La profession fait les frais du débat autour de la vaccination - La Semaine Vétérinaire n° 1311 du 18/04/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1311 du 18/04/2008

Fièvre catarrhale. Baroud des éleveurs lors de l’assemblée de la FNGDS

Actualité

Auteur(s) : Michel Bertrou

Une offensive est lancée contre l’administration des vaccins par les vétérinaires et vise à modifier le cadre actuel du mandat sanitaire.

L’assemblée générale de la Fédération nationale des groupements de défense sanitaire (FNGDS) a eu lieu le 10 avril dernier, à Paris. Elle aura été véhémente à l’encontre des confrères libéraux, de leurs instances professionnelles, ainsi que des services vétérinaires départementaux. A la tête de la fédération comme dans les rangs des délégués locaux, le discours était unanime : les éleveurs doivent vacciner eux-mêmes leurs animaux contre la fièvre catarrhale ovine de sérotype 8. Par la contestation du monopole de la vaccination par les vétérinaires, la FNGDS tente une déstabilisation du cadre actuel du mandat sanitaire. La couleur est annoncée la veille par la publication d’un communiqué cosigné par les organisations professionnelles de l’élevage, un jeu de questions-réponses incitant les éleveurs à vacciner eux-mêmes. « Si votre vétérinaire vous laisse déjà vacciner vos animaux contre d’autres affections, dans le cadre de vos relations habituelles, il n’y a pas de raison pour qu’il s’oppose à ce que vous les vacciniez contre la fièvre catarrhale », affirment les organisations.

A la question du coût, l’une des réponses avancées est qu’il sera nul si l’éleveur vaccine ses propres animaux.

« La seringue magique des Harry Potter de la vaccination d’Etat »

Le secrétaire général de la fédération donne le ton dès le début de l’assemblée générale 2008. Dans son rapport moral, Michel Combes n’est pas tendre pour la profession vétérinaire. « La seringue magique est de retour pour les Harry Potter de la vaccination d’Etat », s’enflamme-t-il à son pupitre, enivré par le pittoresque de son image. Va-t-en-guerre, il appelle alors sa fédération à se « mobiliser pour gagner la bataille de la vaccination de masse ».

D’éminents scientifiques vétérinaires étaient invités à une table ronde sur l’actualité des recherches en matière de fièvre catarrhale. La pertinence de cette initiative pacifique est cependant vite détournée par l’impatience de la salle à engager le débat avec les représentants du ministre de l’Agriculture, Emmanuelle Soubeyran, sa conseillère technique, et Jean-Marc Bournigal, directeur général de l’alimentation.

« Qui vaccine ? Nous ne partirons pas avant que vous nous le disiez ! » Avec l’ingénuité du bon sens, la salle attend des clarifications sur ce qu’il faut entendre par « relations habituelles et contractuelles entre le vétérinaire traitant et son éleveur ». Devant tant d’insistance, Jean-Marc Bournigal et Emmanuelle Soubeyran paraissent embarrassés. Le directeur de l’alimentation réaffirme qu’« au titre du Code rural, la vaccination est un acte vétérinaire. Pour l’instant, ce sont les praticiens les responsables de la vaccination ». Mais d’ajouter aussi : « Il va falloir trouver un juste équilibre dans les relations entre les vétérinaires et les éleveurs pour que les choses se mettent en place de la manière la plus pragmatique possible. »

Les instances professionnelles vétérinaires sont prises à parti

A travers leurs témoignages, les délégués départementaux des GDS expriment un vif ressentiment à l’égard des vétérinaires. Ils décrivent des praticiens libéraux imposant leur diktat en termes de délais, de priorités, de conditions pour vacciner. Le cas de confrères qui déconseillent la vaccination aux éleveurs est évoqué, sur le prétexte que le vaccin est dangereux. Des ententes illicites sur les tarifs sont dénoncées, ainsi que des abus, le prix par animal vacciné passant chez un praticien de 1 € en mars à 2,5 € aujourd’hui, y compris pour les ovins. Un autre témoignage vise plutôt les instances professionnelles “parisiennes”, qui ne reflètent pas la position des « vétérinaires apolitiques, non syndiqués, qui n’ont ni la volonté ni la capacité de vacciner eux-mêmes ». Il est reproché aux Directions départementales des services vétérinaires d’encourager le monopole.

Au-delà de ces critiques qui réduisent la profession à ses dérives, les représentants locaux de la fédération expriment leurs certitudes que les vétérinaires sont incapables de mener efficacement la campagne, par manque de moyens humains, de réactivité ou parce que le maillage est insuffisant dans certaines zones.

L’Ordre des vétérinaires est sommé de laisser ses troupes distribuer le vaccin

« Le cadre des relations habituelles, comme l’a souligné le directeur de cabinet dans la lettre qu’il nous a adressée, n’est ni celui du mandat sanitaire, ni celui d’une prophylaxie dirigée par l’Etat », affirme Marc Gayet, le président de la fédération. Il ajoute : « Ce n’est pas moins que l’application du décret prescription-délivrance. »

Moins ingénus que leur base, les représentants nationaux de la fédération sont les seuls à trouver limpides les propos de Michel Barbier ou de son directeur de cabinet. Marc-Henri Cassagne, directeur général de la FNGDS, commente les propos de Jean-Marc Bournigal : « Il a dit que la responsabilité de la vaccination est celle du vétérinaire, il n’a pas dit que le vétérinaire doit vacciner. Le débat est entre les vétérinaires et les éleveurs. Il faut que ce discours soit tenu auprès des services de l’Etat qui doivent rester neutres dans cette affaire. Il faut mettre la pression localement. » Marc Gayet n’hésite pas, quant à lui, à pratiquer l’intimidation : « Tout document qui tendrait à prouver une entente illicite sur les tarifs devra nous être communiqué. » Ou encore : « Si jamais la vaccination est un échec, nous saurons dire qui sont les responsables. »

L’Ordre est sommé de répondre à l’exigence unanime de la FNGDS de laisser les vétérinaires de terrain distribuer le vaccin aux éleveurs. « Il ne nous apparaît plus possible d’affirmer que, même dans le cadre du mandat sanitaire, la vaccination doit être réservée aux seuls vétérinaires », déclare Marc Gayet. Selon lui, « le moment est venu d’ouvrir le chantier de l’adaptation du mandat sanitaire à la réalité de l’élevage d’aujourd’hui », une revendication non démentie par la conseillère technique du ministre…

Une arme de déstabilisation massive du mandat sanitaire

Pascal Ferey, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), monte alors à la tribune. Orateur grandiloquent, il critique le rappel au règlement publié par l’Ordre des vétérinaires(1) : « Nous avons l’impression d’avoir affaire à des boutiquiers, chargés de défendre leur propre organisation et leurs propres services financiers plutôt que de prendre en compte, la main sur le cœur, l’intérêt général de la protection sanitaire de nos troupeaux. Aujourd’hui, les éleveurs sont à genoux deux fois : par la maladie et par certaines pratiques vétérinaires. »

« A situation exceptionnelle, décisions exceptionnelles, osez sortir du Code rural, donnez-nous les commissions bipartites et nous réglerons les problèmes dans les départements avec les vétérinaires », intime-t-il à la conseillère du ministre. « Il faut rendre cette vaccination obligatoire au plus vite », lance-t-il au directeur général de l’alimentation. Dans ses propos, Jean-Marc Bournigal en exprime l’intention : « Nous ne recommencerons pas l’année prochaine dans cette situation-là, elle est pénible pour tout le monde. Nous mettrons en place une prophylaxie que je souhaiterais obligatoire de façon à ce qu’elle entre dans les normes habituelles de lutte contre les maladies animales. » Emmanuelle Soubeyran déclare, quant à elle, que le cabinet du ministre est en train de « réfléchir à rendre la vaccination obligatoire sous certaines conditions, pour mettre en place les commissions bipartites ». L’Etat prend-il la mesure de l’engrenage dangereux dans lequel il a mis le doigt ? Les bénéfices de son désengagement financier ne sont pas certains. La mise en œuvre du cadre libéral, dans une campagne de cette ampleur, se révèle une stratégie pernicieuse. Désormais, les vétérinaires sont attendus au tournant. Un climat délétère se substitue aux relations de confiance qui prévalaient ces dernières années dans les réseaux de santé animale. Le mandat sanitaire devra y laisser quelques plumes. Dans cette opération de déstabilisation massive du 10 avril, la direction de la fédération des GDS a opté pour la stratégie du bras de fer. Consciente du parti qu’elle pourrait tirer d’un échec de la vaccination libérale par les vétérinaires, elle est la seule à ne pas avoir exprimé le souhait qu’elle redevienne obligatoire. La profession va maintenant devoir réfléchir à la manière de répondre d’une seule voix à ces critiques et aux inquiétudes des éleveurs, notamment sur les tarifs. Elle aurait cependant tort d’entrer dans une surenchère de l’affrontement souhaité par la direction nationale des GDS.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1309 du 4/4/2008 en page 7.

Le cœur et la raison

Pascal Ferey est l’un des tribuns de la FNSEA. Son discours lors de l’assemblée générale de la FNGDS ne laisse pas de doute sur l’influence que les organisations agricoles exercent sur les décisions du ministère. Leur ascendant sur la gestion sanitaire de la campagne vaccinale laisse rêveur. Extrait : « Pour la répartition des doses, nous avons certes fait le choix un peu absurde par l’absolu scientifique de commencer à vacciner les départements les plus touchés. Nous avons eu un raisonnement du cœur et de la raison. Nous aurions dû commencer par les départements sains, comme cela se fait dans toutes les règles. On a fait le choix tout autre, ensemble, en disant : on commence par les seize départements les plus touchés et on finira chez nous, parce que nous avons la chance de ne pas l’être. Nous avons osé le faire. Nous assumons ce risque vis-à-vis de nos élevages. Madame Soubeyran, je vous le demande, osez sortir un peu du Code rural pour ramener de la sérénité. »

M. B.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr