Les Morbillivirus font des dégâts parmi les cétacés - La Semaine Vétérinaire n° 1315 du 16/05/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1315 du 16/05/2008

Ecosystèmes marins

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Marie Sigaud

La pollution marine est incriminée comme un facteur potentiel d’émergence.

Les infections par les Morbillivirus sont décrites depuis 1988 chez les mammifères marins, aussi bien chez les pinnipèdes que chez les cétacés. Au printemps 1990, une épizootie sévère a sévi le long des côtes espagnoles et s’est étendue progressivement à tout le bassin méditerranéen jusqu’à la fin 1992, provoquant la mort de plus d’un millier de dauphins blanc et bleu (Stenella coeruleoalba), dont près de cent soixante furent retrouvés morts sur les plages françaises. Au cours de l’été 2007, une autre épizootie a touché en majorité la même espèce, mais également les populations de grands dauphins (Tursiops truncatus), avec l’échouage de plus d’une centaine de cétacés. L’épizootie s’est terminée seulement en avril dernier.

Les Morbillivirus, qui ne sont pas une nouveauté au sein du règne animal, appartiennent à la famille des Paramyxoviridae. Parmi les virus que comporte ce genre, quatre sont décrits de longue date chez les mammifères terrestres (virus de la rougeole, de la maladie de Carré, de la peste bovine et de la peste des petits ruminants) et six plus récemment chez les mammifères marins (trois chez les pinnipèdes et trois chez les cétacés).

L’aspect clinique de la maladie est méconnu chez les cétacés, les individus touchés s’échouant généralement à un stade avancé de la maladie. Cependant, l’examen microscopique de tissus prélevés chez ces derniers a permis de mettre en évidence des lésions au niveau des tractus respiratoire et digestif, ainsi qu’au sein des tissus nerveux et lymphoïdes. L’infection est transmise par le biais des sécrétions corporelles, lors de contacts entre les animaux.

Le Réseau national échouage recense l’ensemble des échouages de cétacés

Depuis 1972, il existe en France un Réseau national échouage (RNE) qui se charge de recenser et de documenter – notamment en réalisant des prélèvements de matériel biologique – l’ensemble des mammifères marins retrouvés sur les côtes françaises (voir encadré). Et depuis 2003, le Laboratoire départemental vétérinaire (sous la tutelle du conseil général) de l’Hérault et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) mènent conjointement un travail sur les Morbillivirus en particulier(1).

Le rôle de la pollution marine, et plus particulièrement des polychlorobiphényles (PCB), dans l’apparition des épizooties à Morbillivirus chez les mammifères marins fait l’objet de nombreuses controverses.

En effet, les PCB ont un effet délétère sur le système immunitaire des mammifères marins. Selon certains chercheurs, ces substances seraient à l’origine d’une sensibilité particulière des populations qui vivent dans un écosystème marin très pollué vis-à-vis des infections virales. Cependant, la pollution n’est pas le seul effet anthropique en cause. Il n’est besoin que d’évoquer le taux élevé de mortalité des mammifères marins lié aux pêches accidentelles, qui fragilisent les populations.

Les activités humaines joueraient un rôle indirect dans l’émergence de ces maladies

Les taux élevés de mortalité associés aux épizooties semblent en grande partie dus à l’introduction de virus dans des populations jusqu’alors indemnes (cas des grands dauphins en 2007), ou qui ne sont pas ou plus immunisées (cas des jeunes chez les dauphins blanc et bleu). Cependant, l’influence des activités humaines dans ces émergences ne semble pas négligeable.

En milieu aquatique, l’émergence des infections par les Morbillivirus ne se limite pas aux mammifères marins. D’autres espèces sont concernées, comme l’ours polaire (Ursus maritimus) chez lequel des cas ont été recensés à plusieurs reprises.

Ainsi, les Morbillivirus peuvent représenter une menace supplémentaire pour les mammifères marins, et plus particulièrement pour les espèces vulnérables, comme le phoque moine (Monachus monachus).

Par conséquent, le travail mené sur le terrain, à la fois par le RNE et les structures de recherche associées, est un élément indispensable du suivi des populations de mammifères marins et des maladies qui les affectent.

  • (1) Geneviève Libeau, Cirad (département des systèmes biologiques), et Nicolas Keck, conseil général de l’Hérault (Laboratoire vétérinaire départemental).

Réseau national échouage

Le Réseau national échouage (RNE) français a été créé en 1972. Il est composé d’un coordinateur national (le Centre de recherche sur les mammifères marins [CRMM] de La Rochelle), de quatre coordinateurs régionaux et de correspondants locaux pour chaque département du littoral. Le RNE couvre toutes les côtes de France, soit une façade maritime de près de 5 000 km. Plus d’une centaine de volontaires interviennent sur 300 à 1 000 échouages par an.

Ces derniers constituent la principale source de données et de prélèvements biologiques sur les mammifères marins.

Chaque échouage doit être signalé au CRMM ou à l’un des correspondants du RNE. Le transport et toutes autres interventions sur les mammifères marins sont interdits par la loi. Seules les personnes mandatées par le CRMM, sous la tutelle du ministère de l’Environnement, de l’Aménagement et du Développement durable, sont autorisées à intervenir.

M. S.
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