Un adénome hypophysaire est traité par hypophysectomie - La Semaine Vétérinaire n° 1307 du 21/03/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1307 du 21/03/2008

Endocrinologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Jean-François Bardet*, Pablo Rivier**, Carlos da Silva***

Fonctions :
*praticien à Neuilly (Hauts-de-Seine)
**praticien à Neuilly (Hauts-de-Seine)
***praticien à Neuilly (Hauts-de-Seine)

Lors de maladie de Cushing d’origine hypophysaire, l’hypophysectomie permet d’obtenir un taux de rémission de 85 % et un taux de survie à quatre ans de 68 %.

Les tumeurs pituitaires sont les causes les plus connues de l’hyperadrénocorticisme canin. Lorsqu’elles sont de grande taille, elles se développent en général dorsalement, à la base du cerveau, en raison de la caractéristique anatomique de la selle turcique chez le chien. Ce type de tumeur engendre des symptômes neurologiques dus à la compression des tissus adjacents. Mais la taille de la tumeur et les signes neurologiques ne sont pas toujours concordants. Les adénomes et les carcinomes peuvent se développer à partir de l’hypophyse, mais ces derniers représentent moins de 3 % de toutes les tumeurs hypophysaires chez le chien. Les adénomes sont généralement classés en micro-adénomes (inférieurs à 1 cm de diamètre) ou en macro-adénomes (supérieurs à 1 cm de diamètre). Les micro-adénomes représentent environ 70 % de toutes les tumeurs pituitaires.

Les signes d’un cas de macro-adénome sont une incontinence et une apathie

Un teckel mâle âgé de onze ans est présenté à la consultation pour une incontinence nocturne depuis quinze jours et un abattement. L’examen clinique apparaît normal. Un bilan biochimique complet est réalisé et ne révèle qu’une augmentation modérée des phosphatases alcalines et des enzymes hépatiques alanine-aminotransférases (ALT). En raison de la fatigue et des pertes urinaires, un dosage des T4 et du cortisol est réalisé. Le cortisol basal est de 8,6 nmol/l (la norme va de 7,7 à 47,6 nmol/l) et, après la stimulation à l’hormone corticotrope (ACTH), ce taux s’élève à 463 nmol/l. Cette valeur se situe dans la zone douteuse comprise entre 440 et 550 nmol/l. Un test de freinage à la dexaméthasone faible est donc effectué. Le cortisol de base est de 86 nmol/l, conforme aux normes, et les valeurs après freinage sont de 10 pour les premières et de 10,9 nmol/l pour les secondes. Au vu de ces résultats, une maladie de Cushing d’origine hypophysaire est fortement suspectée et un scanner de l’hypophyse et des glandes surrénales est décidé. Il révèle un macro-adénome de 1 cm de diamètre (voir photos), alors que les glandes surrénales apparaissent de taille légèrement augmentée (11 mm d’épaisseur). En regard de l’état général de l’animal, de la taille modérée de l’hypophyse (10 mm) et du pronostic défavorable lié au traitement du macro-adénome par radiothérapie, une hypophysectomie est réalisée.

La voie d’abord chirurgical lors d’hypophysectomie est le palais mou

L’hypophyse fait partie du télencéphale, elle occupe un récessus ovale de petite taille dans l’os basisphénoïde, appelé selle turcique. La vascularisation artérielle de l’hypophyse provient de la carotide interne et des artères communicantes caudales qui forment le cercle de Willis autour d’elle.

L’animal est anesthésié et positionné la gueule ouverte afin d’aborder l’hypophyse par voie orale. Le voile du palais mou est incisé, donnant accès à la base du crâne. Les repères osseux sont déterminés sur le scanner préopératoire et l’hypophyse est localisée par rapport aux bords caudaux des processus hamulaires de l’os sphénoïde. Après ce repérage, l’os basisphénoïde est fraisé à l’aide d’une turbine afin d’accéder à la base de l’hypophyse. La dure-mère est incisée et l’hypophyse est extraite à la fois par curetage et aspiration. L’utilisation du microscope opératoire permet de localiser la vascularisation en partie craniale et caudale et l’incision de la dure-mère s’effectue en croix au centre de l’espace délimité. La fenêtre de forage de l’os basisphénoïde est obstruée à l’aide de cire d’Orsley en fin d’opération et le voile du palais est suturé. Le scanner postopératoire permet de vérifier l’exérèse complète de l’hypophyse. Les suites opératoires font appel à un traitement antibiotique et à un traitement hormonal destiné à pallier la perte de l’hypophyse. Le chien reçoit en remplacement des hormones thyroïdiennes (lévothyroxine à la dose de 300 µg/j), de la prednisolone (1 à 2 mg/kg/j) et de l’hormone antidiurétique (Minirin® pulvérisé matin et soir par voie nasale). Des contrôles réguliers permettent d’ajuster les doses d’hormones thyroïdiennes et de prednisolone. Bien que 20 % des animaux ayant subi une hypophysectomie aient besoin d’un complément d’hormone antidiurétique à vie, son utilisation n’est nécessaire que pendant les trois premières semaines dans ce cas, en raison de la disparition de la polydipsie et de la polyurie.

Trois ans plus tard, l’animal est toujours bien portant et mène une vie normale, malgré ses quatorze ans. Seule une dépilation cutanée est observée, principalement sur les oreilles.

Une hypertrophie bilatérale des surrénales oriente vers une origine hypophysaire

Les caniches nains, les teckels et les boxers sont prédisposés à la maladie de Cushing. Si les chiens âgés sont les plus communément affectés, les jeunes peuvent être occasionnellement atteints de troubles pituitaires.

La plupart des chiens présentés pour l’évaluation d’un hyperadrénocorticisme classique manifestent des signes caractéristiques de polyurie, polydipsie et polyphagie, un élargissement de la sangle abdominale, une alopécie endocrinienne, de la faiblesse, de la léthargie et une hyperpigmentation. Certains individus peuvent présenter des symptômes neurologiques associés (épilepsie, déficit visuel, ataxie, incoordination, hémiplégie faciale, tête penchée, somnolence, marche compulsive, dépression). La dépression et la torpeur sont des anomalies souvent observées lors de macro-adénome. Chez les chiens atteints d’un macro-adénome non fonctionnel ou d’un carcinome, les signes neurologiques sont parfois les seules anomalies apparentes. Mais certains propriétaires ne constatent que de l’anorexie, sans autre symptôme.

Le diagnostic de la maladie de Cushing repose sur les commémoratifs, les signes cliniques, les analyses biochimiques et hormonales, ainsi que sur l’imagerie médicale. Les tests de stimulation à l’ACTH et de suppression à faible dose de déxaméthasone sont les examens de choix pour dépister cette maladie. Le diagnostic hormonal doit s’accompagner d’un recours au scanner ou à l’imagerie par résonance magnétique (IRM). En effet, les adénomes pituitaires et les carcinomes peuvent être différenciés grâce au scanner. Les micro-adénomes sont, bien entendu, faciles à distinguer des macro-adénomes. L’hypertrophie bilatérale des glandes surrénales indique un hyperadrénocorticisme d’origine hypophysaire.

De meilleurs résultats pour l’hypophysectomie par rapport au traitement médical

Le traitement conventionnel de la maladie de Cushing est médical. Potentiellement complexe, il peut générer des complications importantes. Les deux molécules actuellement utilisées sont le mitotane (Op’DDD) et le trilostane, qui inhibent l’une des enzymes bloquant la formation de cortisol et des autres stéroïdes d’origine surrénalienne. Ce traitement est décrit comme moins dangereux, mais le recul par rapport à cette dernière molécule est de moins de sept ans et il n’existe pas d’étude clinique à long terme.

Les autres options sont la radiothérapie ou la chirurgie. La première est décrite pour six cas de macro-adénome. L’hypophysectomie est principalement réservée aux animaux atteints d’un micro-adénome pituitaire et aux macro-adénomes de taille modérée. Lorsqu’il existe des signes neurologiques associés à la maladie de Cushing, elle est contre-indiquée (voir bibliographie 1).

Le traitement chirurgical de la maladie de Cushing, une affection mille fois plus commune chez le chien que chez l’homme, reste confidentiel. Toutefois, des données récentes (voir bibliographie 1) comparent les taux de succès et les temps de survie par l’emploi des courbes de Kaplan-Mayer pour les traitements médicaux à l’Op’DDD et au trilostane, ainsi que le traitement chirurgical par l’hypophysectomie. Le taux de rémission lors de l’emploi de mitotane est de 63 % et le taux de survie à un, deux et trois ans est respectivement de 73, 53 et 44 %. L’hypophysectomie permet d’obtenir un taux de rémission de 85 % avec des taux de survie à un, deux, trois et quatre ans, par l’emploi des courbes de Kaplan-Mayer, de 84, 73, 72 et 68 %. Une autre étude (voir bibliographie 4) sur l’emploi du mitotane est encore plus pessimiste : sur deux cents chiens atteints de la maladie de Cushing d’origine hypophysaire, 72 % sont vivants après un an, 47 % après deux ans et seulement 30 % après trois ans. Une étude incluant soixante-dix-huit chiens et consacrée au suivi du traitement de la maladie de Cushing par le trilostane montre un temps moyen de survie de cinq cent quarante-neuf jours pour vingt-six chiens (voir bibliographie 2). Au vu de ces résultats, il apparaît que plus le temps passe et plus les résultats de l’hypophysectomie sont favorables en comparaison de ceux de l’OP’DDD et du trilostane.

Ces conclusions ne concernent toutefois que les micro-adénomes hypophysaires. Lors de macro-adénome, la seule technique envisagée actuellement est la radiothérapie, pour laquelle le nombre de cas cliniques est extrêmement limité. Le seul rapport publié sur la radiothérapie fait état de six chiens traités pour un macro-adénome avec hypercorticisme d’origine hypophysaire. Seuls trois d’entre eux ont vu leurs signes cliniques disparaître… pour réapparaître sixmois plus tard.

Dans le cas de ce teckel, la survie à trois ans et demi dépasse largement le temps de survie après radiothérapie. Il est pourtant reconnu que la taille de la tumeur d’origine pituitaire influence considérablement le temps de survie et le temps de survie sans symptôme après l’hypophysectomie chez un chien atteint d’un hypercorticisme d’origine hypophysaire. La plus grande étude sur les hypophysectomies (voir bibliographie 1) rapporte que plus la tumeur pituitaire est de grande taille au moment de l’intervention, plus le temps de survie est raccourci. Les bons résultats cliniques chez ce chien peuvent s’expliquer par la qualité de la localisation du site chirurgical grâce au scanner et par le contrôle postopératoire permettant de visualiser l’élimination totale de la tumeur.

L’hypophysectomie n’est toutefois pas sans conséquences. Des complications postopératoires sont rapportées, sous forme de réduction de la production de larmes chez 30 % des animaux, ainsi qu’un diabète insipide d’origine centrale qui apparaît chez 44 % des chiens lorsque l’hypophyse est de taille normale.

Au final, l’hypophysectomie transphénoïde est un traitement efficace de la maladie de Cushing avec hypercorticisme d’origine hypophysaire. Le temps de survie des animaux traités par cette technique s’améliore considérablement à long terme s’il est comparé aux traitements médicaux actuels. Un diagnostic précoce des hypercorticismes d’origine hypophysaire est important, sachant que l’hypophysectomie transphénoïde bénéficie d’un meilleur pronostic lorsqu’elle est utilisée en traitement primaire pour les chiens chez lesquels l’hypophyse n’a pas changé de taille ou est légèrement augmentée. L’hypophysectomie apparaît comme une alternative valable chez les chiens atteints de macro-adénome en l’absence de signe neurologique.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 - J.M. Hanson, H.M. Van’t, G. Voorhout, E. Teske, H.S. Kooistra, B.P. Meij : « Efficacy of transspheroidal hypophysectomy in treatment of dogs with pituitary-dependent hyperadrerocorticism », J. Vet. Intern. Med., 2005, vol. 19, n° 5, pp. 687-694.
  • 2 - D.P. Alenza, C. Arenas, M. L. Lopez, C. Melian : « Long term efficacy of trilostane administered twice daily in dogs with pituitary- dependent hyperadrenocorticism », J. Am. Anim. Hosp. Assoc., 2006, vol. 42, n° 4, pp. 269-276.
  • 3 - E.N. Barker, Campbells, A.J. Tebb, R. Neiger, M.E. Herrtage, S.M. Reid, I.K. Ramsey : « A comparison of the survival times of dogs treated with mitotane or trilostane for pituitary dependent hyperadrenocorticism », J. Vet. Intern. Med., 2005, vol. 19, n° 6, pp. 810-815.
  • 4 - P.P. Kintzer, M.E. Peterson : « Mitotane treatment of 200 dogs with Cushing disease », J. Vet. Intern. Med., 1991, n° 5, pp. 182-190.
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