Un nouveau schéma de la physiopathologie de “l’entérotoxémie” innocente les clostridies - La Semaine Vétérinaire n° 1318 du 06/06/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1318 du 06/06/2008

Pathologie porcine

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

L’anatomie digestive du porc permet d’expliciter la physiopathologie du syndrome de distension intestinale porcin. Mais certains comportements alimentaires dits déviants interrogent encore les chercheurs.

Dépoussiérions nos idées relatives aux mortalités brutales des porcs à l’engraissement ! », a exhorté le professeur Guy-Pierre Martineau, le 4 décembre dernier, à Rennes (Ille-et-Vilaine). La société Alltech avait invité les professionnels de la filière porcine à revisiter le paradigme de l’entérotoxémie.

Trois causes sont classiquement incriminées lors de mortalité brutale en engraissement : l’entéropathie proliférative hémorragique à Lawsonia intracellullaris, l’entérotoxémie et l’ulcère gastro-œsophagien. « En l’absence de caillot sanguin dans l’intestin grêle, caractéristique de l’entéropathie proliférative hémorragique et de l’ulcère gastro-œsophagien, les Français opteront pour le terme “entérotoxémie” (voir photos 1 et 2), les Australiens pour celui de porcine intestinal distension syndrome (syndrome de distension intestinale porcin), a souligné notre confrère. Cet accident de santé n’est pas simple à régler, car il est imprévisible, bien que les facteurs de risque soient connus et concernent des porcs en bonne santé ! » Toutefois, des signes cliniques prémonitoires, d’observation délicate, existent. « Une distension abdominale ante mortem est souvent présente. Les symptômes peuvent être observés seize à vingt heures avant la mort, a-t-il indiqué. Ainsi, contrairement à une idée admise, le lien causal avec le repas qui précède la mort est moins important que ce que l’on croit généralement. »

Une haute pression abdominale est mesurée chez tous les porcs atteints

A ce titre, des investigations épidémio-cliniques ont été menées en 2004 dans une station de contrôle des performances américaine confrontée au syndrome de distension intestinale porcin, où les porcs sont nourris avec un système individuel d’alimentation sèche. Six cas de ce syndrome ont fait l’objet d’une analyse comportementale et nécropsique. Une interruption de l’ingestion à court terme est enregistrée chez les six porcs, dont l’âge est variable. Pour deux d’entre eux, le nourrisseur n’a pas fonctionné pendant un certain temps. Pour un troisième, il n’a pas marché correctement à J-2 et J-3 avant la mort, mais normalement à J-1 et J0. En outre, trois des porcs ont été sortis, pesés et tatoués la veille de leur mort. A l’autopsie, tous les animaux présentent une torsion plus ou moins prononcée des viscères abdominaux (voir photo 3). Réalisée quelques minutes après la mort, l’autopsie met en évidence une distension gazeuse de l’intestin grêle et du côlon. Les chercheurs(1) en ont conclu que le syndrome de distension intestinale porcin est synonyme de torsion, et que le facteur déclenchant est une interruption de la prise alimentaire et/ou une activité physique inhabituelle. Toutefois, en 2007, une étude nécropsique écossaise(2) incluant vingt-huit cas de ce syndrome n’a comptabilisé que deux torsions intestinales. En revanche, les auteurs ont mesuré une forte pression intra-abdominale chez tous les porcs atteints, dix fois supérieure à la normale (voir graphique 1). En outre, des chercheurs norvégiens ont montré que, lorsque la pression abdominale est égale à 40 mmHg, le débit cardiaque et l’irrigation de l’intestin grêle et du côlon sont fortement diminués (voir graphique 2), entraînant une hypoxie, puis une anoxie de l’ensemble de l’intestin.

Une dilatation intestinale compresse le tronc veineux mésentérique et asphyxie l’intestin

Nos confrères Guy-Pierre Martineau (ENVT), Hervé Morvan (laboratoire départemental d’analyses de Ploufragan) et Marc Decoux (firme service Centralys à Trappes) proposent, pour le syndrome de distension intestinale porcin, un schéma pathogénique. Une dilatation intestinale liée à la production de gaz par fermentation colique et/ou déséquilibre de flore intestinale entraîne une compression du tronc veineux mésentérique (voir schéma A) soit directement, soit via l’augmentation de la pression intra-abdominale. Cette compression déclenche une cascade d’événements irréversibles : hypertension portale, hypoxie cellulaire, dilatation, extravasion sanguine, avec pour conséquence un contenu intestinal hémorragique non coagulé et un choc vasculaire. Cette atteinte du tronc mésentérique explique l’absence de lésion hépatique, pancréatique, gastrique, splénique et duodénale, en raison d’une vascularisation indépendante du tronc mésentérique. L’augmentation de la courbure intestinale peut conduire dans de nombreux cas, par un phénomène physique, à la torsion complète ou partielle de la masse intestinale postérieure au duodénum (voir schéma B). « A la différence des bovins, il ne s’agit pas d’une entérite », a indiqué Guy-Pierre Martineau. Lors d’hypoxie ou d’anoxie, les formes sporulées des bactéries anaérobies telles que les clostridies prennent leur forme végétative et produisent des toxines. Or cette flore anaérobie est prépondérante dans le côlon (1012 par gramme de matières contenues dans le côlon). L’augmentation de la perméabilité de la paroi intestinale peut conduire à l’envahissement de l’organisme par des bactéries Gram négatif et des spores de Clostridium. Ainsi, l’hypothèse de l’origine exogène de “l’entérotoxémie” est à abandonner.

Dans certains cas, plus souvent rencontrés chez la truie que chez le porc charcutier, une torsion gastrique, splénique, hépatique et des volvulus d’une partie de l’intestin grêle sont observés. Ces torsions sont surtout notées lorsque les animaux sont excités avant le repas ou juste après, ou quand ils ingèrent brutalement une trop grande quantité d’aliment et d’eau. Certains facteurs de risque, qui déséquilibrent le fragile équilibre de l’écosystème intestinal du porc, sont d’ores et déjà suspectés : richesse des aliments en monosaccharides ou disaccharides, irrégularité de la distribution des repas, changement brutal d’aliment, de lot de lactosérum, postnettoyage des machines à soupe. Mais les candidats au syndrome de distension intestinale ont-ils un comportement alimentaire déviant ? Les porcs picoreurs, et ceux qui ont un comportement variable tant en fréquence des visites de l’automate qu’en quantité consommée, sont-ils davantage atteints ? La question est encore à l’étude pour cette affection dont l’étiologie est loin de faire l’unanimité au sein de la recherche porcine.

  • (1) Le professeur Barbara Straw, vétérinaire à l’université de l’état du Michigan et ses collaborateurs.

  • (2) Le docteur vétérinaire Jill Thomson du Scottish Agricultural College d’Edimbourg, et ses collaborateurs.

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