Le doxapram améliore la ventilation des poulains en acidose respiratoire

L’encéphalopathie hypoxique-ischémique, ou syndrome de maladaptation néonatale, est une maladie du poulain nouveau-né assez fréquente. Elle se développe notamment lors de dystocie ou de séparation prématurée du placenta et engendre une hypoxie cérébrale et/ou une ischémie. Les poulains atteints sont normaux à la naissance, mais présentent des signes neurologiques centraux quelques heures plus tard. La sévérité de ces symptômes varie depuis de simples anomalies comportementales jusqu’à des convulsions, voire au coma, en association avec un syndrome d’insuffisances organiques multiples.

La particularité de cette affection est une fréquence respiratoire basse, probablement due à des lésions des centres respiratoires nerveux supérieurs. L’hypercapnie qui en résulte entraîne à son tour des effets néfastes d’acidose et de vasodilatation cérébrale.

Il est possible d’améliorer l’hypercapnie par une stimulation pharmacologique

Le traitement de l’hypercapnie sévère, lors d’encéphalopathie hypoxique-ischémique, requiert soit un système de ventilation mécanique (peu adapté à la pratique courante), soit une stimulation pharmacologique de la ventilation. Les dérivés des méthylxanthines (comme la caféine) et le doxapram sont utilisés chez l’enfant prématuré sujet aux apnées. La caféine améliore la ventilation en stimulant les centres respiratoires, en augmentant la contractilité du diaphragme et en antagonisant les effets de l’adénosine (neurotransmetteur inhibiteur pour les centres respiratoires). L’action du doxapram sur la ventilation passe par la stimulation directe des centres respiratoires médullaires et par l’activation réflexe des chémorécepteurs carotidiens et aortiques.

Ces deux molécules sont utilisées par les praticiens à des doses extrapolées à partir d’études en médecine humaine. Toutefois, ni leur efficacité, ni leur innocuité n’avaient été évaluées jusqu’à présent.

Steeve Giguère et ses collaborateurs⁽¹⁾ ont comparé les effets à court terme de ces deux molécules chez des poulains en hypercapnie.

L’étude inclut six poulains d’un à trois jours, nés à l’université de Floride, dont les examens clinique et hémato-biochimique sont normaux. Sous anesthésie générale à l’isoflurane, un équilibre dynamique d’hypercapnie est induit. En effet, les agents anesthésiques inhalés induisent une rétention progressive du CO₂ et une baisse de la ventilation par minute, suggérant une diminution de la réponse des centres nerveux supérieurs à l’hypercapnie.

Une fluidothérapie intraveineuse de glucose isotonique est maintenue pendant la durée de l’anesthésie. Les paramètres respiratoires, la pression artérielle et les pressions partielles artérielles en oxygène et en dioxyde de carbone sont mesurées tout au long de l’anesthésie.

Chaque poulain reçoit une dose “faible” puis une dose “forte” d’une des molécules (selon l’intervalle des posologies recommandées dans la littérature vétérinaire) ou de soluté physiologique (solution de contrôle) pendant l’anesthésie. Au total, chaque poulain subit trois anesthésies générales, au moins à vingt-quatre heures d’intervalle, afin de tester les effets des trois solutions sélectionnées. Au début de l’anesthésie, il n’existe aucune différence significative entre les poulains concernant les variables mesurées.

Le doxapram est efficace pour lutter contre l’hypercapnie induite

Quelle que soit la dose de doxapram administrée (0,5 mg/kg, suivie d’une perfusion de vingt minutes de 0,03 mg/kg/min, puis de 0,08 mg/ kg/min), une augmentation significative de la fréquence respiratoire, de la ventilation par minute, du pH artériel, de la pression partielle en oxygène et de la pression artérielle est observée. Ces variables sont significativement plus élevées que lorsque les poulains ont reçu une solution de soluté physiologique (la solution de contrôle) ou de caféine. Un effet dose-dépendante du doxapram est aussi mis en évidence sur la pression partielle en dioxyde de carbone et sur la concentration artérielle en bicarbonates. D’ailleurs, plus la dose de doxapram est élevée, plus la pression partielle en CO₂ et les bicarbonates sont diminués.

En revanche, la pression partielle en dioxyde de carbone reste élevée lors d’administration de solution de chlorure de sodium isotonique ou de caféine (à 5 mg/kg ou 10 mg/kg).

La caféine par voie intraveineuse semble ainsi ne pas améliorer la sensibilité du système nerveux central à l’hypercapnie chez les poulains en acidose respiratoire. Son utilité en pratique courante, sous forme orale, semble donc limitée, d’autant que cette molécule a une biodisponibilité faible par voie orale (chez le cheval adulte).

D’autres recherches sont nécessaires pour étudier la pharmacocinétique de la caféine chez les poulains, déterminer si des doses plus élevées ont un effet bénéfique sur la fonction respiratoire et cibler la plus petite dose efficace de doxapram chez des poulains nouveau-nés atteints d’encéphalopathie hypoxique-ischémique.

• (1) S. Giguère, L.C. Sanchez, A. Shih, N.J. Szabo, A.Y. Womble, S.A. Robertson : « Comparison of the effects of caffeine and doxapram on respiratory and cardiovascular function in foals with induced respiratory acidosis », Am. J. Vet. Res., 2007, vol. 68, n° 12, pp. 1407-1416.