Des résistances inattendues sont observées chez les colibacilles d’origine animale

En France, depuis 2000, le réseau Resapath, piloté par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), assure la surveillance de la résistance aux antibiotiques des principales bactéries pathogènes pour les animaux, à partir des antibiogrammes réalisés par les différents laboratoires d’analyses adhérents. Dans les filières bovine, porcine et aviaire, la plupart des données concernent Escherichia coli. Ces dernières années, deux phénotypes de résistance inhabituels ont été observés dans cette espèce bactérienne : la résistance à la colistine et celle aux céphalosporines de troisième et de quatrième générations.

Les colibacilles ont la réputation d’être toujours sensibles à la colistine, une éventuelle résistance ne pouvant résulter que d’une improbable mutation chromosomique. Or, depuis quelque temps, des antibiogrammes, réalisés en routine par la technique de diffusion sur gélose, révèlent l’existence de souches qui résistent à cet antibiotique, particulièrement utilisé en médecine vétérinaire. La détermination des concentrations minimales inhibitrices (CMI), effectuée par l’Afssa sur certaines de ces souches et sur d’autres de sensibilité intermédiaire, confirme non seulement la résistance annoncée, mais montre aussi que le taux de résistances, même s’il reste faible, est probablement sous-estimé⁽¹⁾.

Une enzyme de type CTX-M serait à l’origine de résistances

Les colibacilles sont naturellement sensibles aux β-lactamines, sauf s’ils ont acquis un gène de production de β-lactamases. Cette résistance est fréquente vis-à-vis des pénicillines et des céphalosporines de première génération. Depuis 2003, certaines souches d’E. coli d’origine animale présentent une diminution de sensibilité, voire une résistance aux céphalosporines de troisième et de quatrième générations utilisées en médecine vétérinaire, comme le ceftiofur, la céfopérazone (troisième génération) et la cefquinome (quatrième génération). Cela semble s’expliquer par la production d’une enzyme de type CTX-M (cefotaximase), liée à la présence d’un gène spécifique dans le génome bactérien. Ce gène codant pour la cefotaximase est porté par un plasmide, et non par le chromosome principal de la cellule, ce qui facilite son passage d’une souche à une autre, donc la diffusion de la résistance.

La résistance à la colistine concerne-t-elle certaines sous-populations spécifiques ou est-elle en réelle émergence ? Les résultats de la surveillance dans les années à venir le diront. L’apparition de la résistance aux céphalosporines des dernières générations est, quant à elle, d’autant plus préoccupante qu’elle est également observée sur des souches de colibacilles portées par des porcs apparemment sains qui arrivent à l’abattoir⁽²⁾ et qu’elle est aussi détectée sur des souches de colibacilles impliquées en pathologie humaine.

• (1) E. Jouy, D. Meunier, M. Chazel, C. Lazizzera, C. Ponsin, I. Kempf, J.-Y. Madec, M. Kobisch : « Surveillance de la résistance aux antibiotiques chez les souches d’Escherichia coli isolées de prélèvements à visée diagnostique », conférence présentée au congrès annuel de l’AFMVP, Nantes, 6 et 7/12/2007.

• (2) I. Kempf et coll., résultats présentés lors du congrès annuel de l’AFMVP, Nantes, 6 et 7/12/2007.