Lors d’avortements répétés, la recherche des agents infectieux en cause s’impose - La Semaine Vétérinaire n° 1317 du 30/05/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1317 du 30/05/2008

Reproduction bovine

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Une standardisation des protocoles de prélèvement et la généralisation d’une grille d’interprétation permettront de mieux quantifier l’impact des agents infectieux impliqués dans les séries d’avortements.

Lors d’un épisode d’avortements(1), la pertinence des prélèvements, leur qualité et celle des commémoratifs sont essentielles pour pouvoir poser un diagnostic cohérent avec l’anamnèse. En effet, compte tenu de la non-spécificité des symptômes, le recours au laboratoire est incontournable pour confirmer une suspicion clinique et épidémiologique. Toutefois, l’efficacité de cette exploration diagnostique nécessite de croiser la qualité et la pertinence des prélèvements avec la connaissance de la valeur informative des tests, le coût du dépistage et l’interprétation des résultats. Combinant ces différents paramètres, notre confrère Alain Joly, du Groupement de défense sanitaire du Morbihan, a présenté lors de la Journée bovine nantaise, le 4 octobre dernier, les fondements de la mise en œuvre d’une démarche standardisée en cas d’avortements répétés en élevage bovin, et proposé un protocole de prélèvement, ainsi qu’une grille d’interprétation des résultats. En raison de la taille des troupeaux bovins français, il est délicat de déterminer un seuil à partir duquel des avortements successifs (situations individuelles) seront qualifiés de répétés, suggérant une affection de troupeau. Notre confrère propose de définir un seuil selon une valeur absolue d’avortements sur un an. Ainsi, deux avortements dans le mois ou trois dans l’année sont un seuil possible d’intervention pour un troupeau de soixante à quatre-vingts vaches.

L’augmentation des prélèvements accroît la valeur prédictive des résultats

Les tests de laboratoire sont des outils qui permettent d’approcher au mieux le fonctionnement biologique du vivant, mais qui ne sont pas parfaits. Leurs défauts sont définis par deux critères, la sensibilité et la spécificité(2). L’association de ces deux critères avec la prévalence de l’infection permet de calculer les valeurs prédictives d’un résultat de laboratoire (voir tableau 1). Alain Joly a illustré le calcul de la valeur prédictive d’une sérologie “néosporose” chez une vache ayant avorté. Pour cette maladie, la sensibilité de cette analyse est égale à 98 %, la spécificité à 99 %, la prévalence de l’infection à 5 % et celle de la maladie à 1 %. Ainsi, la valeur prédictive négative du test est de 99,9 % dans le cas de l’infection et 99,98 % dans celui de l’avortement. Un résultat négatif à la sérologie prédit donc, avec une probabilité de 99,9 %, que la vache n’est pas contaminée par Neospora caninum et, avec une probabilité de 99,98 %, que l’avortement n’est pas dû à ce parasite. La valeur prédictive positive du test sérologique utilisé pour le dépistage de l’infection par Neospora caninum est égale à 83 % pour l’infection et à 50 % pour l’avortement. Ainsi, un résultat positif prédit, avec une probabilité de 83 %, que la vache est contaminée par Neospora caninum et, avec une probabilité de 50 %, que c’est la cause de l’avortement. Ces résultats sont qualifiés de bons et de corrects. En conséquence, la sérologie “néosporose” est un test très informatif. A l’inverse, une sérologie “fièvre Q” est peu informative. Compte tenu de la prévalence de l’infection et de son caractère asymptomatique, un résultat positif signera surtout une infection.

Le fait d’augmenter le nombre d’animaux prélevés permet d’accroître les valeurs prédictives, en particulier si plusieurs résultats sont concordants. Si n est le nombre de résultats concordants, la valeur prédictive au niveau du troupeau est égale à VPPtroupeau = 1 - (1 - VPP maladie) n. Si six vaches ont avorté dans un troupeau et si elles sont toutes les six séropositives vis-à-vis de Neospora caninum, la valeur prédictive de l’information est égale à 1 - (1 - 0,5) 6, soit 0,985. Ainsi, la probabilité que l’épisode abortif soit dû à Neospora caninum est proche de 100 %.

Toutefois, il ne faut pas oublier d’associer à ces calculs mathématiques les signes cliniques, les connaissances biologiques et l’épidémiologie. En effet, « un épisode abortif groupé sur deux mois concomitants de symptômes évocateurs d’une infection par Anaplasma phagocytophilum (Ap), avec six vaches sur six séropositives vis-à-vis d’Ap, signe un diagnostic de quasi-certitude de l’implication d’Ap ». Les anticorps dirigés contre Anaplasma phagocytophilum persistent pendant trois mois après l’infection et, dans ce cas, « cette dernière peut même être datée ». Au total, le protocole proposé prévoit de prélever sept vaches (voir tableau 2). Un tel échantillon peut sembler faible, en particulier pour des troupeaux de plus de cent vaches. Toutefois, comme il s’agit d’un échantillon ciblé (vaches ayant précédemment avorté et vaches présentant des signes ou des performances zootechniques concordants avec l’avortement), il est largement suffisant.

Le protocole inclut une optimisation technique, épidémiologique et économique

Les principaux agents infectieux incriminés dans les avortements répétés sont les virus de la diarrhée virale bovine (BVD) et de la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), Brucella abortus, Coxiella burnetii, Chlamydiophila abortus et Chlamydiophila pecorum, les leptospires, Anaplasma phagytophilum, les salmonelles (S. Dublin, S. Typhimurium et S. Montevideo), Neospora caninum. Il est rare d’identifier Listeria monocytogenes ou Bacillus lichenformis dans les séries d’avortements. Selon Alain Joly, le virus de la BVD, Coxiella burnetii et Neospora caninum sont à rechercher systématiquement. Selon le contexte local, une recherche des agents de la chlamydiophilose, de la leptospirose, de la salmonellose, de la listériose et de l’ehrlichiose sera ajoutée. En outre, la possibilité de conserver les prélèvements au laboratoire permet la mise en œuvre d’une démarche en deux temps. Après une première série d’analyses, des dépistages d’autres agents infectieux pourront être réalisés en cas de résultats négatifs.

Classiquement, les protocoles de prélèvement comprennent une recherche directe et indirecte des agents infectieux. Ceux-ci seront dépistés directement chez la vache ayant avorté et/ou chez l’avorton, dans la mesure où l’excrétion est concomitante de l’avortement. Il est ainsi proposé de prélever du placenta et/ou du liquide stomacal de l’avorton, en veillant à la qualité de l’échantillon. En effet, un placenta prélevé sur la paille et non directement dans l’utérus de la vache n’apportera pas d’information pertinente en raison de sa contamination par les germes présents dans l’environnement et/ou sur l’exploitation.

Quant aux anticorps, ils seront recherchés chez les vaches ayant avorté depuis plus de huit jours et chez les animaux qui souffrent, par exemple, de troubles compatibles avec une infection par l’agent suspecté dans l’avortement. Un nombre de six vaches est recommandé. En matière de néosporose, les vaches qui présentent des retours en chaleurs tardifs, supérieurs à plus de vingt-six jours postinsémination, feront partie de l’échantillon (voir tableaux 2 et 3). Par exemple, une polymerase chain reaction (PCR) positive, avec une quantification des Coxiella à au moins 10 000 bactéries par gramme, associée à une majorité de vaches séropositives parmi les autres ayant avorté, permet de poser un diagnostic étiologique de certitude sur l’épisode abortif.

« La mise en place de ce protocole et la standardisation de l’interprétation des résultats d’analyses permettront à la fois de mieux quantifier l’impact réel de chaque agent et d’ajuster le protocole au fur et à mesure de la production de données ou de l’évolution des techniques d’analyse », conclut notre confrère.

  • (1) Un avortement est l’expulsion avant terme d’un fœtus mort ou qui meurt dans les vingt-quatre premières heures.

  • (2) La sensibilité d’un test ou d’un examen diagnostique est sa capacité de donner un résultat positif lorsque la maladie (ou la condition) est présente. Elle s’oppose à la spécificité, qui est la capacité d’un test ou d’un examen de donner un résultat négatif lorsque la maladie n’est pas présente.

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