Le calicivirus peut entraîner un syndrome systémique sévère - La Semaine Vétérinaire n° 1301 du 08/02/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1301 du 08/02/2008

Virologie féline

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

La protection vaccinale contre le calicivirus félin est large, mais pas infaillible, en raison de sa variabilité antigénique.

Les virus à ARN, qui appartiennent à la famille des Caliciviridae et au genre Vesivirus, sont extrêmement labiles en termes génomiques et antigéniques. Cette plasticité concerne notamment les régions immunogènes de la capside et confère un avantage évolutif au virus. La variabilité antigénique, majorée par la pression immunitaire, peut sélectionner des isolats non neutralisés par les vaccins et permettre au virus d’échapper aux défenses immunitaires lors d’infection chronique. Cela explique à la fois la forte prévalence du virus en collectivité en dépit de la vaccination et l’existence de porteurs chroniques. La biodiversité virale est importante dans les grands effectifs où circulent de nombreuses souches à l’origine d’infections successives du même sujet par différents isolats. Elle est également mise en évidence chez les porteurs oropharyngés persistants.

Pour une souche donnée, le tropisme et la virulence in vivo ne sont pas corrélés à ses caractéristiques génomiques ou antigéniques. La virulence d’un isolat ne peut donc être caractérisée in vitro au laboratoire.

Le portage du calicivirus félin est souvent asymptomatique

Au plan épidémiologique, le calicivirus félin est présent dans l’oropharynx (site de portage) de 10 à 20 % des sujets testés, à un instant donné, selon la population. Ainsi, les chats qui vivent en collectivité sont plus souvent infectés (voir schéma). En raison de la résistance du virus dans le milieu extérieur, sa transmission peut avoir lieu par contact direct, mais aussi indirect, notamment dans le cas de souches hypervirulentes.

L’infection est fréquente chez des animaux de tous âges. Elle peut rester asymptomatique ou s’exprimer sur un mode généralement aigu, plus rarement chronique (lors de portage persistant). En 2005, le laboratoire Scanelis a montré que le calicivirus félin pouvait être mis en évidence dans 77 % des prélèvements buccaux réalisés lors de stomatite chronique et dans plus de 95 % des prélèvements effectués chez des chats présentant une atteinte caudale ulcéro-proliférative.

La manifestation clinique de l’infection aiguë est protéiforme

L’infection par un calicivirus félin se manifeste classiquement par un coryza aigu, dont le signe le plus évocateur est la présence d’ulcères, plus facilement identifiés sur la langue (voir photo). Ils dérivent de vésicules qui s’érodent, mais la lésion initiale est rarement mise en évidence.

Chez un animal immunocompétent, le calicivirus félin peut induire une pneumonie lors d’infection expérimentale par aérosol (mais pas par voie oro-nasale, qui est celle de la contamination naturelle). Dans les conditions naturelles, la pneumonie est donc l’apanage de souches particulièrement virulentes ou de sujets immunodéprimés. L’arthrite à calicivirus constitue une forme clinique classique, mais peu fréquente, consécutive à une infection naturelle ou à une vaccination. Des manifestations cutanées (dermatite et pododermatites aiguës) sont décrites. En outre, quelques cas anecdotiques d’ictère et d’avortement sont rapportés, mais le rôle étiologique réel du calicivirus reste incertain.

Le syndrome systémique sévère sévit sous la forme de foyers épizootiques

Certaines souches sont susceptibles d’occasionner un syndrome systémique sévère, décrit pour la première fois aux Etats-Unis par Niels Perdersen. L’école de Toulouse a été le siège d’un foyer épizootique d’infection par une souche hypervirulente de calicivirus en 2005. Depuis, un autre foyer a été identifié en Bretagne. Le syndrome systémique sévère est extrêmement contagieux et sévit sous la forme de foyers épizootiques dans lesquels la mortalité est importante (entre 30 et 60 %). Le tableau clinique est dominé par une forte fièvre, des œdèmes (face et membres) et une dermatite ulcéronécrotique. D’autres symptômes y sont classiquement associés comme une rhinite, un ictère, une dyspnée, des vomissements, des épanchements, une diarrhée, des hémorragies, etc. L’hyperbilirubinémie, l’hypoprotidémie, l’augmentation de la concentration plasmatique en créatine kinase et la lymphopénie sont des signes biologiques évocateurs.

Seules des souches hypervirulentes de calicivirus non neutralisées par les vaccins couramment utilisés ont sans doute été capables d’entraîner de telles épizooties. Jusqu’à présent, aucune infection ne s’est toutefois propagée à l’extérieur de son foyer d’origine.

Ainsi, l’infection aiguë par un calicivirus félin est susceptible d’entraîner un large spectre de manifestations cliniques, depuis l’infection infraclinique aux formes les plus sévères.

Tout chat atteint de stomatite caudale ulcéro-proliférative est porteur de calicivirus

La stomatite caudale ulcéro-proliférative affecte une minorité des chats porteurs oropharyngés persistants du calicivirus félin. Elle est constituée par les sujets à la fois intolérants au virus et incapables de l’éliminer. Cette affection ne peut être reproduite par une inoculation expérimentale. Il s’agit donc d’une maladie polyfactorielle qui fait vraisemblablement intervenir des mécanismes dysimmunitaires locaux au niveau de la muqueuse oropharyngée.

Le diagnostic sérologique est peu intéressant, notamment en raison de la vaccination

Le diagnostic est avant tout clinique. L’isolement du virus est réservé aux études épidémiologiques. En pratique, sa recherche via la RT-PCR (reverse transcriptase-polymerase chain reaction), à partir d’un prélèvement dont le site est guidé par la présentation clinique, est la méthode de choix. La fréquence du portage oropharyngé asymptomatique peut toutefois en limiter la performance diagnostique sur ce type de prélèvement. La sérologie n’a pas d’intérêt diagnostique, notamment en raison de la vaccination. Le diagnostic du syndrome systémique sévère doit être précoce étant donné le risque de contagion rapide.

La maladie atteint des animaux de tout âge et, le cas échéant, de tout statut vaccinal. Le diagnostic se fonde sur l’historique d’exposition, les signes cliniques, les signes biologiques, les lésions et la mortalité. Le diagnostic de certitude d’un foyer de calicivirose nécessite toutefois le recours au séquençage de la portion hypervariable E du gène de la capside virale pour démontrer l’infection de plusieurs sujets par la même souche de calicivirus félin.

En l’absence de traitement spécifique, la prophylaxie sanitaire est cruciale

Il n’existe aucun traitement spécifique. La plupart des formes aiguës guérissent spontanément. Des antipyrétiques et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peuvent être utilisés. Lors de surinfection bactérienne apparente, l’antibiothérapie est indiquée.

En cas de syndrome systémique sévère, le recours à des antalgiques peut se révéler nécessaire. L’emploi de solutés de perfusion cristalloïdes peut aggraver les œdèmes. En revanche, l’administration de solutés colloïdes et la mise en œuvre d’une alimentation entérale assistée peuvent se révéler salvateurs.

Le traitement des formes chroniques est palliatif. Il associe généralement des soins bucco-dentaires et des thérapies immunomodulatrices systémiques ou locales.

La prophylaxie médicale n’apporte qu’une protection relative, puisque les vaccins ne contiennent qu’une ou deux souches virales alors qu’il existe une grande variabilité antigénique. La vaccination prévient les formes aiguës de la maladie classique ou limite l’intensité des signes cliniques. Elle ne prévient pas de l’infection, de l’excrétion et de l’installation de la forme chronique. Des cas de variants pathologiques d’origine vaccinale (vaccins vivants atténués) sont décrits. Ils restent rares, mais sont à prendre en compte dans certains types de collectivité. Il existe des vaccins atténués (Dohycat®, Fort Dodge ; Feligen®, Virbac ; Felocell®, Pfizer) ou inactivés qui peuvent être non adjuvés (Purevax®, Merial) ou adjuvés (Fevaxyn®, Fort Dodge). Purevax® contient des souches différentes de celles présentes dans les autres vaccins et d’isolement relativement récent.

Les souches hypervirulentes restent un problème majeur, car les épizooties décrites jusqu’à présent, en Europe comme aux Etats-Unis, montrent qu’aucun animal vacciné ne semble protégé, quel que soit le vaccin utilisé.

La prophylaxie sanitaire nécessite l’identification et l’isolement des animaux malades ou porteurs, et la désinfection. L’éthanol à 90°, des ammoniums quaternaires ou une solution appropriée d’hypochlorite peuvent être employés. Les souches hypervirulentes sont sensibles à l’eau de Javel diluée à 1/60e après le nettoyage (éventuellement à la vapeur). Un vide sanitaire de quatre semaines est une solution parfois envisageable, notamment si le nettoyage et la désinfection n’ont pu être réalisés dans des conditions optimales. Cependant, l’excrétion virale dure en moyenne six semaines, mais peut perdurer jusqu’à seize semaines après la contamination. La mise en contact de chats guéris avec d’autres chats ne devrait donc être possible qu’après l’obtention de deux résultats négatifs sur des cellules oropharyngées.

Les calicivirus sont ainsi responsables de manifestations polymorphes, avec une prévalence importante des formes aiguës. Les souches hypervirulentes sont à l’origine d’une maladie émergente préoccupante. La vaccination confère une protection large, qui peut être mise en défaut à tout moment, en raison de l’extrême variabilité antigénique du calicivirus félin. La forme chronique impose une prise en charge thérapeutique palliative parfois décevante.

CONFÉRENCIERS

Corine Boucraut-Baralon, laboratoire Scanelis, ENV de Toulouse.

Brice Reynolds, maître de conférences en médecine interne, ENV de Toulouse.

Article rédigé d’après « les caliciviroses félines », conférence présentée lors du congrès de l’Afvac 2006, à Bordeaux.

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