La douleur est encore trop peu prise en charge chez les nouveaux animaux de compagnie - La Semaine Vétérinaire n° 1308 du 28/03/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1308 du 28/03/2008

Analgésie

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Karine Chaîné*, Eric Troncy**

Fonctions :
*Faculté de médecine vétérinaire, université de Montréal.
**Faculté de médecine vétérinaire, université de Montréal.

La plupart des molécules adaptées aux carnivores domestiques sont utilisables chez les animaux exotiques, avec en première ligne les AINS et les opioïdes pour les mammifères.

L’approche clinique de l’analgésie des nouveaux animaux de compagnie (Nac) a fait l’objet d’une conférence dans le cadre du congrès conjoint de l’International Veterinary Academy of Pain Management, de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec et de la Faculté de médecine vétérinaire de l’université de Montréal, en novembre 2007, à Montréal (Canada).

Les Nac (reptiles, oiseaux et petits mammifères) représentent actuellement 4,5 % du revenu des vétérinaires aux Etats-Unis. Ils sont regroupés, outre-Atlantique, sous le terme “animaux exotiques”. En 1995, ils ne représentaient que 0,5 % de ce revenu. Cette augmentation démontre l’évolution de deux champs d’intérêt : la douleur animale et les Nac. Plusieurs organismes existent afin d’informer et d’aider les professionnels sur l’analgésie chez ces animaux : l’Association for Avian Veterinarians, l’Association of Reptile and Amphibian Veterinarians (ARAV) et l’Association of Exotic Mammal Veterinarians.

Les petits mammifères exotiques tels que les lapins et les furets suscitent de plus en plus d’intérêt. Les propriétaires s’attachent à ces animaux de la même façon qu’à des chiens ou des chats. Lors des traitements médicaux, les vétérinaires extrapolent souvent, en comparant par exemple les furets avec les chats. Il existe en effet un manque de références sur la douleur chez ces animaux. Dans un sondage réalisé en Grande-Bretagne en 1999, seuls 22 % des vétérinaires disaient administrer des analgésiques avant une intervention et plus souvent aux lapins qu’aux furets. Il serait donc important que les praticiens connaissent les signes de douleur qui peuvent se manifester chez les animaux exotiques. Les traitements analgésiques reposent sur des protocoles similaires à ceux appliqués aux autres espèces de compagnie, à savoir anti-inflammatoires non stéroïdiens et opioïdes en première ligne. Les furets sont plus sensibles aux effets sédatifs des opioïdes. Le butorphanol est un morphinique de choix (0,5 mg/kg pour le lapin, 0,1 à 0,4 mg/kg pour le furet, toutes les trois heures dans les deux espèces, par voie sous-cutanée), tout comme la buprénorphine.

La douleur se manifeste de façon différente chez les lapins et les furets

Les furets sont des carnivores grégaires, habituellement non agressifs, calmes et semblables aux chats. Les principaux signes de douleur sont une posture courbée (“en boule”), des frissons, un désintérêt vis-à-vis de l’environnement, des vocalisations aiguës et un hérissement de la queue (propre aux furets). Lors de douleurs chroniques, une perte de poids, des changements de posture et de comportement sont notés. Les causes les plus fréquentes sont les dermatites, les maladies parodontales, les gastro-entérites infiltratives et les prostatites. Les furets ont souvent des problèmes avec leurs dents.

Les lapins sont différents des furets, ce sont des proies. Ils ont donc un comportement calme, réservé, et sont facilement stressés par la nouveauté. Lors de douleur, le premier signe est l’anorexie, typique chez cet animal. Une respiration lente et profonde, une appréhension pour se déplacer et des mouvements rapides et incontrôlés peuvent aussi être observés. Lorsque la douleur devient chronique, les lapins sélectionnent leurs aliments, changent leur posture et négligent leur apparence. La première cause de douleur est représentée par les maladies dentaires, suivies par l’arthrose. Les cystites, une déficience chronique en fibres et les otites internes ou moyennes sont aussi possibles.

Pour les épidurales chez les mammifères, le conférencier utilise la morphine et la bupivacaïne. L’anesthésie locale est efficace chez tous les Nac pour les blocs “traçants” utilisant la lidocaïne ou la bupivacaïne. Le butorphanol est performant dans le cadre des douleurs viscérales (à utiliser à dose limitée chez les furets). Le fentanyl est un autre analgésique utilisable chez les Nac, mais il est à proscrire chez les lapins (voir tableau), car ceux-ci cessent de se nourrir. Le méloxicam est populaire pour les Nac (efficace, facile à administrer et sûr). En revanche, son utilisation est souscrite à la même prudence et surveillance que chez les autres animaux de compagnie.

L’utilisation des morphiniques est délicate chez les reptiles

Plus de sept mille cinq cents espèces de reptiles sont dénombrées, réparties dans quatre ordres. Une étude de l’ARAV montre que 98 % de ses membres croient que les reptiles peuvent ressentir de la douleur, mais que 39 % seulement de ceux-ci utilisent des analgésiques chez plus de la moitié des animaux qu’ils traitent. Les reptiles n’expriment pas physiquement leur douleur. Il est alors important de savoir distinguer ce qui est normal pour reconnaître ce qui ne l’est pas. Les serpents deviennent rigides et leurs segments s’immobilisent. Les tortues demeurent plus ou moins immobiles et souffrent d’anorexie. Les lézards présentent des comportements défensifs, de la léthargie et plus d’une centaine de postures ont déjà été répertoriées dans la littérature.

L’utilisation des morphiniques est délicate chez les reptiles : le butorphanol est inefficace chez certaines espèces, la morphine et les autres agonistes m peuvent engendrer une dépression respiratoire de longue durée. En conséquence, des alternatives comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens (méloxicam et kétoprofène avec une demi-vie fortement augmentée, donc respectivement aux doses de 0,1 à 0,4 mg/kg par voie intramusculaire ou per os et 1 mg/kg par voie intramusculaire ou intraveineuse) ou les anesthésies locales (bloc de queue, anesthésie paravertébrale ou traçante, etc.) sont à considérer.

Les perroquets bénéficient aussi d’une popularité croissante. Lorsqu’ils sont malades ou ont mal, ils perdent des plumes, présentent des hémorragies sous-cutanées, gardent les yeux clos et adoptent une posture anormale. Plusieurs études suggèrent d’utiliser le butorphanol comme analgésique chez les perroquets. La buprénorphine est aussi employée de façon fréquente. Parmi les anti-inflammatoires non stéroïdiens, le méloxicam (0,5 mg/kg per os ou par voie intramusculaire, deux fois par jour) et le carprofène peuvent être utilisés. Le recours au tramadol augmente, mais son efficacité n’est pas encore prouvée.

CONFÉRENCIER

Matthew S. Johnston, professeur adjoint en médecine zoologique, Colorado State University, Fort-Collins (Etats-Unis).

Article rédigé d’après la conférence « Approche clinique de l’analgésie chez les nouveaux animaux de compagnie », présentée lors du congrès « Unis contre la douleur », en novembre dernier à Montréal (Canada). Ont collaboré au programme scientifique la Société canadienne contre la douleur, le Conseil canadien de protection des animaux et l’Association vétérinaire pour l’anesthésie et l’analgésie animales (4A-Vet).

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