Une épiploïsation est réalisée chez un orang-outan pour soigner un abcès rétro-péritonéal

Une femelle orang-outan (Pongo pygmaeus pygmaeus) âgée de trente-huit ans présente une léthargie chronique, des difficultés locomotrices accompagnées parfois de stades dépressifs profonds. Progressivement, la faiblesse générale laisse place à des décubitus dorsal et latéral permanents. Une semaine après l’apparition des premiers symptômes, l’animal est immobilisé avec de la kétamine (induction avec 300 mg par fléchage intramusculaire, soit 4,8 mg/kg ; puis maintien avec des bolus intraveineux de 200 mg toutes les vingt minutes, soit 3,2 mg/kg). Le taux de saturation en oxygène et les fonctions respiratoire et cardiaque sont surveillés à l’aide d’un pulse oxymètre portable.

L’examen clinique révèle des lésions parodontales chroniques, normales au vu de l’âge du sujet. La palpation permet de suspecter une masse abdominale en position postérieure. Les radiographies mettent en évidence de l’arthrose sur les vertèbres lombaires. L’échographie abdominale caractérise plus précisément la masse qui se révèle être un abcès pluricavitaire en position rétro-péritonéale. Un pyomètre associé à l’abcès n’est pas exclu des hypothèses diagnostiques. L’animal est préparé pour une laparotomie exploratrice. Il reçoit 40 mg de méloxicam (Métacam®, à la dose de 0,64 mg/kg, par voie sous-cutanée).

La cavité de l’abcès est remplie par un lambeau omental

L’examen confirme la présence d’un volumineux abcès, adhérant à toutes les structures topographiquement proches (vessie, mésentère, péritoine, une partie du tube digestif). L’utérus se révèle normal. La pression exercée par le pus sur la coque de l’abcès est telle que le simple fait de le manipuler suffit à le percer. Près de 500 ml de pus sont alors retirés de la cavité abdominale à l’aide d’un aspirateur chirurgical. La cavité est ensuite rincée à trois reprises avec du sérum physiologique stérile. Après le dernier passage, 800 mg de gentamycine (Septigen 40®, à raison de 12,8 mg/kg) sont uniformément répartis dans la cavité abdominale.

La dissection et l’exérèse de l’abcès étant impossibles, il est décidé de créer un drain physiologique par omentalisation. La cavité de l’abcès est remplie par un lambeau d’épiploon, fixé en deux points sur la paroi de l’abcès avec du matériel résorbable. La paroi abdominale est refermée en deux plans (péritoine et plans musculaires) avec un surjet utilisant un monofilament non résorbable. Des points simples en U avec du matériel résorbable sont appliqués pour la suture cutanée. L’animal reçoit 40 mg de méloxicam par voie sous-cutanée (0,64 mg/kg), 5 ml d’une solution polyvitaminée par voie intramusculaire (Nutra B®, 0,2 ml/kg), 560 mg de céfovecine par voie sous-cutanée (Convenia®, 8,58 mg/kg) et 540 mg de danofloxacine par voie sous-cutanée (A180®, 8,28 mg/kg).

Quarante-cinq minutes après le dernier bolus de kétamine, l’animal se réveille dans son enclos. Dans les minutes qui suivent, l’orang-outan montre une activité étonnamment rapide. Un traitement analgésique est prescrit avec 45 mg de méloxicam per os (Métacam® solution buvable, 0,69 mg/kg) pendant cinq jours.

Une infection de la plaie apparaît au bout de six jours et nécessite trois anesthésies pour un traitement et un drainage locaux. C’est la seule complication observée.

L’antibiothérapie est poursuivie par voie orale pendant un mois (Céfacet Gé® à la posologie de 15,33 mg/kg). Un mois et demi après l’intervention chirurgicale, l’animal présente un tableau clinique normal. Les examens bactériens réalisés à partir du pus donnent deux cultures positives de Streptococcus G et Escherichia coli, toutes deux sensibles aux céphalosporines et fluoroquinolones.

L’omentalisation est utilisée lors d’abcès, de chylothorax ou de plaies atones

Chez l’homme, les abcès rétro-péritonéaux sont peu communs. Si le drainage suffit dans la plupart des cas, des mortalités dues à ces lésions sont décrites, malgré un traitement chirurgical. Dans le cas présent, la culture de Streptococcus et E. coli suggère une infection primaire, ascendante à partir du bas tractus urinaire, reproducteur ou digestif. L’omentum, par sa vascularisation, son réseau lymphatique, ses propriétés immunologiques représente un drain physiologique efficace. La technique d’omentalisation est considérée actuellement comme le traitement de choix des abcès prostatiques et pancréatiques chez le chien. Employée en médecine humaine depuis plusieurs années lors d’interventions chirurgicales cutanées, elle est de plus en plus utilisée en médecine vétérinaire lors d’abcès, de chylothorax ou de plaies atones.

• La bibliographie est disponible sur WK-Vet.fr