LUTTER CONTRE LES MALADIES ANIMALES N’A PAS DE PRIX - La Semaine Vétérinaire n° 1309 du 04/04/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1309 du 04/04/2008

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Auteur(s) : Nathalie Devos

Directs, de résonance, de débordement, à long terme et à distance : les impacts économiques des maladies animales sont multiples et divers. Les pertes interviennent dans les secteurs de l’élevage, du tourisme, des industries agro-alimentaires ou via des embargos sur les exportations et se chiffrent en milliards de dollars. Ces affections, dont certaines sont des zoonoses, peuvent aussi porter atteinte à la sécurité alimentaire dans plusieurs pays.

A l’exception de la peste bovine, les données concernant les conséquences économiques et sociales des premières grandes épizooties animales sont peu nombreuses. Le foyer de peste bovine le plus ancien, répertorié en Afrique de l’Est en 1887, aurait décimé 90 % du cheptel bovin de la région et plus de dix millions de grands ruminants sur l’ensemble du continent, occasionnant une famine généralisée. Aujourd’hui, après plusieurs grandes épizooties comme celles de la fièvre aphteuse, de la péripneumonie contagieuse bovine, de la peste porcine classique, de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) ou encore de l’influenza aviaire, les données sur les effets économiques des maladies animales s’étoffent. Les répercussions s’étendent bien au-delà des impacts immédiats sur les producteurs affectés. Dans certains cas, leur complexité est telle qu’une évaluation précise est presque impossible. C’est pourquoi une autre façon de procéder consiste à catégoriser les impacts selon leurs effets : directs, de résonance, de débordement, à long terme et à distance, explique François Le Gall, spécialiste en chef pour le secteur de l’élevage à la Banque mondiale.

Les impacts économiques des maladies animales les plus directs sont la perte de production et/ou de productivité, ainsi que la réduction des revenus des éleveurs, surtout quand les alternatives qui s’offrent à eux sont peu nombreuses ou qu’ils sont entièrement dépendants du produit affecté, ce qui est courant dans les pays en développement. Ainsi, selon un rapport de la Food and Agriculture Organization (FAO) daté de fin 2006, le virus H5N1 HP de l’influenza aviaire a conduit à la mort ou à l’abattage de plus de deux cents à deux cent cinquante millions de volailles en Asie du Sud-Est depuis fin 2003, année où la maladie a officiellement fait son apparition. Le Viêtnam et la Thaïlande ont notamment perdu 15 à 20 % de leurs cheptels de volailles. Les premiers touchés ont été les petits agriculteurs, majoritaires dans ces régions.

En 2001, la fièvre aphteuse a conduit à l’abattage d’environ quatre millions d’animaux au Royaume-Uni, afin de contenir l’épizootie (auxquels se sont ajoutés près de deux autres millions pour des raisons de bien-être animal). Les exploitants agricoles ont essuyé des pertes évaluées à trois cent cinquante-cinq millions de livres, soit environ 20 % du revenu total estimé de l’agriculture cette année-là.

Les conséquences économiques de l’actuelle épizootie de fièvre catarrhale ovine ne sont pas encore chiffrées. Mais depuis 2006, le sérotype 8 a affecté neuf pays européens. Près de cinquante mille foyers ont été enregistrés.

En Indonésie, 20 % des travailleurs des fermes industrielles ont perdu leur emploi

Les impacts “à effet de résonance” des maladies animales sont tout aussi importants que les pertes directes (mortalité et coûts des mesures sanitaires). Une épizootie peut en effet avoir des répercussions tant en amont (intrants, patrimoine génétique, etc.) qu’en aval (abattoirs, découpe, transformation, commercialisation) de la filière en termes d’emplois ou d’accès aux marchés. L’enquête sur la grippe aviaire menée par la FAO en 2006 révèle ainsi que 20 % des travailleurs permanents des fermes industrielles ou commerciales ont perdu leur emploi dans les régions les plus sévèrement atteintes d’Indonésie. La FAO et l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) estiment que, dans les zones les plus touchées du sud-est asiatique, l’aviculture représente une partie des ressources d’un tiers à la moitié de la population.

En France, premier producteur européen de volailles, les éleveurs concernés par la crise de 2006 auraient perdu 40 % de leurs revenus en trois mois (de janvier à mars). Associées aux pertes de production, les variations de prix sont induites par les déséquilibres de l’offre et de la demande. Selon le marché, ils peuvent brutalement augmenter (produit de consommation sur le marché intérieur) ou, au contraire, s’effondrer (produit d’export frappé par des embargos). Au Brésil, où 30 % de la production est exportée, le prix du poussin d’un jour a chuté de moitié en 2006. Même si le virus H5N1 HP n’a pas atteint le pays, les incertitudes du marché et la baisse des prix ont incité les plus gros producteurs à réduire leur production de 15 %.

Un autre exemple concerne l’introduction de la péripneumonie contagieuse bovine au Botswana (Afrique), au début des années 2000. Cela a conduit à la destruction de plus de trois cent mille animaux dans la province la plus affectée, ainsi qu’à la fermeture immédiate de l’abattoir d’exportation qui employait deux cents personnes. En raison du rôle catalytique de l’élevage sur l’ensemble de l’économie de la zone, les coûts des effets indirects de ces mesures ont été sept fois plus élevés que ceux engendrés par les pertes directes, selon les estimations réalisées par la suite.

Huit cents milliards de dollars en un an pour une éventuelle pandémie humaine

Les maladies animales ont aussi des effets dits “de débordement”, souligne François Le Gall, d’une part en raison du rôle important joué par l’agriculture et l’élevage dans la création de revenus et d’emplois dans d’autres secteurs, et d’autre part par la contribution directe et indirecte de l’élevage, dans les sociétés pastorales, à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Par exemple, la viande de volaille est la première protéine animale en Afrique et une source de revenus d’appoint indispensable à la (sur)vie de millions de petits paysans. La forte mortalité due à l’influenza aviaire hautement pathogène et les abattages sanitaires d’animaux ont donc des effets négatifs sur l’alimentation de la population, comme sur les revenus des ruraux.

Par ailleurs, les pays en développement, qui disposent souvent de systèmes de santé publique peu performants, sont particulièrement exposés au risque de zoonoses. Ainsi, les foyers de fièvre de la vallée du Rift parmi le bétail ont occasionné environ vingt mille infections humaines et six cents décès en Egypte en 1977 et 1978.

Mais les zoonoses touchent également les pays industrialisés à hauts standards sanitaires, à l’instar de la crise de l’ESB enregistrée en Europe dans les années 90.

Quant à l’éventuelle pandémie humaine de grippe aviaire aujourd’hui d’actualité, elle pourrait causer une perte de 2 % du produit intérieur brut mondial et coûter huit cents milliards de dollars à l’économie internationale en un an, selon la Banque mondiale.

Trois milliards de livres perdus par le secteur du tourisme outre-Manche en 2001

Les stratégies individuelles qui visent à éviter la contamination engendrent une autre catégorie d’impacts économiques de débordement. L’exemple du syndrome respiratoire aigu sévère (huit mille contaminations humaines et huit cents morts au niveau mondial en 2003) illustre bien la chute de la demande dans les secteurs des services (tourisme, transports en commun, commerces au détail, hôtellerie et restauration), les individus cherchant à éviter tout contact rapproché.

En 2001, l’incidence négative de la fièvre aphteuse sur le tourisme et les loisirs au Royaume-Uni s’est élevée à environ trois milliards de livres, en raison notamment des interdictions d’accès aux zones rurales, et a représenté près de la moitié du coût total induit par la maladie (l’agriculture et la chaîne alimentaire ont accusé des pertes d’un montant global équivalent). L’impact de la fièvre aphteuse dans le pays s’est traduit par une baisse du produit intérieur brut de 0,2 %. Ce chiffre peut paraître faible au regard de l’ampleur de l’épizootie, mais s’explique par l’accroissement des dépenses de consommation dans d’autres secteurs économiques, qui ont compensé en grande partie les annulations d’activités touristiques et de loisirs en milieu rural.

Les effets sur l’environnement sont également à prendre en considération lorsque la faune sauvage est menacée ou quand les mesures de lutte ont des effets négatifs sur l’environnement (utilisation de pesticides contre les vecteurs, déchets contaminés, etc.).

En 2006, la consommation de poulet de chair et d’œufs chute de 70 % en Italie

Quant aux impacts à long terme des maladies animales, leur évaluation est plus difficile. En effet, il n’est pas aisé de chiffrer le coût de la perte de confiance du public vis-à-vis des industries animales nationales ou celle d’un pays importateur envers les services vétérinaires du pays exportateur, explique François Le Gall. La psychose “ESB” des consommateurs, alimentée par les médias et qu’une bonne stratégie de communication aurait pu éviter, a eu des répercussions sociales démesurées en Europe, constate-t-il. Par ailleurs, la perception d’un risque alimentaire vis-à-vis de la grippe aviaire, sans véritables fondements, couplée à la faible confiance envers les services de santé publique, a entraîné une chute de 70 % de la consommation de poulet de chair et d’œufs en Italie en 2006. La défiance d’un pays importateur peut déclencher un embargo durable et des conséquences économiques et sociales particulièrement importantes, comme c’est le cas de la Péninsule arabe envers la corne de l’Afrique, touchée par la fièvre de la vallée du Rift.

Selon François Le Gall, les analyses économiques prennent rarement en considération les effets d’une situation endémique à long terme. C’est le cas de la peste porcine classique en Haïti où les foyers récurrents réduiraient le taux d’exploitation de 10 %, ce qui correspondrait à une perte de revenus annuelle de plus de deux millions et demi de dollars pour les éleveurs de porcs.

Il convient en dernier lieu de considérer les impacts à distance des maladies animales. Aux Etats-Unis, où 62 % de la production d’oléagineux et de céréales sont destinés à l’alimentation des animaux, une épizootie qui réduirait de 10 % la production animale aurait pour conséquence immédiate la perte de quatre cent dix-huit mille emplois, un excédent de près de dix-huit tonnes et demi de céréales et d’oléagineux, une baisse de 10 % des cours mondiaux et des crises dans les autres pays producteurs.

« L’influenza aviaire hautement pathogène est le parfait exemple d’une maladie animale susceptible de générer l’ensemble des impacts précédemment décrits », conclut le spécialiste de la Banque mondiale.

  • Source : Banque mondiale.

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