LE VÉTÉRINAIRE DE ZOO COIFFE PLUSIEURS CASQUETTES - La Semaine Vétérinaire n° 1308 du 28/03/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1308 du 28/03/2008

À la une

Auteur(s) : Valentine Chamard

Autrefois destinés au seul divertissement des visiteurs, les parcs zoologiques sont aujourd’hui des lieux pédagogiques engagés dans la conservation des espèces. Fortement impliqués dans le fonctionnement de ces structures, les vétérinaires qui y exercent sont souvent les seuls scientifiques parmi le personnel. Leurs domaines de compétences sont multiples.

AUTOPSIE

Tous les animaux qui décèdent dans un zoo sont autopsiés, y compris les commensaux, dans un but de santé publique. La loi exige en effet que les causes de mortalité soient toutes connues, y compris pour les animaux mort-nés et les avortons. Des examens complémentaires sont souvent nécessaires. Les résultats de l’autopsie peuvent remettre en cause de nombreux paramètres. Cela peut concerner l’environnement (lors de décès par ingestion de sable), la contention (myopathies d’effort), l’alimentation (rupture d’anévrisme lors d’obésité), les aménagements (traumatismes) et surtout la gestion des maladies infectieuses, dont l’incidence et les conséquences sont importantes.

BÂTIMENT

Le vétérinaire joue un rôle de conseil dans le choix des matériaux utilisés pour la construction des bâtiments (sol, chauffage, équipements divers, cages de contention, d’isolement ou de quarantaine, etc.) et veille au respect des paramètres d’ambiance. Il s’assure que les locaux respectent les mœurs de chaque espèce. Ils doivent notamment permettre aux animaux d’exprimer un comportement normal de défense ou de fuite.

CONSERVATION

Aujourd’hui, la disparition des espèces est cent à mille fois supérieure à l’extinction “naturelle”. Face à cette situation extrême, le rôle des parcs zoologiques est devenu essentiel, notamment via la conservation ex situ. Au-delà de simples collections animales, leurs efforts visent une survie à long terme des animaux sauvages grâce à des programmes d’élevage conservatoire et à des campagnes de sensibilisation. En outre, beaucoup soutiennent des projets de conservation in situ, prolongeant ainsi leur action sur les populations sauvages. Dans cette même logique, les vétérinaires de zoo ont élargi leurs domaines d’action et de compétence. En plus d’être médecins et thérapeutes pour animaux captifs, ils peuvent contrôler et surveiller l’état sanitaire des populations sauvages lors de missions spécifiques.

DÉVELOPPEMENT DURABLE

A l’heure actuelle, il n’est plus possible de parler de conservation in situ sans prendre en compte les acteurs des pays concernés. Il s’agit de proposer, en parallèle des actions de conservation, une gestion rationnelle des ressources naturelles. La création de zones protégées a souvent conduit à l’exclusion des populations qui vivaient sur ces territoires, provoquant beaucoup d’incompréhensions liées à un sentiment de confiscation de la ressource. Mais rendre ces aires protégées aux populations locales ne résoudrait que temporairement le problème : en quelques années, elles se retrouveraient dans la même situation de dégradation que les terroirs villageois actuels. Aussi, les projets de conservation, s’ils veulent s’inscrire dans la durée, doivent avoir une composante aussi bien sociale qu’économique. Par sa formation d’agronome et sa connaissance des systèmes d’élevage, le vétérinaire peut apporter sa contribution aux problématiques économiques.

ENTRAÎNEMENT MÉDICAL

Depuis quelques années, les animaux sont de plus en plus souvent conditionnés pour se prêter plus facilement aux examens et aux soins. Cela permet de limiter les anesthésies, parfois mal tolérées. Tel est, par exemple, le cas des otaries, qui apprennent à ouvrir la gueule en prévision d’examens radiographiques dentaires.

FORMATION

Les parcs zoologiques reçoivent de nombreux stagiaires et thésards, encadrés par le vétérinaire du zoo. Il dispense en outre des cours dans les écoles vétérinaires. Il intervient fréquemment dans les zoos de pays tiers, notamment ceux de l’Est, qui sont demandeurs de conseils. Le confrère responsable du parc a également en charge la formation des animaliers. Il peut aussi être appelé à dispenser des cours aux sapeurs-pompiers, par exemple, en leur apprenant comment aborder un reptile. En outre, la pédagogie vis-à-vis du public est essentielle, voire obligatoire. La loi impose en effet d’afficher un minimum d’informations sur les animaux présentés (nom scientifique et vernaculaire, classification zoologique, répartition géographique, etc.). Des programmes d’activité sont également prévus pour l’encadrement des groupes scolaires.

GÉNÉTIQUE

Les programmes de conservation incluent souvent des recherches génétiques. Elles permettent de dresser un arbre phylogénétique, aidant à la compréhension des rapports phylogéographiques des individus entre eux, et de proposer une datation pour la séparation des différentes lignées identifiées. Des applications directes de ces résultats en matière de conservation peuvent ainsi être envisagées.

HELLABRUN

Pour exercer dans un zoo, mieux vaut être un bon tireur ! Pour la contention chimique des animaux, le mélange Hellabrun est couramment employé : 4 ml d’Imalgène® 1 000 sont mélangés dans un flacon de Rompun® lyophilisé de 500 mg. Ce produit est ensuite utilisé en fléchage intramusculaire.

INSÉMINATION ARTIFICIELLE

Le contrôle de la reproduction, aussi bien en termes de contraception que de procréation, est un élément essentiel de l’activité du vétérinaire de zoo. Parfois, la reproduction n’est pas souhaitée, lors de surpopulation par exemple. L’implant d’acétate de melengestrol ou l’Implanon® sont alors utilisés, ainsi que la castration. Lorsqu’un accouplement est envisagé, le vétérinaire aide à la reproduction naturelle. Il réunit des couples compatibles, puis suit particulièrement le nouveau-né sous la mère. Dans certains cas, l’élevage est artificiel (biberon, incubation, gavage). Une assistance à la reproduction peut également être mise en place. Cela passe par le contrôle de la valeur des géniteurs et par l’insémination artificielle. Cette dernière, qui requiert une technicité élevée, est peu utilisée chez les gros animaux. Des méthodes plus complexes sont parfois instaurées, comme la fécondation in vitro et le transfert d’embryon, afin, dans une espèce à effectif réduit, d’augmenter le nombre de descendants.

JEUX

Le vétérinaire veille à l’équilibre psychologique des animaux. Pour limiter les stéréotypies et autres troubles comportementaux, un enrichissement environnemental est nécessaire. Il peut s’agir de jeux, de simulations de chasse (par exemple, un poisson est lâché dans l’enclos d’un ours polaire, qui va s’amuser à l’attraper), de cachettes (en éliminant toutefois les végétaux qui peuvent présenter un risque toxique). Parfois, une médicalisation est requise, à base de neuroleptiques (Clopixol®, Trilifan®).

LÉGISLATION

Un parc zoologique est régi par plusieurs textes de loi : la directive zoo (1999/22/EC), la directive Balai (1992/65/EC) et l’arrêté du 25 mars 2004 qui confère aux vétérinaires un rôle dans la santé, la recherche, l’éducation et la conservation. Cet arrêté établit en outre des règles de bien-être animal.

Dans les différents textes, le vétérinaire est abordé selon deux aspects : celui de praticien officiel, qui joue un rôle administratif et supervise le fonctionnement du zoo, et celui de vétérinaire agréé, qui détient un mandat sanitaire pour le zoo et est présent sur le terrain. L’ouverture d’un parc zoologique est soumise à une autorisation délivrée par les services vétérinaires et la préfecture. Le vétérinaire de zoo est souvent titulaire du certificat de capacité délivré par le ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables (Medad).

MÉDICAMENTS

Trouver un dosage adapté aux animaux sauvages est parfois un vrai casse-tête. Les vétérinaires de zoo sont preneurs de formulations “longue action”, qui permettent de limiter les manipulations. Ils ont souvent recours à l’importation de produits.

NUTRITION

Le vétérinaire élabore les rations alimentaires des pensionnaires du zoo. Dans certains pays, un nutritionniste travaille aussi dans le parc. L’European Zoo Nutrition Centre (EZNC) propose une documentation sur l’alimentation des animaux captifs. En outre, un logiciel, diffusé par la World Association of Zoo and Aquaria (Waza), aide à l’élaboration des rations.

OBJECTIF

Les animaux de parcs zoologiques sont l’objet de nombreux documentaires, films et autres reportages. Le vétérinaire de zoo est donc, à ses heures, acteur ! Mais en aucun cas les animaux ne sont manipulés spécifiquement pour les besoins d’un tournage.

PATHOLOGIE COLLECTIVE VERSUS INDIVIDUELLE

Le vétérinaire de parc zoologique est avant tout un praticien. Pour lui, le raisonnement se pose en termes de pathologie spécifique, individuelle ou de groupe. La pathologie individuelle correspond à la médecine vétérinaire traditionnelle (par exemple, lorsqu’un félin souffre d’herpès virose ou de calicivirose), mais peut aussi être moins classique (en cas d’encéphalopathie spongiforme féline chez le guépard).

Selon l’espèce ou une période donnée, il juge si l’intérêt du groupe doit passer avant celui de l’individu. Ainsi, la pathologie de groupe peut primer sur la pathologie individuelle. Par exemple, pendant la saison de reproduction des flamants roses, l’intervention sur un animal s’efface devant la conduite à tenir face au groupe. Il convient en effet de ne pas perturber “l’homéostasie” générale, à cette période, en voulant approcher un individu. La conduite à tenir est également liée à l’espèce. Il s’agit alors de pathologie spécifique.

La rareté des specimens conditionne l’attitude du praticien. Quand un animal est rare, les traitements peuvent être lourds pour tenter de le sauver, voire expérimentaux.

QUARANTAINE

Conformément à leur déontologie, les parcs zoologiques ne donnent pas de valeur marchande aux espèces menacées. Les flux d’animaux prennent la forme de prêt d’élevage, d’échange ou encore de don et exigent une logistique précise. Avant leur transfert, les animaux sont placés en quarantaine. Ils subissent un examen sanitaire préalable. Ils sont souvent tranquillisés pour mieux supporter la “mise en boîte”. Après le voyage, une période d’acclimatation est nécessaire.

RECHERCHE

Les travaux de recherche peuvent avoir un intérêt direct pour le zoo. C’est le cas des études en pathologie, en épidémiologie, en nutrition, en anesthésie des animaux sauvages. De nombreux stages et thèses concernent les zoos ou leurs pensionnaires.

Des bourses sont également attribuées dans ce cadre, par exemple pour rechercher l’efficacité d’un vaccin contre l’influenza aviaire chez des manchots.

Ces travaux peuvent représenter un intérêt zoologique, comme c’est le cas des recherches en taxonomie, en anatomie. Elles sont souvent menées en relation avec les muséums.

Le zoo peut être en outre un lieu d’investigations sans intérêt direct pour l’établissement. Les animaux servent alors de modèles pour la pathologie humaine, notamment les primates.

SURVEILLANCE

Un parc zoologique n’est pas une entité isolée par rapport aux problèmes sanitaires globaux. Ainsi, l’épidémiosurveillance peut concerner ses collections ou la faune commensale. Lors de la crise de l’influenza aviaire, l’administration a décidé que les vétérinaires sanitaires sur place pouvaient réaliser cette surveillance. Les confrères des parcs zoologiques ont donc surveillé la faune commensale. Ils ont pratiqué des autopsies et ont mené des enquêtes. De nombreuses analyses sérologiques ont été effectuées.

Chaque zoo dispose ainsi d’une “sérothèque” qui permet de remonter en arrière. Il constitue un relais, en attendant de confier les animaux aux centres de soins ou au réseau Sagir.

TAXON ADVISORY GROUPS

Le vétérinaire de zoo est souvent conseiller auprès des Taxon Advisory Groups (TAG). Ces groupes de travail réunissent les professionnels des parcs zoologiques et des aquariums. Chaque TAG travaille sur un taxon spécifique (à la différence d’un programme d’élevage qui, lui, ne concerne qu’une espèce) et participe à l’établissement des plans de collection, ainsi qu’au développement et à la gestion des programmes de conservation in situ.

En tant qu’expert, il peut être amené à donner des conseils et à aider les confrères, les chercheurs, les particuliers, et les journalistes. Il peut être contacté par les douanes dans le cadre d’une diagnose d’espèce, pour savoir si un animal est victime d’un trafic, par exemple.

UNION DES VÉTÉRINAIRES DE PARCS ZOOLOGIQUES EN FRANCE

L’Association française des vétérinaires de parcs zoologiques (AFVPZ), créée en 1995, regroupe soixante-dix-sept membres (quarante-six salariés de parcs et vingt-deux praticiens libéraux qui interviennent dans ces structures). Ils travaillent dans cinquante zoos (trente-quatre avec des salariés et dix-sept avec des libéraux). Outre les échanges de points de vue techniques, les représentants de cette association jouent un rôle auprès des administrations (conseil sur la vaccination contre la grippe aviaire, réflexions sur les aménagements législatifs qui régissent le fonctionnement des zoos, etc.).

VACCINATION ET PROPHYLAXIE

Le vétérinaire met en place un plan sanitaire qui englobe l’hygiène générale, l’élaboration du régime alimentaire, le déparasitage interne et externe, les conditions sanitaires d’introduction des animaux dans la collection, l’élaboration du dossier médical, la vaccination. En ce qui concerne la prophylaxie médicale, seul le vaccin contre l’influenza aviaire est obligatoire dans un parc zoologique. Les vétérinaires sont libres de choisir les vaccinations qu’ils souhaitent mettre en place dans le zoo. Mais comme les études cliniques ne sont pas réalisées chez les espèces sauvages, les effets des vaccins sont souvent mal connus.

WORLD ASSOCIATION OF ZOO AND AQUARIUM

De nombreuses associations et organisations regroupent des parcs zoologiques et des vétérinaires. Au niveau international, plusieurs existent, comme la WAZA, l’European Association of Zoo and Wildlife Veterinarians (EAZWV) – qui a notamment mis au point une banque de données sur les maladies infectieuses – et l’European Association of Zoos and Aquaria (EAZA). Cette dernière met en place différents niveaux de gestion selon le degré de menace qui pèse sur une espèce. Si elle ne présente pas d’intérêt en termes de conservation, ou si son effectif est trop réduit, aucune gestion coordonnée n’est instaurée. Si l’espèce présente un intérêt de conservation peu important, les données sont enregistrées dans les European Studbooks (ESB), pour une éventuelle utilisation future. Ces registres rassemblent toutes les données sur les individus captifs d’une espèce (généalogie, origine géographique, date de naissance, etc.). Ils permettent notamment d’établir le degré de consanguinité de la population ou sa démographie.

Les espèces à haut intérêt de conservation font l’objet d’une coordination internationale rigoureuse, via les Programmes d’élevage européens (EEP). Pour chacun, un comité d’espèces et un conseiller vétérinaire sont nommés. Dans ce cadre, diverses recommandations sont émises sur les transferts, la reproduction ou la contraception. Des liens entre conservation ex situ et in situ sont établis avec, à la clé, d’éventuels projets de réintroduction.

ZOONOSE ET SÉCURITÉ

Le vétérinaire de zoo est responsable de la santé publique, ce qui n’est pas une mince affaire au regard de la fréquentation élevée des parcs par le public. Tout risque d’accident doit être écarté. Le risque de zoonose est particulièrement surveillé, notamment par le contrôle de l’état sanitaire des primates. En outre, la détention de reptiles venimeux n’est autorisée que si les établissements disposent de sérums en quantité suffisante.

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