La gestion des crises se prépare en temps de paix - La Semaine Vétérinaire n° 1314 du 10/05/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1314 du 10/05/2008

Mondialisation. Risques sanitaires émergents

Actualité

Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

La mondialisation des échanges facilite la diffusion des germes pathogènes et de leurs vecteurs, et accroît ainsi les risques sanitaires potentiels.

Les risques sanitaires émergents et les moyens de les prévenir ont été largement évoqués lors d’un colloque proposé par la Fondation Prometheus, l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et les Groupements de défense sanitaire (GDS), le 28 avril dernier. La prévention des maladies animales a un intérêt majeur dans la protection des populations. « 60 % des agents pathogènes pour l’homme, 75 % des maladies émergentes et 80 % des agents du bioterrorisme sont zoonotiques », a rappelé Bernard Vallat, directeur général de l’OIE, en préambule. Le ton était donné : la santé animale est un enjeu de santé publique pour offrir à l’homme un accès à l’alimentation suffisant et une alimentation saine. Le sujet est à considérer dans sa globalité, depuis l’animal vivant jusqu’au produit consommé, depuis l’échelon régional jusqu’à l’international, pour arrêter les maladies avant leur diffusion.

Le réchauffement climatique est un facteur de risques parmi d’autres

De nombreux éléments sont à prendre en considération dans l’émergence de nouveaux risques en santé animale. L’évolution de la population mondiale, la hausse de la demande en protéines animales dans les pays en croissance comme la Chine et l’Inde sont autant de facteurs qui exigent une adaptation des productions animales à la demande, mais aussi aux conditions environnementales et sanitaires. Le danger généré par l’insécurité alimentaire est le développement d’une agriculture de survie moins soucieuse de la salubrité et de la santé publique. A terme, cela peut aboutir au maintien de foyers de maladies résistantes susceptibles de diffuser facilement et rapidement en raison des changements climatiques et de l’intensification des échanges.

« L’Union européenne est le premier marché mondial d’importation de produits consommés », a indiqué Monique Eloit, directrice générale adjointe de l’Alimentation et chef des services vétérinaires français. Cela l’expose à de nombreux risques biologiques et chimiques, dans la mesure où les réglementations sanitaires ne sont pas harmonisées. Les changements de comportement humain, ainsi que l’augmentation des échanges d’animaux, de végétaux et de denrées font apparaître de nouveaux risques.

« Chaque année, environ dix-neuf nouvelles espèces sont importées en France, a souligné Marion Guillou, présidente de l’Institut national de recherche agronomique (Inra). Elles arrivent dans l’état sanitaire correspondant au pays d’origine. » Par ailleurs, l’habitude des voyageurs de ramener des espèces animales ou végétales de l’étranger permet l’introduction d’insectes vecteurs ou de germes pathogènes inconnus sous nos latitudes, mais qui s’y installent à la faveur du réchauffement climatique.

« Il a bon dos le réchauffement », a estimé Marc Gayet, président de la Fédération nationale des Groupements de défense sanitaire (FNGDS). Pour lui, « le risque principal vient des mouvements de personnes et d’animaux ». Alors qu’autrefois les dangers se limitaient aux voisins, la vigilance est aujourd’hui de mise au niveau européen, voire au-delà.

L’éleveur est une sentinelle positionnée en première ligne

Ces facteurs font apparaître de nouvelles pathologies infectieuses, dont la moitié environ sont vectorielles, le quart virales, les autres ayant des causes variées (champignons, protozoaires, etc.). Toutes les affections observées ne constituent toutefois pas une nouveauté. « Les cas de rage importée ne sont pas un risque émergent », a ainsi remarqué Monique Eloit. Ils sont la conséquence ponctuelle de problèmes connus de longue date. De même, certaines maladies éradiquées peuvent réapparaître, comme la fièvre aphteuse ou la tuberculose, en raison de l’arrêt des mesures de surveillance.

« L’éleveur n’est pas responsable de l’introduction de nouvelles affections, mais peut l’être de leur diffusion s’il n’est pas assez vigilant », a prévenu Bernard Terrand, président de la Fédération européenne pour la santé animale et la sécurité sanitaire (Fesass). En effet, l’éleveur, impliqué sur un plan autant sanitaire qu’économique, est le premier à repérer l’apparition de nouvelles maladies. Un troupeau en bon état de santé est un gage de production de qualité et, dans ce but, l’action des GDS apparaît bénéfique pour aider et former les éleveurs, mais aussi pour assurer la protection et lutter contre les maladies émergentes.

Le mandat sanitaire renforce l’efficacité du modèle français

En France, l’accent est mis sur un système de trépied entre les éleveurs, les vétérinaires et l’Etat, qui permet d’assurer une veille sanitaire, de bénéficier d’un bon maillage du territoire et d’être réactif en cas de crise. « Le modèle du mandat sanitaire français dans sa forme actuelle est pertinent et envié dans de nombreux pays », selon Bernard Vallat, car il fait appel à des vétérinaires privés, cliniciens, capables de différencier, sur le terrain, les affections courantes ou inhabituelles, avant de faire remonter les informations par le biais des services vétérinaires au niveau des gestionnaires, et d’intervenir comme agents de l’Etat quand les circonstances l’imposent. Pour Christophe Brard, président de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), « il faut disposer d’un réseau de proximité de vétérinaires réactifs et efficaces, associé à un partenariat entre éleveurs et praticiens, fondé sur une relation de confiance ». Il souligne en outre la difficulté de maintenir un tel réseau alors que les zones rurales se vident, en France comme dans de nombreux pays industrialisés. Le constat est le même du côté des représentants des éleveurs. Ces derniers, durement touchés par les crises successives (ESB, fièvre aphteuse, fièvre catarrhale ovine), se tournent vers des productions différentes, céréalières par exemple, ou cessent leur activité agricole.

L’entretien des connaissances relatives aux maladies actuelles, mais aussi anciennes, susceptibles d’émerger de nouveau, est aussi un point important. Il nécessite une formation efficace des éleveurs et des vétérinaires, ainsi que la réalisation de recherches par l’Agence française de la sécurité sanitaire des aliments (Afssa), l’Inra et le Réseau français pour la santé animale (RFSA), qui étudient les aspects cliniques, épidémiologiques et socioculturels des différentes affections. Le diagnostic ne peut se faire qu’avec l’aide des laboratoires privés ou publics, qui dépendent de l’avancée des travaux et des connaissances scientifiques.

Financement et organisation doivent s’envisager au niveau communautaire

L’aspect financier n’est pas négligeable dans la gestion des crises sanitaires et dans leur prévention, la seconde revenant toujours moins cher que la première, bien que la politique soutenue actuellement par l’Europe soit plus curative que préventive. Les représentants des éleveurs soulignent que ces derniers participent déjà beaucoup, tant en période de surveillance, lors des prophylaxies, que pendant les crises où ils sont alors directement concernés par les mesures de restriction des échanges et des mouvements d’animaux qui paralysent le commerce. Les difficultés engendrées par la fièvre catarrhale ovine sont là pour le démontrer. Une solution serait de mutualiser le financement et la gestion des risques sanitaires, et de faire supporter une partie du coût par le bénéficiaire des actions sanitaires en santé animale : le consommateur. L’avis de tous les participants est unanime : des plans de gestion de crise sanitaire sont nécessaires, comme il en existe pour les catastrophes naturelles, qui réunissent secteur public et partenaires privés. Ces programmes doivent intégrer la recherche des nouvelles affections, des mesures de prévention et de traitement des crises. Différentes possibilités sont suggérées : la réalisation d’exercices d’alerte, la création de stocks de vaccins, l’amélioration de la communication avec le public via les médias, mais aussi entre les différents acteurs publics et privés, en santé animale et en santé humaine. Michel Barnier, ministre de l’Agriculture, a aussi insisté sur la nécessité d’« une réponse réactive aux signaux déclenchés par la veille sanitaire ».

« Le rôle de la gouvernance est essentiel face à l’émergence des risques, la façon de contenir les maladies (…). Elle doit désigner ceux qui vont agir et leur donner les ressources nécessaires, a conclu Bernard Vallat. Il est important de maintenir une chaîne de commandement nationale et communautaire pour assurer des mécanismes permanents et pérennes de détection précoce. L’information doit remonter vite à travers cette chaîne pour permettre une réponse rapide visant à éviter la diffusion de l’agent pathogène concerné. »

Prometheus

Créée fin 2005 à l’initiative de Bernard Carayon, député du Tarn, avec le concours de Jean-Michel Boucheron, député d’Ille-et-Vilaine, et le soutien de dix groupes industriels et financiers français, la Fondation Prometheus est un lieu d’échanges entre acteurs universitaires, économiques, politiques et sociaux, et se consacre aux enjeux de la mondialisation.

S. P.
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