LA VACCINATION CONTRE LA BLUE TONGUE SERA MASSIVE - La Semaine Vétérinaire n° 1299 du 25/01/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1299 du 25/01/2008

À la une

Auteur(s) : Michel Bertrou

La conférence européenne sur la stratégie vaccinale contre la fièvre catarrhale ovine, qui a eu lieu le 16 janvier dernier à Bruxelles, a dégagé un large consensus en faveur d’une vaccination de masse. Cette grand-messe a réuni plus de trois cent cinquante experts, venus de toute l’Europe et des pays tiers.

Les vagues des différents sérotypes du virus de la blue tongue qui ont envahi l’Europe ont affecté des zones de forte productivité. Le 16 janvier dernier à Bruxelles, lors de la conférence européenne sur la stratégie vaccinale contre la fièvre catarrhale ovine, Bernard Van Goethem, directeur de la santé animale et du bien-être à la Commission européenne (DG Sanco), a reconnu que l’année passée avait engendré des pertes importantes pour les éleveurs et que la tâche des services vétérinaires consiste à protéger ces derniers.

Les défis à relever sont urgents et de trois ordres. Il faudra limiter l’expression clinique de la maladie et les pertes de productivité qui y sont associées. Avec plus d’efficacité qu’en 2007, il conviendra de confiner la blue tongue aux zones déjà touchées et d’éviter sa propagation aux territoires épargnés. En outre, il faudra rendre possible les échanges d’animaux intracommunautaires ou vers les pays tiers sans contraintes excessives. Le Code sanitaire pour les animaux terrestres de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) considère que la vaccination est la meilleure option pour garantir la sécurité des échanges. Les travaux préalables des groupes de travail réunis par la Commission l’an dernier sont également tombés d’accord sur le fait que la vaccination de masse est le meilleur moyen d’atteindre ce triple objectif, dans la mesure où une couverture d’au moins 80 % est atteinte, a bien précisé Alberto Laddomada (DG Sanco).

La Commission cofinancerait les plans de vaccination cette année

La nécessité de cette vaccination massive ne faisait pas l’unanimité parmi les Etats membres. Il restait à convaincre les plus réticents (les pays du Nord, moins touchés). La conférence organisée par la Commission européenne a été un succès dans la mesure où elle a réuni plus de trois cent cinquante experts, venus de toute l’Europe et des pays tiers, et a permis de dégager un consensus sur ce principe de vaccination de masse en Europe. Dans son allocution inaugurale, Markos Kyprianou, le commissaire européen chargé de la santé, a voulu adresser un encouragement clair en confirmant officiellement que la Commission s’engagerait à cofinancer les campagnes vaccinales des Etats membres à hauteur de 100 % des vaccins et 50 % des coûts de vaccination. Cette disposition est déjà prévue dans le cadre d’une vaccination d’urgence, via le Fonds vétérinaire européen (article 3 de la décision européenne 90/424/CEE). L’annonce de Bruxelles est toutefois à nuancer, car ces aides communautaires seront sujettes à certains plafonds, non précisés, selon les coûts opérationnels annoncés par chaque pays. De plus, le fonds d’urgence ne concerne que la première année (2008), sous réserve que la Commission approuve les plans de vaccination présentés. Ces programmes devront être déposés par les Etats membres avant le 31 janvier prochain et seront examinés à partir du 4 février. Pour le moment, seule l’Allemagne a présenté à Bruxelles son plan de vaccination.

La disponibilité des vaccins suscite des questions, voire des tensions

Declan O’Brien, directeur de la Fédération internationale de santé animale (IFAH-Europe), était le porte-parole de l’industrie lors de cette conférence. Il a tenu à rappeler qu’il est absolument urgent que les pays passent leurs commandes de vacccins, afin que les producteurs puissent fournir les quantités nécessaires en temps voulu. Beaucoup d’Etats membres ne l’ont pas encore fait, or la production industrielle de cent cinquante millions de doses (estimation des besoins pour l’Europe) nécessite entre six et huit mois. Ce problème de disponibilité des vaccins a suscité de nombreuses questions, voire des tensions entre les Etats membres, comme en témoigne la déclaration de Monique Eloit (directrice adjointe de la DGAL) lors des débats : « J’ai cru comprendre qu’il y avait un regret que certains pays soient mieux servis en doses parce qu’ils avaient pris de l’avance sur le marché. J’aimerais rappeler que nous sommes un certain nombre d’Etats membres à ne pas découvrir la fièvre catarrhale ovine cette année. Depuis plusieurs années, nous nous débrouillons seuls pour obtenir des vaccins. Dès septembre 2006, nous avons pris contact avec les instituts producteurs pour voir comment ils pouvaient récupérer la souche du sérotype 8 et commencer à fabriquer le vaccin. »

Des intervenants ont également questionné les membres de la Commission sur l’éventualité d’un appel d’offres européen. « Nous entrerions en concurrence avec les Etats membres, cela prendrait du temps et nous ne serions pas en mesure d’utiliser tout le potentiel de l’industrie pharmaceutique en 2008 », a répondu Bernard Van Goethem. La Commission entend ainsi laisser à chaque pays la responsabilité de son approvisionnement en vaccins. La conférence a permis de rappeler que des vaccins vivants atténués sont proposés et qu’à cet égard la position de Bruxelles est claire : l’utilisation de tous les vaccins disponibles est préférable à la maladie.

L’année 2008 risque d’être expérimentale et les vétérinaires devront se mobiliser

La stratégie vaccinale harmonisée que souhaite la Commission est un subtil équilibre entre une approche commune et la flexibilité suffisante pour que chaque Etat puisse l’adapter à sa situation spécifique. L’ambiguïté de son rôle de chef de file réside alors dans le fait que, pour Bruxelles, la présentation des stratégies vaccinales des pays membres est un préalable à sa prise en main de leur coordination. D’où une déception chez certains participants qui estiment que le manque de grands principes généraux ne permettra pas de définir à temps une approche commune effective.

Les organisations professionnelles européennes(1) étaient associées aux débats et favorables, elles aussi, à la vaccination de masse. Tout en saluant le soutien européen, elles n’en ont pas moins exprimé leurs craintes qu’une coordination insuffisante entre les pays ne perturbe les échanges et ne complique la distribution des vaccins. Elles ont souligné le risque que l’absence d’une perspective claire, à moyen terme, vienne compromettre l’objectif d’éradication de la maladie. La réévaluation de la stratégie vaccinale, souhaitée par Bruxelles début 2009, a en revanche reçu leur adhésion.

Un intervenant a souligné que l’année 2008 risque fort d’être expérimentale. La réserve de la Commission laisse le champ libre aux débats d’opinion sur les grandes options stratégiques : la vaccination contre la fièvre catarrhale ovine doit-elle être obligatoire ou relever d’un choix volontaire de l’éleveur ? Les avis divergent entre les Etats membres et la Commission ne prend pas position. A plusieurs reprises, les organisations professionnelles ont suggéré que les autorités compétentes pourraient envisager de confier aux éleveurs la charge de la vaccination (excepté dans le cas d’échanges où la certification vétérinaire serait nécessaire). Sur ce point litigieux, Bernard Van Goethem a répondu que le cofinancement de la Commission s’inscrit dans un cadre juridique précis, qu’il est conseillé de s’en tenir à ce cadre et de prévoir l’administration des vaccins conformément à l’expérience acquise avec d’autres maladies. Walter Winding, président de la Fédération vétérinaire européenne (FVE), est intervenu pour défendre la vaccination réalisée par les vétérinaires, de même que notre consœur Monique Eloit. Il est à prévoir que les organisations professionnelles d’éleveurs, qui doutent visiblement de la capacité des confrères à mener à bien cette campagne de prophylaxie, n’en resteront pas là. Les vétérinaires vont devoir se mobiliser fermement sur la question et s’organiser efficacement d’ici à mai, dans trois mois à peine…

A l’égard des défis sanitaires qui nous attendent, l’initiative la plus proactive n’est pas communautaire, mais espagnole. L’Espagne a en effet déjà initié une coopération avec les pays du Maghreb. Comme l’a expliqué le chef des services vétérinaires espagnols lors de la conférence, cette coopération étroite leur a permis de planifier leur stratégie pour l’avenir et servira pour programmer la lutte contre d’autres maladies. Un exemple de mesure appropriée dont Bruxelles ferait bien de s’inspirer rapidement.

  • (1) Féderation européenne pour la santé animale et la sécurité sanitaire (Fesass), Comité des organisations professionnelles agricoles et Confédération générale des coopératives agricoles (Copa-Cogeca), Union européenne du commerce du bétail et de la viande (UECBV).

INFORMATION

Le sérotype 8 débarque en Espagne

Un cas positif de fièvre catarrhale de sérotype 8 a été détecté le 15 janvier dernier dans le nord de l’Espagne, en Cantabrie, une région voisine du Pays basque. Une zone de restriction “sérotypes 1-8” a été mise en place.

M. B.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr