« Le manque de vaccin contre la fièvre aphteuse était source de querelles entre les éleveurs » - La Semaine Vétérinaire n° 1300 du 01/02/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1300 du 01/02/2008

Entretien avec Martial Villemin (L 49), praticien retraité à Delme (Moselle)

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Auteur(s) : Valentine Chamard

La Semaine Vétérinaire : En quoi consistait l’exercice libéral à vos débuts ?

Martial Villemin : Dans les années 50, nous étions seulement une trentaine en Moselle. Certains confrères, parmi les plus âgés, avaient un diplôme allemand, mais cela ne posait de problème à personne. Nous exercions tous en “généralistes”, ce qui signifie que nous traitions toutes les espèces de la ferme.

Les interventions obligatoires (tuberculination et vaccination contre la fièvre aphteuse) nous ont permis de connaître le nombre exact de bovins dans nos clientèles. J’en comptais six mille, répartis dans deux cents exploitations, ce qui ne constituait qu’une clientèle moyenne. Les chevaux étaient nombreux dans les fermes et ce n’est que progressivement, en une décénie, qu’ils ont été remplacés par des tracteurs.

Les chiens et les chats étaient rarement présentés en consultation, sauf par quelques propriétaires urbains ou par des chasseurs enclins à conserver des animaux de valeur, parce que bien dressés.

Depuis cette époque, le nombre des vétérinaires dans notre département n’a cessé de croître (quatre-vingt-dix aujourd’hui).

Contraint de quitter la clientèle pour des raisons médicales après vingt années d’exercice, je suis entré dans les services vétérinaires, au tout nouveau Centre d’études sur la rage de Malzéville, près de Nancy, comme chef du laboratoire de diagnostic expérimental de la rage.

S. V. : Une crise sanitaire vous a-t-elle marqué ?

M. V. : Dans les années 50 à 60, la fièvre aphteuse faisait périodiquement son apparition. Le véritable problème résidait dans l’obtention de vaccins en quantité suffisante. Les listes d’attente s’allongeaient. Nous étions constamment à court et les exploitants venaient sonner à nos portes pour réclamer, parfois avec véhémence. Nous étions souvent accusés de favoriser tel client ou tel village quand nous recevions un peu de vaccin, mais pas assez pour contenter tout le monde. Lorsque les vaccinations contre la fièvre aphteuse sont devenues obligatoires, les difficultés d’approvisionnement ont cessé. Par ailleurs, en 1968, la rage vulpine a fait son apparition dans le nord du département. En tant que conseiller général de Moselle, j’ai proposé que le département prenne à sa charge l’adjonction, par les laboratoires producteurs, d’une valence rage au vaccin anti-aphteux qui était administré chaque année. Cela a entraîné une belle bataille politique. Je suis intervenu une dizaine de fois en un après-midi, en tant que seul vétérinaire de l’assemblée et président de la commission de l’agriculture. J’ai obtenu un vote favorable, malgré la pression du président.

S. V. : En quoi la Seconde Guerre mondiale a-t-elle influencé vos études ?

M. V. : En 1942, le concours d’entrée dans les écoles vétérinaires ne comportait pas d’épreuve orale, le ministère ayant jugé qu’il était difficile, en ces temps troublés, d’exiger des candidats deux déplacements successifs. J’ai donc passé l’écrit, au printemps 42. Fort désappointé, je n’ai pas été reçu. C’est dire mon étonnement lorsque j’ai reçu un télégramme du ministère de l’Agriculture qui me convoquait pour une session spéciale, en 1944 (sans doute mes résultats étaient-ils suffisants pour une admissibilité à l’oral en temps normal). J’étais alors au combat, en Alsace (engagé volontaire comme 2e classe au 4e régiment de tirailleurs sénégalais, devenu le 21e régiment d’infanterie coloniale). J’aurais sans doute pu obtenir une permission mais, me sentant trop peu préparé, j’ai répondu en expliquant les raisons de mon absence, ajoutant mon désir d’être de nouveau convoqué après la fin des hostilités. De retour en France, à la fin du mois de mai 1945, j’ai été invité, en juillet, à me présenter à un oral à Alfort. Je n’avais, bien évidemment, ni le temps ni les moyens de faire la moindre révision. Rentré chez moi dans l’intervalle, il m’est arrivé une aventure amusante. Les gendarmes de Plombières se sont présentés à mon domicile, plutôt aimablement (car ils connaissaient mon parcours grâce à la rumeur publique). Ils étaient chargés d’enquêter sur le jeune Martial Villemin qui ne s’était pas présenté à l’appel de sa classe. En effet, ma classe, la 43, avait été mobilisée en 1945, alors que j’étais déjà engagé, blessé et prisonnier ! Je leur ai présenté les papiers en ma possession et ils ont rédigé leur rapport. Cinquante-six candidats se sont présentés à la session d’oral spécial. Tous étaient en principe des anciens combattants, et beaucoup étaient d’anciens prisonniers de guerre de 1940. Les examinateurs disposaient d’un dossier individuel pour chacun. Comme tout se passait en public, j’ai cru remarquer que la difficulté de la question posée à chaque candidat et des demandes additionnelles semblait un peu dépendre de ce que l’examinateur découvrait dans le dossier militaire qu’il consultait de près.

Si le candidat avait de bons états de service, la question était, semble-t-il, plus simple. Si c’était un farceur, c’était l’inverse !

S. V. : Des anecdotes ont-elles ponctué votre cursus ?

M. V. : La grande grève des éboueurs de Lyon a eu lieu pendant que j’étais à l’école vétérinaire. L’armée a alors été réquisitionnée et nous avons été quelques-uns (des réservistes de la classe 43) à devoir nous rendre au camp de Satonay pour, ensuite, assurer l’enlèvement des ordures.

Nous nous sommes présentés et avons protesté immédiatement, arguant du fait que, contrairement à la plupart des membres de la classe 43, nous avions fait la guerre en tant que volontaires. Sans avoir à beaucoup insister, nous avons obtenu satisfaction et avons été renvoyés à nos études. Ainsi, j’ai bien failli devenir éboueur !

J’ai en outre été rédacteur en chef du mensuel La Rénette, en 1947 et 1948. Il s’agissait de l’organe de liaison des membres du cercle Bourgelat. C’est alors que j’ai ressenti le plaisir d’écrire, qui depuis ne m’a pas lâché. Mais nous étions en grandes difficultés financières et je dois reconnaître que je n’ai pas compris, à l’époque, le profit que nous pouvions tirer de la publicité pharmaceutique des différents laboratoires.

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