Parler vaches, au pluriel et à tous les temps, nécessite de l’entraînement…

Prenez votre hebdomadaire préféré et agenouillez-vous dans une logette utilisée quotidiennement par une vache laitière. En vous mettant dans la peau d’une vache, commencez à vous imprégner de l’état d’esprit de « signes de vaches », une méthode d’évaluation du bien-être et de la santé d’un troupeau à partir de son observation.

Idéalement, lors de leur entrée en salle de traite, huit vaches sur dix devraient ruminer. Cet animal a besoin de rester couché entre douze et quatorze heures par jour. Aussi, entre les périodes d’alimentation, moins de 10 % des vaches doivent être en attente dans les aires de circulation ou debout.

Les vaches envoient en permanence des signes qui attestent de la qualité de leur environnement. Une évidence, et pourtant, « dans les troupeaux français, il existe des marges de progrès importantes », indique notre confrère Thierry Hetreau, responsable de la recherche, du développement et du perfectionnement au centre d’élevage de Poisy, en Haute-Savoie (^{voir photo 1}). Depuis plus de deux ans, il sillonne la France avec les ateliers « signes de vaches », développés à partir du livre du vétérinaire néerlandais Jan Hulsen, Koe signalen, publié en 2004. Traduit en trois langues, cet ouvrage décline à tous les temps et dans tous les espaces la maxime « observer n’est pas seulement regarder ». « Observer, cela signifie s’arrêter et se poser des questions, explique Thierry Hetreau. Dans quelle mesure cet animal me renseigne-t-il sur le troupeau, sur l’interprétation des résultats zootechniques ? » Combinant les compétences de vétérinaire, d’éleveur et de formateur, notre confrère témoigne : « J’ai participé à la rédaction de la version française de Koe signalen. Ce travail m’a donné les moyens de regarder. Dans notre troupeau, il y avait des choses énormes que personne, tant en interne qu’en externe, ne voyait. »

Ainsi, face à un troupeau, Jan Hulsen propose de se poser des questions comme « qu’est-ce que je vois, j’écoute, je sens ? ; quelle est la distribution des animaux dans l’espace ?, quelles sont les deux ou trois causes possibles ?, qu’est-ce que cela signifie pour la vache, pour le groupe ? ». L’atelier « signes de vaches » est une initiation à cette méthode, fondée sur le comportement des animaux dans leur milieu via une mise en situation virtuelle et réelle des participants, éleveurs, techniciens ou vétérinaires. Au regard des objectifs et des moyens, l’atelier se déroule sur une ou deux journées.

S’entraîner à savoir observer, questionner et interpréter

Mais « comment bien regarder une vache, par où commencer ? A partir de quand doit-on s’inquiéter ? ». Les vingt-cinq éleveurs laitiers adhérents aux clubs Avenirs en production laitière⁽¹⁾ de la Manche ont inscrit ces questions à leur programme 2007. Les 19 et 20 décembre derniers, ils ont entraîné leur savoir observer, questionner et interpréter. Après avoir introduit la dynamique de la méthode à partir de cas réels, illustrés avec son abondante photothèque et vidéothèque, Thierry Hetreau les a invités à tester leurs connaissances sur le comportement bovin, en lien avec l’état de l’animal et sa physiologie. Dans un deuxième temps, chacun a expérimenté la méthode « signes de vaches » dans l’élevage d’accueil du groupe (^{voir photo 1}). Grâce à quatre fiches guides, les éleveurs ont noté le confort du bâtiment, la répartition des animaux, leurs postures, l’aisance de leur déplacement, les signes particuliers chez les laitières, leur état d’engraissement, de propreté, l’état de remplissage de la panse, l’adaptation des logettes au coucher et au relever des animaux, les boiteries, la structure des bouses, et les choses observées incomprises (^{voir photos 2} et ³). Le visionnage des scènes filmées la nuit précédente dans le bâtiment a suivi la mise en commun des observations et des pistes à explorer pour comprendre les comportements.

Au cours de ces deux journées, les vaches ont envoyé des signes, que nous soumettons à votre sagacité. Il n’y a pas une réponse juste, mais plusieurs, et également des questions. Cette journée de formation ne se veut pas un audit d’élevage, aussi, nous ne vous proposerons pas d’analyse exhaustive. L’objectif est d’illustrer l’état d’esprit « signes de vaches » et de vous proposer une initiation à la méthode.

• (1) Les clubs APL ont été créés par le Centre d’économie rurale de la Manche en 2006, à la demande de leurs adhérents, éleveurs de bovins laitiers.