Les poissons élevés en captivité ont moins de vigueur une fois réintroduits dans la nature - La Semaine Vétérinaire n° 1316 du 23/05/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1316 du 23/05/2008

Sélection artificielle

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Alain Zecchini

Leurs capacités reproductrices sont réduites par rapport à celles de leurs congénères sauvages.

En raison du déclin de la biodiversité, souvent constaté à travers le monde, l’élevage en captivité d’espèces sauvages prend aujourd’hui toute son importance. Trois finalités sont mises en avant : le sauvetage des espèces les plus menacées, la préservation et la réintroduction ultérieure dans leur habitat naturel de celles qui le sont moins, le renforcement de celles qui sont affaiblies sans être dans un état préoccupant, ce qui consiste à ajouter des individus nés en captivité aux populations sauvages. La troisième option, la plus pratiquée, est la moins difficile à mettre en œuvre. Mais la question de savoir si les individus auparavant captifs possèdent bien les mêmes caractéristiques génétiques que leurs congénères sauvages se pose. Il faut aussi étudier la possibilité que ces éventuelles différences génèrent des altérations de fonctions vitales.

Les individus d’origine captive contribuent moins au pool génique de l’espèce

Une étude s’est attachée, pour la première fois, à éclairer dans le détail ce dernier point(1), en s’intéressant à la truite arc-en-ciel, Oncorhynchus mykiss. Chaque année, cinq milliards de juvéniles de ces truites et de saumons du Pacifique, issus de programmes d’alevinage, sont relâchés dans le Pacifique nord. Un grand nombre le sont aussi dans les rivières. Les auteurs ont choisi un cadre limité, mais qui représente un bon exemple de l’habitat naturel de ce salmonidé, la rivière Hood, dans l’Oregon (Etats-Unis). Ils ont reconstitué le pedigree de trois générations de truites nées en captivité et ont examiné leur succès reproducteur.

Les truites sont séparées en deux groupes. Le premier (S) regroupe les individus nés de deux parents sauvages. Le deuxième (C) rassemble des poissons dont l’un des parents est sauvage, l’autre captif de première génération. Toutes ces truites proviennent de la même population, sont nées la même année, ont été élevées dans une seule station d’alevinage et ont été relâchées en même temps. La seule différence fondamentale concerne leur génome. La moitié du génome du groupe C a été marquée par la captivité pendant deux générations, celle du parent captif et celle du juvénile avant le relâcher ; l’autre moitié, issue du parent sauvage, n’a connu la captivité que pendant une génération. Dans le groupe S, le génome n’a été marqué par la captivité que pendant une génération, puisqu’il provient de deux parents sauvages.

Le succès reproducteur est estimé sur une période de trois ans chez cinq cent quarante-sept truites du groupe C et cent quatre-vingt-treize du groupe S. Les résultats sont nets : le succès reproducteur du groupe C s’établit seulement à 55 % de celui du groupe S. Cela signifie qu’une seule génération supplémentaire d’élevage en captivité fait diminuer les naissances.

Les individus sauvages, comme ceux issus de la captivité, se reproduisent plutôt entre eux

Poursuivant leur démonstration, les auteurs comparent les deux groupes à un autre, purement sauvage, pendant la même période. Leurs conclusions renforcent le constat du désavantage de la captivité par rapport aux conditions naturelles en termes de reproduction. En effet, le succès reproducteur du groupe S n’est que de 59 % de celui du groupe sauvage, celui du groupe C de 31 %.

Cette recherche n’a pu exclure, a priori, les effets non génétiques attribuables aux grands-parents, qui sont principalement d’origine maternelle.

Mais selon les scientifiques, le sexe du parent né en captivité, à ce niveau, n’a pas d’influence sur le succès reproducteur.

Ces expériences font donc bien apparaître que les capacités reproductrices peuvent décliner après un temps court (une génération) en captivité. La confirmation est fournie par l’examen des statistiques provenant de quatre stocks d’autres salmonidés issus de l’alevinage. Chez eux, le fléchissement de la vigueur, par rapport à leurs congénères sauvages, est de 37,5 % par génération élevée en captivité. Il reste à comprendre les causes de cette baisse de performance. A l’évidence, la sélection artificielle, qui est celle de la captivité, et qui signifie donc le relâchement de la sélection naturelle, joue un rôle moteur dans ce processus. Il s’agit d’un constat essentiel, même s’il reste aussi à sérier précisément les paramètres qui conduisent à ce résultat, et à l’extrapoler à d’autres familles animales. En attendant, les auteurs mettent en garde contre les difficultés rencontrées en choisissant des parents nés en captivité pour produire une progéniture destinée à être relâchée dans la nature. Sans l’écrire, ils conseilleraient de retenir des parents sauvages. Pour les salmonidés, cette option est relativement simple à mettre en œuvre. Pour des vertébrés supérieurs (primates, grands ongulés, félins, etc.), il en va bien autrement, en raison tant de la faiblesse des populations restantes, en général, que des réglementations des pays concernés, lesquels sont de plus en plus réticents à se séparer de leur faune sauvage, même pour des raisons de conservation. En outre, les réglementations internationales concernant les espèces menacées (Cites, Convention de Berne) limitent les captures dans la nature à quelques cas particuliers.

  • (1) H. Araki, B. Cooper et M. Blouin : « Genetic effects of captive breeding cause a rapid, cumulative ritness decline in the wild », Science, 5/10/2007.

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