L’introduction du cochon du Proche-Orient a favorisé la domestication du porc en Europe

Pour certaines espèces domestiques telles que le mouton ou la chèvre, inexistantes en Europe à l’Holocène (il y a dix mille ans), leur présence un peu plus tard, à l’époque de la “révolution néolithique” (entre le VII^e et le IV^e millénaires) est reliée à leur introduction depuis le Proche-Orient. Pour d’autres, comme le bœuf ou le chien, les analyses génétiques montrent que leurs origines se partagent entre ces deux régions du monde. Le cas du cochon, domestiqué du sanglier, restait non résolu. De nouveaux éclairages sont fournis par une équipe internationale⁽¹⁾. Celle-ci a déterminé que le cochon est venu du Proche-Orient en Europe, mais qu’il a fini par être supplanté par sa forme européenne, dont la domestication a fort probablement été initiée par cette introduction. Ce remplacement s’est produit dans un laps de temps relativement bref. Les spécialistes estiment que, dans le courant du IV^e millénaire avant Jésus-Christ, il ne restait pratiquement plus de cochons proche-orientaux.

Les haplotypes du cochon européen augmentent de 5 à 95 % en cinq cents ans

Des travaux précédents ont situé les régions (Turquie orientale et Chypre)et l’époque (seconde moitié du IX^e millénaire) de la première domestication du cochon. La nouvelle étude, qui repose sur l’ADN de fossiles de cochons (issus de cent quarante sites, tant en Europe qu’au Proche-Orient), a montré que ces animaux sont venus à la faveur des migrations humaines et que celles-ci ont emprunté deux itinéraires : l’un en Europe centrale, le long du Rhin et du Danube, l’autre par le pourtour nord de la Méditerranée. C’est dans le bassin parisien (site de Bercy), au début du IV^e millénaire, que les premiers cochons moyen-orientaux sont repérés. C’est là aussi qu’ils se maintiendront le plus longtemps avant de disparaître, remplacés en moins d’un demi-siècle par le cochon européen. Le cochon féral actuel de Corse représente une exception, puisqu’il est le seul en Europe à porter encore la “signature” d’une origine moyen-orientale, parallèlement à celle d’une origine italienne. La domestication du cochon européen s’est en effet réalisée de façon indépendante en Italie, et des animaux ont essaimé en Sardaigne comme en Corse. Le cochon européen, à son tour, s’est répandu davantage, car ses haplotypes se retrouvent en Arménie, depuis le VII^e siècle après Jésus-Christ, où il a remplacé le cochon moyen-oriental. Cette étude apporte beaucoup, mais de l’avis même des auteurs, elle n’est probablement pas définitive. Elle s’est fondée sur l’ADN mitochondrial (qui reflète l’héritage maternel) et pourrait être affinée par les marqueurs nucléaires.

• (1) G. Larson et coll. : « Ancient DNA, pig domestication, and the spread of the Neolithic into Europe », Proceedings of the National Academy of Sciences, Etats-Unis, 25/9/2007.