’abaissement du niveau de l’eau en même temps que son réchauffement. Ainsi, durant les étés secs, les oiseaux sont exposés à de vastes étendues de vase. De plus, les plantes aquatiques meurent, s’accumulent et pourrissent, fournissant un milieu organique propice à la multiplication de C. botulinum.

En élevage, lorsque les conditions sont chaudes et humides, lors d’accumulation de matières fécales, de nourriture et de végétation en décomposition, le milieu devient idéal pour la prolifération de C. botulinum et la toxinogenèse, surtout autour des abreuvoirs et des mangeoires. Le sol constitue alors un micro-environnement humide et riche en matières organiques tout à fait favorable à la multiplication des spores clostridiennes déjà présentes.

L’alimentation peut également jouer un rôle au niveau de la flore digestive et engendrer le développement d’une flore pathogène.

  • Voir la bibliographie sur WK-Vet.fr (rubrique “Revue”, “La Semaine Vétérinaire “, ”Compléments d’articles “).

Tableau clinique du botulisme

- Pattes : sujets couchés, accroupis, déplacement impossible, incoordination, ataxie, décubitus sternal ;

- ailes : tombantes, écartées sur le sol ;

- cou : atonie flasque, bec dans la litière ;

- paupières : tombantes à closes, aspect comateux à mort ;

- plumage ébouriffé ;

- diarrhée ;

- difficultés respiratoires pouvant entraîner la mort ;

- putréfaction rapide ;

- mortalité variant entre 4 et 100 % ;

- rare guérison spontanée.

K. A. et S. M.
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