Nouveaux contrats, nouvelles ruptures : ce qui va changer - La Semaine Vétérinaire n° 1312 du 25/04/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1312 du 25/04/2008

Projet de loi

Auteur(s) : Marine Neveux

Un nouveau mode de rupture conventionnel, un nouveau type de contrat de projet, voilà deux des nouveautés qui ressortent de l’accord national interprofessionnel, signé le 11 janvier dernier, et qui s’inscrit dans une logique de “flexisécurité”.

Les confrères, gérants et salariés des très petites entreprises (TPE) que sont les cliniques vétérinaires, devront s’adapter, dans les mois à venir, à de nouveaux outils. Différents points de l’accord interprofessionnel vont certainement soulever des questions et nécessiter une adaptation par branche professionnelle. La transposition de l’accord se fera par plusieurs voies juridiques, notamment la voie législative. Déjà discuté à l’Assemblée nationale, l’accord passera début mai devant le Sénat, sans doute pour une seule lecture. Il n’est pas certain que le Conseil constitutionnel soit amené à se prononcer sur sa conformité. Ainsi, la loi pourrait s’appliquer dès la mi-juin, au plus tard mi-juillet en cas de recours au Conseil constitutionnel.

Deux décrets en Conseil d’Etat sont aussi envisagés, l’un sur la conciliation prud’homale et l’autre sur le montant du licenciement.

« Il s’est passé quelque chose au pays des Gaulois ! », s’est exclamé Jean-Emmanuel Ray, professeur à l’université Panthéon-Sorbonne et à Sciences politiques Paris, lors d’un colloque organisé par Liaisons sociales à Paris. Quatre des cinq syndicats français (CFTC, FO, CGC et CFDT) ont en effet abouti à un consensus sur l’accord professionnel qui ratisse tout le droit du travail, touchant dix-neuf sujets aussi délicats que l’embauche, l’emploi, etc. (voir encadré en page 6). Un retournement de situation dans la mesure où, en France, la tendance était jusqu’à présent à la révolution ou à la rupture, mais rarement aux accords négociés à froid.

Les conséquences qui en découleront, pour les cliniques vétérinaires, méritent quelques explications.

La période d’essai

Le premier point amené à changer avec cet accord interprofessionnel concerne la période d’essai. Le texte est clair, même si quelques questions pratiques peuvent se poser.

• L’article 1221-19 instaure trois durées d’essai maximales : deux mois pour les employés et les ouvriers, trois mois pour les agents de maîtrise et les techniciens, quatre mois pour les cadres. Il est donc prévu un mois de plus qu’auparavant.

• L’article 1221-20 permet de renouveler cette période d’essai une seule fois. La convention collective doit alors le prévoir, ce qui est déjà le cas dans celle des vétérinaires salariés. Cette dernière prévoit en revanche une durée de trois mois au maximum pour les vétérinaires cadres, avec une possibilité de renouvellement.

• L’article 1221-21 aborde le caractère impératif des durées légales, avec des exceptions possibles dont la fixation de durées plus courtes, qui sont alors à prévoir dans le contrat de travail. C’est valable jusqu’au 30 juin 2009 si la profession prévoyait une période plus courte (ce qui est le cas des vétérinaires : trois mois actuellement, versus les quatre mois de l’accord).

• L’article 1221-22 précise que la période d’essai ne se présume pas : elle doit donc être stipulée par écrit.

• L’article 1221-23 concerne le stage « effectué lors de la dernière année d’étude, qui sera pris en compte dans la limite de la moitié de la période d’essai », explique Stéphanie Stein, avocate associée (cabinet Eversheds Frère Cholmeley). Là encore, il y aura un renvoi à l’accord de branche.

Le principe de la suspension de la période d’essai (pendant un arrêt maladie, etc.) ne sera pas modifié.

La rupture de l’essai

Si une faute est reprochée au salarié, la procédure disciplinaire doit impérativement être respectée. « La grande nouveauté légale est le délai de prévenance », précise Jean-Emmanuel Ray. La durée de ce délai est de quarante-huit heures au cours du premier mois de présence, de deux semaines après un mois de présence et d’un mois après trois mois de présence.

Des questions pratiques se posent alors à l’employeur. Par exemple, si la rupture de la période d’essai intervient à trois mois et demi, alors que sa durée est de quatre mois, le délai de prévenance ne doit pas avoir pour effet de prolonger la période d’essai au-delà des maxima prévus… De même, si le salarié a commis une faute grave, faut-il respecter un délai de prévenance et faudra-t-il l’indemniser ?

En outre, l’employeur n’a pas à motiver la rupture de l’essai. Néanmoins, le juge dispose d’un pouvoir de contrôle. L’accord précise bien que le motif économique ne peut être invoqué, de même que toute cause discriminatoire (il est exclus de rompre une période d’essai pour des raisons de santé, en cas de grossesse déclarée, etc.).

Le contrat de travail à objectif

Grande nouveauté de l’accord, ce contrat est prévu à titre… expérimental ! Il s’agit en quelque sorte d’un CDD supérieur à une durée classique : « C’est un contrat à durée déterminée incertaine pour la réalisation d’un objectif défini, explique Jean-Emmanuel Ray. On appellera cela un contrat de projet. »

Sa durée s’étale ainsi de dix-huit à trente-six mois pour permettre la réalisation d’un travail temporaire.

L’originalité de ce contrat tient à son cadre court, comme pour un CDD, encadré par les partenaires sociaux. Toutefois, comment concevoir qu’un contrat de trente-six mois ne soit pas lié à un travail normal et permanent dans une structure ?

Dans cet accord, il est prévu que le CDD sera au moins de dix-huit mois (auparavant, il ne dépassait jamais cette durée). A sa date anniversaire, il est possible de le rompre pour une cause réelle et sérieuse.

Le contrat de projet est subordonné à un accord de branche étendu. Il est limité au recrutement d’ingénieurs et de cadres.

Il reprend certaines clauses du CDD.

Les issues du contrat de projet

• L’échéance contractuellement prévue est l’issue la plus naturelle. Le contrat écrit doit contenir l’événement ou le résultat objectif déterminant la fin de la relation contractuelle. Un motif de rupture est ainsi constitué dès le départ. La visibilité de l’employeur sur le lancement d’un projet sera-t-elle aussi bonne ? « Dans la rédaction des clauses, il faut être précis, mais pas trop quand même. L’enjeu financier est tellement important qu’on risque vite d’aller au contentieux », explique Jean-Emmanuel Ray.

La rupture intervient donc à la fin de la réalisation de l’objet pour lequel le contrat avait été conclu. Il y a un délai de prévenance car, par définition, le contrat à objectif n’est pas de date à date. Ce délai ne peut pas être inférieur à deux mois pour informer du terme ou faire une proposition contractuelle de poursuite sous forme de CDI. Le salarié touche alors 10 % de la totalité des sommes dues brutes et il a droit aux indemnités de chômage.

• La rupture avant terme en cas de faute grave.

• L’accord envisage une rupture pour cause réelle et sérieuse à la date anniversaire de la conclusion du contrat. « La seule certitude est presque la possibilité de rompre à vingt-quatre mois, ironise Jean-Emmanuel Ray, car à douze mois, c’est avant dix-huit mois… et à trente-six mois, c’est la limite du contrat ! »

• La transformation en CDI, qui peut être volontaire… ou non. « Si au bout de trente-six mois, le projet n’est pas finalisé, cela devient un CDI, commente Stéphanie Stein. Si le projet fait moins de dix-huit mois, il faut aussi le mettre en CDI. »

Les juristes sont ainsi actuellement dubitatifs sur ce nouveau type de contrat.

Mode de rupture du contrat

Il existe désormais un deuxième mode de rupture conventionnelle. C’est une grande nouveauté de l’accord. La procédure garantit certains droits aux salariés.

Un article prévoit que les parties au contrat conviennent du principe de la rupture lors d’un ou de plusieurs entretiens et peuvent se faire assister. Il faut qu’il y ait une totale liberté de consentement. « Après le premier entretien, la prudence élémentaire incite à laisser passer au moins une nuit, estime Me Nicolas de Sevin, avocat associé (CMS bureau Francis Lefebvre). Ce nouveau mode de rupture conventionnel doit prendre place entre les deux modes unilatéraux que sont la démission et le licenciement. » Cela met certes à mal la démission.

Cette rupture conventionnelle ouvre droit à l’indemnité de chômage pour le salarié. Cette dernière est exonérée sur le plan fiscal et social.

En outre, « il n’y a pas nécessairement de préavis, car on n’est pas sur un accord unilatéral, mais bilatéral, où les deux parties fixent la date de rupture », conclut Me Nicolas de Sevin.

La fin du CNE et la réhabilitation du solde de tout compte

Pour sécuriser le licenciement, il faut en particulier le motiver. « Le problème sous-jacent est en réalité le CNE, car sa rupture n’avait pas besoin d’être justifiée », explique Me Hubert Flichy, président d’Avosial, avocat associé (cabinet Fichy). Le CNE est donc définitivement enterré. Ceux en cours seront transformés en CDI dès la promulgation de la loi.

Selon Me Chantal Giraud-Van Gaver, avocat associé (cabinet Coblence), « les partenaires sociaux tentent de réhabiliter le solde de tout compte, via l’article 11 de cet accord interprofessionnel, qui prévoit une prescription de six mois pour vérifier les comptes entre les parties ». Le solde de tout compte est délivré par l’employeur qui fait l’inventaire des sommes versées au salarié. Il doit détailler les sommes indemnisées. « A partir du moment où, dans un délai de six mois, le salarié n’aura pas contesté les heures supplémentaires, etc., il sera possible de faire valoir l’effet libératoire. »

La sécurisation des parcours professionnels

Plusieurs nouveautés sont à noter : pendant la vie du contrat, puisque la sécurisation des parcours passe par la professionnalisation, un bilan d’étape professionnel (BEP) est destiné au salarié pour qu’il réfléchisse sur ses besoins de compétences.

Concernant le droit individuel à la formation (DIF), l’accord évoque sa portabilité. « L’accord prévoit que le DIF puisse être mobilisé sur une base forfaitaire », précise Me Bruno Denkiewicz, avocat associé (cabinet Jacques Barthélémy), en priorité pendant la première moitié de la période de chômage.

D’autres points sont évoqués dans cet accord. Certains sont encore en suspens et les parties attendent davantage de développements.

Les sujets de l’accord interprofessionnel

- La période d’essai.

- Le contrat de projet à objet défini.

- La fin du contrat nouvelles embauches (il ne figure pas dans l’accord interprofessionnel, mais c’est une conséquence).

- La légalisation du portage salarial.

- La mise en œuvre des clauses spécifiques du contrat.

- La sécurisation juridique de la modification du contrat.

- Tout ce qui touche la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).

- Le nouveau régime de la rupture conventionnelle.

- Le reçu pour solde de tout compte.

- Le doublement de l’indemnité de licenciement.

- Le plafonnement pour l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- La prise en compte du stage de fin de cycle.

- La portabilité de la couverture complémentaire santé.

- La portabilité du droit individuel à la formation (DIF).

- L’ancienneté pour bénéficier de l’indemnisation conventionnelle de maladie, qui passe de trois ans à un an.

- La mobilité professionnelle et géographique.

- Le fonds de formation créé pour les chômeurs.

- La nouvelle procédure pour la conciliation prud’homale.

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