Un mauvais plan vaccinal n’évitera pas l’explosion de cas - La Semaine Vétérinaire n° 1307 du 21/03/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1307 du 21/03/2008

Fièvre catarrhale ovine. Divergences entre politiques, scientifiques et juristes

Actualité

Auteur(s) : Eric Vandaële

L’Afssa recommande une vaccination obligatoire et en anneau, d’abord au Sud et à l’Ouest. Le ministre décide une vaccination facultative, d’abord au Nord et à l’Est.

Sur la vaccination contre la fièvre catarrhale ovine, il n’y a plus que deux points de consensus : la nécessité de vacciner, et la vaccination obligatoire contre le sérotype 1 dans le Sud-Ouest. Pour le reste, surtout sur le sérotype 8, tout oppose les politiques, les scientifiques, les éleveurs, les vétérinaires, voire désormais les juristes… Dans quels buts vacciner ? Quels animaux vacciner ? D’abord ceux des zones atteintes, pour consoler les régions économiquement les plus touchées l’an passé, ou ceux des zones encore indemnes en périphérie, pour empêcher la progression de l’infection ? Et avec qui vacciner ? Avec le corps de l’armée des milliers de vétérinaires sanitaires, placés alors sous la Direction des services vétérinaires (DSV), comme pour toute prophylaxie d’Etat ? Ou directement avec les centaines de milliers d’éleveurs eux-mêmes, si les vétérinaires, libéraux cette fois, veulent bien leur prescrire et leur fournir gratuitement les doses de vaccins qu’ils auront reçues de leurs centrales ?

La vaccination doit être obligatoire pour empêcher l’infection de progresser

« La vaccination contre le sérotype 8 a un caractère facultatif », indique le ministère de l’Agriculture dans une note destinée aux préfets et aux DSV qui présente les décisions « validées le 11 mars 2008 ». Les objectifs de la vaccination « ne pourront être atteints que par une vaccination obligatoire », a averti l’Afssa, quelques jours auparavant, dans son avis daté du 5 mars. Et pour mieux insister sur cette divergence, le ministère comme l’Afssa soulignent les termes « facultatif » pour les politiques, « obligatoire » pour les autres.

L’Afssa « recommande de commencer immédiatement une vaccination obligatoire de tous les ruminants réceptifs (bovins, ovins et caprins) tout le long du front Sud et Ouest de la maladie, c’est-à-dire dans la partie périphérique de la zone réglementée ». Puis elle préconise « de la poursuivre au cours du trimestre suivant de façon centripète vers le cœur de la zone atteinte par le sérotype 8 ».

Vacciner le Nord-Est n’empêchera pas la maladie de s’étendre au Sud et à l’Ouest

La décision politique validée par le ministre va exactement à l’opposé de ces recommandations scientifiques. Dans une première étape, « la vaccination s’adresse en priorité aux seize départements du nord et de l’est de la France, atteints depuis 2006 » et qui constituent le « cœur de l’infection ». Les premiers lots du vaccin d’Intervet, fin avril-début mai, leur seront « réservés, jusqu’à ce que les besoins de ces départements soient couverts ». Le vaccin de Merial, en cours de livraison, devrait permettre de vacciner les ovins et les caprins un mois plus tôt que les bovins.

Ce n’est que dans une seconde étape (en mai chez les bovins) que la vaccination contre le sérotype 8 s’adressera à une zone “tampon” de quatre ou cinq départements du Sud-Ouest situés entre les deux sérotypes : la Gironde, le Lot-et-Garonne, le Tarn-et-Garonne, l’Aveyron et le Lot. La vaccination des ovins et des caprins débutera en avril dans les quatre premiers départements, le Lot ne devant être vacciné qu’en juin. Avec le bassin de Roquefort, l’Aveyron compte à lui seul près d’un million de petits ruminants à vacciner dès le mois prochain.

Le risque d’extension et d’explosion dans les zones périphériques est « très élevé »

En outre, la vaccination des deux cent mille broutards destinés à l’Italie a débuté en « urgence » avec le vaccin de Merial, le seul disponible immédiatement en quantité suffisante (quatre cent mille doses, compte tenu des deux injections nécessaires). Et sur les prochaines livraisons des vaccins d’Intervet, trois cent mille doses seront « mises de côté » chaque mois pour permettre de vacciner ensuite cent cinquante mille broutards “italiens”.

Au final, le ministère préconise donc une vaccination « centrifuge », à l’opposé de la vaccination « centripète » recommandée par les scientifiques. Ces derniers avertissent que le risque d’extension du sérotype 8 est « très élevé » dans les départements indemnes, « notamment ceux où circule déjà le sérotype 1 ». En outre, compte tenu de la forte immunité naturelle qui a pu se développer dans les zones déjà fortement atteintes, l’incidence et le nombre de nouveaux cas devraient être plus élevés cette année dans les zones situées en périphérie que dans celles dites “historiques”.

En résumé, le gouvernement est prévenu et portera seul la responsabilité d’une nouvelle explosion de l’infection cette année. Les éleveurs des zones périphériques ont donc tout intérêt à protéger tôt leurs animaux par des traitements avec des insecticides pyréthrinoïdes. L’an passé, des applications mensuelles de pour-on semblent avoir été efficaces dans les zones les plus infectées, pour protéger les individus des attaques vectorielles.

Des traitements à base de pyréthrinoïdes à répéter toutes les deux à quatre semaines

L’efficacité et la rémanence de deux pour-on – Butox® à base de deltaméthrine et Bayofly® à base de cyfluthrine (aux doses maximales préconisées par les AMM) – ont été récemment évaluées(1). Des poils de bovins et d’ovins traités sont prélevés sur leurs membres pendant quatre à cinq semaines. Des culicoïdes “frais”, issus du piégeage de la nuit, sont exposés à ces poils pendant une durée variant de quinze secondes à deux minutes. Ensuite, la mort ou la survie de ces moucherons est observée pendant plusieurs heures. Selon les résultats, la rémanence serait de quatre semaines pour Butox® (30 ml chez les bovins, 10 ml chez les ovins) et de l’ordre de trois à quatre semaines pour Bayofly® (10 ml chez les bovins). En outre, avec la deltaméthrine, un effet paralysant est rapporté après un bref contact avec le poil. Selon les auteurs, la rapidité de cet effet, qui persiste vingt-huit jours post-traitement, ne laisserait pas le temps aux culicoïdes de piquer les animaux traités, même si ces moucherons mettent ensuite plusieurs heures pour mourir. En avril 2007, en l’absence de telles données, l’Autorité européenne de sécurité alimentaire recommandait un traitement tous les quinze jours à la dose maximale recommandée des insecticides.

  • (1) Vet. Parasitology, 2008, vol. 102, n° 3, pp. 515-522.

Les vaccins sous ATU

Deux vaccins inactivés adjuvés disposent aujourd’hui d’autorisations temporaires d’utilisation (ATU) contre le sérotype 8 : Bovilis® BTV 8 d’Intervet et BTVPur® AlSap8 de Merial. Les notices d’emploi de ces vaccins sont assez proches. Ils sont tous les deux destinés aux bovins, avec une primovaccination en deux injections espacées de trois ou quatre semaines, ainsi qu’aux ovins (primovaccination en une injection). Aucun n’est indiqué chez les caprins. La vaccination des chèvres est néanmoins possible dans le cadre de la cascade… avec, théoriquement, un délai d’attente forfaitaire minimal de vingt-huit jours dans la viande et sept dans le lait, malgré l’absence de risque de résidus pour ces vaccins. Il est toutefois évident que l’administration ne demandera pas de respecter cette réglementation à la lettre, tant elle apparaît absurde dans ce contexte.

Dans la compétition entre les deux laboratoires, Intervet a obtenu le premier une ATU (en décembre 2007) et l’accord de l’Etat pour livrer les vaccins destinés aux bovins (30 millions de doses dès fin avril ou début mai). Merial a obtenu son ATU en février et le lot destiné aux petits ruminants (16,2 millions de doses). Toutefois, les premiers lots du vaccin de Merial sont disponibles depuis la fin février. Il est donc utilisé aujourd’hui pour la vaccination d’urgence des 200 000 broutards réservés à l’Italie (deux injections). En outre, cette disponibilité un peu plus rapide des vaccins Merial fera que, dans les premiers départements vaccinés du nord-est de la France, les ovins et les caprins, pour lesquels la primovaccination ne nécessite qu’une seule injection en avril, seront protégés environ deux mois avant les bovins, pour lesquels deux injections seront nécessaires à partir du mois de mai…

En outre, contre le sérotype 1, Fort Dodge est le seul à livrer les vaccins inactivés (Zulvac®1) pour 700 000 bovins et 1 million de petits ruminants dans les Pyrénées-Atlantiques, les Landes, le Gers, les Hautes-Pyrénées et la Corse.

E. V.
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