L’origine des dermatoses podales est multiple - La Semaine Vétérinaire n° 1305 du 07/03/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1305 du 07/03/2008

Dermatologie canine

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : William Bordeau

Fonctions : consultant en dermatologie vétérinaire (Maisons-Alfort, Val-de-Marne).

Fréquemment d’origine allergique, ces affections cutanées peuvent constituer la manifestation d’une infestation parasitaire ou d’un trouble immunitaire.

Les dermatoses podales chez le chien constituent un motif fréquent de consultation. Leur origine peut être traumatique (favorisée par le contact direct du sol avec les espaces interdigités) ou non. Seul le second cas est abordé ici.

En raison de l’abondance des causes des dermatoses podales, il est essentiel de ne pas négliger l’anamnèse et les commémoratifs avant d’effectuer un examen clinique général et dermatologique complet, d’autant qu’une atteinte podale n’évolue généralement pas seule et que d’autres localisations, souvent difficilement visibles pour les propriétaires (face interne des oreilles ou babines), peuvent également être concernées. La saisonnalité, l’existence d’une contagion humaine ou animale et la réponse ou non aux divers traitements topiques ou systémiques précédemment instaurés sont recherchées. Il est important de connaître ces éléments en début d’évolution, car la chronicité ou la présence de complications infectieuses peuvent transformer une dermatose saisonnière en dermatose permanente.

La nature du prurit oriente le diagnostic vers une dermatite allergique ou parasitaire s’il est primaire. Un prurit secondaire est fréquent, car la plupart des dermatoses qui affectent les pieds entraînent des complications infectieuses bactériennes ou fongiques prurigineuses. Il convient de préciser aux propriétaires que le prurit peut engendrer des mordillements ou du léchage. En effet, ils assimilent généralement la démangeaison au seul grattage. Au niveau clinique, le prurit se manifeste notamment sous la forme d’une alopécie diffuse, de poils cassés et d’une coloration ochracée du pelage.

Savoir si l’atteinte concerne un ou plusieurs pieds est également essentiel dans le cadre de l’évolution de la dermatose car, lors de la consultation, un seul peut apparaître affecté. Le diagnostic différentiel est grandement réduit si la lésion se limite à un pied. Certaines dermatoses, comme le pemphigus foliacé ou la dermatose améliorée par le zinc, peuvent n’en toucher qu’un seul.

L’éventail des examens complémentaires à réaliser lors d’atteinte podale est vaste

Les examens complémentaires sont conditionnés par les hypothèses diagnostiques formulées à l’issue du recueil des commémoratifs et de l’examen clinique. La démodécie étant une cause fréquente d’atteinte podale chez le chien, les raclages cutanés sont utiles, même s’ils sont parfois difficiles à réaliser dans cette zone. Le trichogramme présente alors tout son intérêt. Lors d’épaississement cutané important et/ou de lésions croûteuses, des biopsies cutanées peuvent être intéressantes quand une démodécie est suspectée. Pour autant, ces prélèvements ne sont pas automatiques en cas d’atteintes podales, car elles sont souvent d’origine allergique. La cytologie cutanée est également un examen complémentaire important. En effet, elle permet notamment de déterminer l’existence de complications qui peuvent être bactériennes, généralement dues à des staphylocoques, ou fongiques, souvent dues à Malassezia spp. Il est possible que les bactéries occasionnent une pyodermite superficielle, avec notamment l’apparition de pustules, mais aussi une pyodermite profonde, qui se manifeste par une furonculose interdigitée assez commune chez le chien, voire des lésions plus sévères comme une cellulite, notamment observée lors de démodécie. Les levures appartenant au genre Malassezia sont, quant à elles, à l’origine d’une exacerbation lésionnelle, notamment de l’érythème, et d’un prurit qui peut être sévère.

La dermatite atopique est la principale cause d’atteinte podale

Les dermatites allergiques constituent sans nul doute les causes majeures d’atteinte podale chez le chien. La dermatite atopique due aux aéroallergènes ou aux trophallergènes est la principale d’entre elles. L’allergie de contact est moins fréquente. Elles sont à l’origine d’un prurit et d’une alopécie auto-induite, associés à un érythème plus ou moins sévère. Avec le temps, un épaississement cutané et une hyperpigmentation apparaissent et s’accompagnent d’un gonflement progressif du pied. Des complications infectieuses surviennent alors, essentiellement sous la forme d’une pyodermite (au début superficielle, puis profonde, comme une furonculose) ou d’une dermatite à Malassezia. L’existence d’une pododermatite bilatérale interdigitée antérieure ne constitue qu’un critère majeur de la dermatite atopique canine. Il est donc important d’en rechercher d’autres comme une cheilite ou une inflammation bilatérale de la face antérieure des conques auriculaires.

Une fois le diagnostic établi, il est nécessaire d’instaurer un régime d’élimination pendant au moins huit semaines afin de différencier la dermatite atopique due aux aéroallergènes de celle due aux trophallergènes. Dans le premier cas, les tests cutanés ne servent qu’à déterminer les sensibilisations allergéniques, et ainsi à mettre en place une désensibilisation. Ils ne sont d’aucune utilité pour le diagnostic de la dermatite atopique, pas plus que la sérologie allergologique. La rémission de l’atteinte podale passe par le traitement étiologique et symptomatique, sans oublier la gestion des complications infectieuses.

Une pododermatite provient moins souvent d’une allergie de contact que d’une dermatite atopique. Si la suspicion clinique d’une dermatite de contact est assez facile, la confirmation et, surtout, la détermination de la molécule en cause sont plus difficiles.

Cliniquement, il est impossible de différencier une origine atopique ou démodécique

Divers parasites peuvent également être à l’origine d’une atteinte podale. Demodex canis et Trombicula autumnalis (aoûtat) sont les plus incriminés. D’autres sont aussi à prendre en considération, même s’ils sont plus rares, comme Pelodera strongyloides, Ankylostoma spp et Uncinaria spp. Il arrive que Demodex canis entraîne des lésions extrêmement variables sur le reste du corps, plus ou moins associées à des lésions podales. Chez certains chiens, seuls les pieds sont affectés. L’aspect clinique n’est pas spécifique. En début d’évolution, un érythème accompagné d’une alopécie diffuse spontanée est observé. Il évolue vers une hyperpigmentation et un épaississement cutané, en général rapidement suivi d’une pyodermite profonde invalidante et douloureuse. Comme il est impossible de distinguer cliniquement une pododermatite d’origine atopique d’une pododermatite d’origine démodécique, la prescription de glucocorticoïdes est proscrite s’il n’y a pas eu de raclages.

Le traitement des atteintes podales démodéciques est relativement classique. En l’absence d’ulcères cutanés, il est possible d’avoir recours à des applications d’amitraze diluée. A défaut, une molécule à action systémique est utilisée, comme la milbémycine oxime (Interceptor®) ou la moxidectine (Advocate®). Les aoûtats peuvent causer une pododermatite saisonnière particulièrement prurigineuse qui répond mal aux glucocorticoïdes. Ils peuvent se localiser dans les espaces interdigités, mais ils doivent aussi être recherchés dans les zones de plis (oreilles et queue).

Lors de dermatophytose, un seul membre est généralement concerné

Les dermatophytoses sont plus rarement à l’origine de lésions podales chez le chien. Elles entraînent généralement une alopécie, un érythème et un squamosis. Elles peuvent également occasionner un onyxis et un périonyxis, plus fréquent chez le chien que chez le chat, avec une déformation et une fragilité excessive des griffes. Cela concerne habituellement un seul pied, même si plusieurs peuvent être affectés. Initialement, aucun prurit ne se manifeste. Le diagnostic ne présente pas de spécificité. Il se fonde sur un examen à la lampe de Wood, un trichogramme, voire une culture mycologique. Même si l’atteinte fongique est uniquement podale, le traitement topique antifongique doit concerner l’ensemble de l’animal et être associé à un traitement systémique.

L’hyperkératose podale et nasale, rencontrée presque exclusivement chez le dogue de Bordeaux, constitue une dernière cause assez commune d’atteinte podale chez le chien. Cette dermatose est à l’origine d’un épaississement cutané localisé au niveau des coussinets et de la truffe, ce qui peut conduire à l’apparition de fissurations douloureuses et de saignements. Il n’existe aucun traitement curatif.

Les maladies dysimmunitaires à manifestation podale sont peu fréquentes

Outre les causes communes de dermatose podale, d’autres sont beaucoup moins fréquentes.

Le pemphigus foliacé, qu’il soit spontané ou induit, constitue la principale dermatose auto-immune canine. Dans bon nombre de cas, une atteinte des coussinets est observée. Il s’agit parfois de la seule localisation des lésions. En présence de cette affection, il est possible d’observer des pustules à base érythémateuse, riches en neutrophiles non dégénérés et en cellules acantholytiques. Un épaississement des coussinets, avec une apparition progressive de fissures susceptibles d’être à l’origine de boiteries, peut aussi être noté. Si l’analyse cytologique d’une pustule intacte est un bon indicateur de pemphigus foliacé, seul l’examen histologique de biopsies cutanées permet de conclure. Le contrôle de cette dermatose auto-immune peut s’effectuer grâce à un traitement immunosuppresseur conduit à l’aide de glucocorticoïde et/ou d’azathioprine. En raison d’une possible surinfection bactérienne, l’administration d’antibiotiques, voire de bains de pieds antiseptiques, peut être nécessaire. Ce traitement au long cours nécessite un bon suivi de l’évolution clinique et thérapeutique des chiens atteints.

Le mycosis fongoïde, ou lymphome cutané épithéliotrope, est une cause rare et mal connue de dermatose podale canine. Il affecte essentiellement la face, plus particulièrement les jonctions cutanéo-muqueuses, mais aussi les pieds. Comme lors de pemphigus foliacé, il peut s’agir de l’unique localisation des lésions. Un érythème, des dépigmentations cutanées, mais aussi l’apparition d’érosions et d’ulcères douloureux sont alors possibles. En début d’évolution, en raison du prurit et de l’érythème interdigité qu’il peut occasionner, le mycosis peut mimer une dermatite atopique. Le diagnostic est uniquement histologique et le traitement peut être un véritable challenge, surtout lors d’atteinte multifocale.

La dermatite nécrolytique superficielle est une autre cause gravissime de lésions podales chez le chien. Dans cette espèce, à la différence de l’homme, elle résulte essentiellement d’une atteinte hépatique. Les relations entre cette dernière et des lésions cutanées ne sont que supputatives. Cette dermatose affecte essentiellement les jonctions cutanéo-muqueuses et les points de pression. Au niveau des pieds, un épaississement cutané, ainsi que des croûtes épaisses et adhérentes sont constatés. Un érythème interdigité associé à des érosions, voire à des ulcères, sont également présents. Les analyses biochimiques et hématologiques permettent d’orienter le diagnostic chez un chien qui exprime de telles lésions, avec ou sans symptômes généraux. Le diagnostic final est toutefois histologique. Le traitement est bien souvent palliatif, sauf si l’origine de l’atteinte hépatique peut être contrôlée. Dans la plupart des cas, elle conduit au décès de l’animal en quelques semaines à quelques mois.

Contrairement à l’idée classiquement véhiculée, les dermatoses podales ont donc de nombreuses origines chez le chien. L’anamnèse, les commémoratifs et un examen clinique attentif des lésions et de leur localisation au niveau des pieds sont donc essentiels pour établir les hypothèses diagnostiques.

  • Voir aussi : E. Bensignor : « Diagnostic différentiel des pododermatites », Point Vétérinaire, 2007, vol. 38, n° 273, pp. 26-31.

BIBLIOGRAPHIE

  • • S. Shaw : « Pedal skin disease in dogs. Part 1 : common problems », UK Vet., 2007, vol. 11, pp. 59-65.
  • • S. Shaw : « Pedal skin disease in dogs. Part 2 : unusual pedal dermatosis », UK Vet., vol. 11, pp. 63-69.
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