BIODIVERSITÉ : LA PROFESSION APPORTE AUSSI SES ÉCLAIRAGES - La Semaine Vétérinaire n° 1302 du 15/02/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1302 du 15/02/2008

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Auteur(s) : Nathalie Devos

Le maintien de la biodiversité, qui fait désormais l’objet d’une prise de conscience réelle, est l’affaire de tout citoyen, tant dans ses activités privées que professionnelles. Parce qu’ils agissent directement sur le “vivant” au quotidien, les vétérinaires sont particulièrement concernés. Quel que soit son domaine d’activité, chacun peut apporter sa pierre à l’édifice.

La volonté actuelle de préserver l’environnement, aujourd’hui largement médiatisée, met en exergue la conservation de la biodiversité (voir encadré). A tous les niveaux et avec l’implication d’acteurs et d’organisations multiples et variés, des actions se mettent en place ou se renforcent en faveur de cette cause.

La profession vétérinaire n’est pas en reste, comme en témoignent plusieurs actions actuellement menées en France. Au printemps dernier, le groupe Vétérinaires pour un développement durable (VDD) a été créé à l’initiative du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL). Il regroupe diverses organisations des secteurs public et privé (Adilva, Afssa, Afvac, ANSVADM, Avef, Ciaf, Ordre, DGAL, FSVF, Mars Pet Care, RFVPFS, SIMV, SNGTV, SNVEL, laboratoires)(1), ainsi que les écoles vétérinaires. Quatre sous-groupes sont définis. L’un, piloté par l’ENV de Nantes, travaille particulièrement sur la biodiversité. Les autres se consacrent aux “bonnes pratiques” (piloté par la SNGTV), aux “déchets d’activité de soin” (Ordre) et à “l’écoresponsabilité” (Adilva).

Sous la direction de notre consœur Monique L’Hostis, le groupe “biodiversité” a récemment remis sa copie sur les actions dans lesquelles les vétérinaires devraient s’investir dans les années à venir.

Le vétérinaire est un acteur du maintien et de l’évolution de la biodiversité

La biodiversité, définie à un moment précis, est constituée d’espèces « nuisibles », notamment certains agents pathogènes qui agissent sur la santé humaine, animale ou végétale, et d’espèces « utiles », dont certaines sont considérées comme participant au maintien de la biodiversité, alors que d’autres sont « potentialisatrices » d’une biodiversité (comme les insectes pollinisateurs), indique en préambule le document. Mais les espèces peuvent-elles être hiérarchisées selon leur rôle « fondamental » ou « négligeable » (notions définies par l’homme) dans le maintien de la biodiversité ?, s’interrogent les membres du groupe “biodiversité”. En effet, la nature est un tout indissociable. Il est illusoire d’envisager de lutter contre une faune nuisible en pensant respecter la faune utile non-cible, d’autant que les effets en cascade et les conséquences “boomerangs” sont inévitables.

Quoi qu’il en soit, « le vétérinaire est un acteur du maintien, voire de l’évolution de la biodiversité, de façon sans doute “négative” lors de la mise en place de la lutte contre les agents vivants pathogènes (parasites, bactéries, virus, etc.), mais aussi, dans le même temps, de façon “positive” en protégeant la santé des animaux domestiques et sauvages », explique Monique L’Hostis. Selon elle, il est préférable de considérer les actuels éco-agrosystèmes comme des biotopes/biocénoses évolutifs, soumis à diverses “agressions” inévitables étant donné les activités humaines. « Ces “agressions” devraient être gérées plus globalement pour éviter une évolution trop brutale et catastrophique de la biodiversité », ajoute notre consœur. Ces constats, au niveau vétérinaire, sont observables en termes de biodiversité tant microbiologique que macrobiologique (voir tableau).

De l’évaluation des pratiques agricoles à l’information du public

Les réflexions du groupe “biodiversité” ont permis de dégager des axes d’actions (ou de renforcement de ces dernières) de la profession vétérinaire pour les années à venir. En termes de responsabilité professionnelle, ils consistent à participer :

- à l’évaluation et à l’évolution des pratiques agricoles et d’élevage dans le sens d’un meilleur respect de la biodiversité des milieux ;

- au développement des bonnes pratiques en matière d’utilisation des médicaments, en particulier des antibiotiques, des antiparasitaires et des hormones, (dont s’occupe le groupe “bonnes pratiques”) ;

- au contrôle accru et à la diminution des résidus et des substances toxiques dans l’alimentation du bétail et les produits d’origine animale ;

- à la connaissance et au contrôle de la santé et au maintien des équilibres des populations sauvages ;

- à la surveillance et à la sauvegarde des « sanctuaires écologiques » ;

- à l’information et à l’éducation des éleveurs et des propriétaires d’animaux domestiques pour un meilleur respect de l’environnement et de la biodiversité.

Selon Monique L’Hostis, préserver la biodiversité « permet l’adaptation à des conditions de vie changeantes. Les écosystèmes sont en équilibre dynamique, et d’autant plus stables que leur diversité interne permet de faire face à des facteurs de perturbation divers et variés. Nous étions plutôt, depuis quelques dizaines d’années, dans une démarche d’homogénéisation des systèmes de production pour faciliter la maîtrise des facteurs de risque, mais avec pour corollaire une diminution de la diversité ».

Pour notre consœur, si la sauvegarde de la biodiversité en tant que telle paraît donc souhaitable, des interrogations demeurent : comment se mesure-t-elle ? Un haut niveau de diversité est-il réellement un but en soi, ou faut-il plutôt viser la santé des écosystèmes ? « Dans ce cas, la diversité des peuplements n’est qu’une mesure dans un tableau de bord qui contient d’autres paramètres. Autrement dit, il ne s’agit pas tant de piloter la biodiversité, mais d’intervenir à bon escient pour restaurer la production des écosystèmes dont nous dépendons pour nos besoins. »

Les praticiens, des sentinelles vis-à-vis de la faune sauvage autochtone

De son côté, notre confrère François Decazes estime que vouloir accéder à un “maximum” de biodiversité est utopique une fois pris en considération le fonctionnement sociétal actuel. Quant à son évaluation, faut-il l’effectuer sur tout le territoire ou se concentrer sur les zones sensibles, celles d’élevage, etc. ?, s’interroge-t-il. Il rejoint par ailleurs Monique L’Hostis sur la difficulté de répertorier des critères quantifiables.

Toutefois, il en existe quelques-uns. Ainsi, tous les vétérinaires peuvent jouer un rôle de sentinelles vis-à-vis de la faune sauvage autochtone, estime François Decazes. Président du Réseau français des vétérinaires praticiens pour la faune sauvage (RFVPFS), il rappelle la création d’une base de données en 2004 (voir graphique 1). Elle est alimentée par les informations qui émanent des cabinets et des cliniques vétérinaires qui ont reçu un animal sauvage. « Nul besoin d’être un spécialiste de la faune sauvage pour alimenter cette base de données. Le recensement des espèces rencontrées, de leurs affections et de leur devenir selon les soins ou les traitements prodigués nous permettra de progresser dans la connaissance de la faune autochtone et dans la mise au point des protocoles de prise en charge et de soins les plus adaptés à chaque situation. »

La base de données fournit ses premiers résultats : plus de 250 cas ont été saisis en ligne sur le site Internet(2) du RFVPFS, dont plus de la moitié en 2006. « C’est bien pour un début, mais nous pouvons faire beaucoup mieux. Encore trop peu de consœurs et de confrères pensent à alimenter cette base de données avec les cas qu’ils rencontrent quotidiennement dans leur pratique, constate François Decazes. Les premiers résultats partiels sont encourageants, le RFVPFS a besoin de la contribution de chacun pour parvenir à des chiffres statistiquement significatifs. » Mais la généralisation du réseau faune sauvage des praticiens à tout le territoire permettra à la profession d’apporter des informations de terrain complémentaires de celles qui sont recueillies par les agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), le réseau Sagir et d’autres associations (de naturalistes, etc.). Une comparaison des résultats de la base de données du RFVPFS avec les statistiques du centre de soins de l’école de Nantes, qui reçoit plus de mille animaux par an, a par ailleurs été effectuée par notre consœur Sophie Le Dréan Quenec’hdu. Elle révèle que la proportion entre les oiseaux et les mammifères est comparable. L’importance en nombre d’espèces répertoriées diffère quelque peu, mais il varie selon les années. Dans tous les cas, les rapaces sont majoritaires.

A travers ces exemples qui, bien entendu, sont loin d’être exhaustifs, l’implication de la profession vétérinaire pour la sauvegarde de la biodiversité est bien réelle. « Il est dommage que le grand public n’en soit pas suffisamment informé », déplore François Decazes.

  • (1) Adilva : Association française des directeurs et cadres de laboratoires vétérinaires publics d’analyses, Afssa : Agence française de sécurité sanitaire des aliments, Afvac : Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie, ANSVADM : Association nationale des sociétés vétérinaires d’achats et de distribution de médicaments, Avef : Association vétérinaire équine française, Ciaf : Compagnie d’incinération des animaux familiers, DGAL : Direction générale de l’alimentation, FSVF : Fédération des syndicats vétérinaires de France, RFVPFS : Réseau français des vétérinaires praticiens pour la faune sauvage, SIMV : Syndicat de l’industrie du médicament vétérinaire, SNGTV : Société nationale des groupements techniques vétérinaires. Le site de VDD est accessible via www.vetopro.fr.

  • (2) Accessible à partir du portail www.vetopro.fr, dans les “liens privilégiés”, “réseau faune sauvage”, puis “base de données”.

  • (3) Adoptée le 22/5/1992 et ouverte à la signature de 158 Etats lors de la Conférence de Rio le 5/6/1992, entrée en vigueur le 29/12/1993.

  • Sources : SNVEL et RFVPFS.

Définition de la biodiversité

La biodiversité est définie officiellement comme « la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, et les complexes écologiques dont ils font partie. Cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, ainsi que celle des écosystèmes » (article 2 de la Convention sur la diversité biologique(3)). Le terme est un néologisme composé à partir des mots biologie et diversité.

L’expression biological diversity a été inventée par Thomas Lovejoy en 1980, tandis que biodiversity a été prononcée pour la première fois en 1985 par Walter G. Rosen, lors de la préparation du National Forum on Biological Diversity, organisé par le National Research Council.

N. D.
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