La pathogénie de l’uvéite récurrente équine est immunitaire - La Semaine Vétérinaire n° 1299 du 25/01/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1299 du 25/01/2008

Syndrome ophtalmologique

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Isabelle Desjardins-Pesson

Egalement appelée ophtalmie périodique, l’uvéite récurrente est une cause commune de cécité chez le cheval. Environ 8 % des chevaux américains en sont atteints.

Bien que la pathogénie soit clairement de type immunitaire, les causes spécifiques d’uvéite récurrente équine (URE) restent inconnues. Une hypersensibilité à des agents infectieux comme Leptospira interrogans est probable. Une activité auto-immune contre des auto-antigènes rétiniens (protéines) serait aussi une composante du mécanisme. Des races sont par ailleurs génétiquement prédisposées (les apaloosas et les warmbloods).

De nombreux agents pathogènes bactériens (Toxoplasma sp, Brucella sp, Salmonella sp, Streptococcus sp, Escherichia coli, Rhodococcus equi, Borrelia sp), viraux (influenza, virus de l’artérite virale, de l’anémie infectieuse équine, herpès virus de types 1 et 4) et parasitaires (strongles, Onchocerca cervicalis, Halicephalobolus deletrix) ont été impliqués dans des syndromes d’uvéite récurrente, sans forcément être isolés. Par exemple, les microfilaires d’Onchocerca cervicalis peuvent libérer des antigènes qui induisent une uvéite lors de la phase de migration vasculaire ophtalmique. Les infections induites par la leptospirose sont généralement bénignes, autolimitantes et peuvent passer inaperçues. La présence de leptospires vivantes n’est pas nécessaire pour induire une uvéite.

De nombreux chevaux présentent des titres positifs sans manifester de signes cliniques

Les résultats des analyses sérologiques (leptospirose, brucellose, toxoplasmose) peuvent être difficiles à interpréter. En effet, de nombreux chevaux présentent des titres positifs, sans toutefois manifester de signes cliniques ou d’uvéite.

Ainsi, les chevaux séropositifs vis-à-vis de la leptospirose ne présentent pas systématiquement une uvéite. Par ailleurs, outre-Atlantique, les sérovars L. pomona, L. bratislava et L. automnalis sont recherchés lors d’uvéite. Des titres supérieurs à 1/400e sont considérés comme significatifs.

Aux Etats-Unis, tous les apaloosas séropositifs vis-à-vis de L. pomona, 72 % des apaloosas séronégatifs, 51 % des non-apaloosas séropositifs et 34 % des non-apaloosas séronégatifs ont déclaré une cécité d’au moins un œil dans les onze ans qui ont suivi le premier épisode d’uvéite.

Il existe des stades aigus et actifs, d’autres chroniques et inactifs

Durant la phase aiguë de l’infection, l’infiltration lymphocytaire (et, dans une moindre mesure, neutrophilique) de l’uvée crée un œdème et une turbidité du vitré. En outre, l’humeur aqueuse devient trouble en raison de la fibrine et des leucocytes de la chambre antérieure (effet Tyndall). Les lymphocytes et les plasmocytes envahissent les vaisseaux sanguins de l’iris, des corps ciliaires, de la choroïde et de la rétine. La cascade inflammatoire, lorsqu’elle n’est pas résolue, engendre de nombreuses complications chroniques.

Dans les cas chroniques, une vascularisation cornéenne et un œdème cornéen permanent sont visibles, souvent accompagnés d’une dépigmentation ou d’une hyperpigmentation irienne. Des synéchies se forment.

Une cataracte peut apparaître à la suite d’une uvéite, lorsque l’inflammation n’est pas résolue rapidement. De la fibrine se dépose sur la capsule antérieure du cristallin.

L’extension de l’inflammation à la choroïde entraîne une rétinite diffuse ou focale, ainsi qu’un décollement de la rétine. Le fond d’œil révèle des régions dépigmentées de la zone non tapétale. Le nerf optique apparaît congestif.

Le vitré peut devenir trouble en raison de la perte de protéines et de cellules par les vaisseaux rétiniens. Cela engendre parfois sa dégénérescence et sa liquéfaction.

Un glaucome ou un phénomène de phtisis bulbi peuvent apparaître secondairement.

La cécité irréversible est une séquelle fréquente de l’uvéite récurrente équine, induite par le décollement de la rétine et/ou la cataracte secondaire et/ou la choriorétinite sévère.

Les signes cliniques permettent de reconnaître la sévérité et le stade de l’uvéite

La maladie est bilatérale dans 20 % des cas. Lors de phase aiguë initiale ou récidivante, un épiphora, un blépharospasme et une photophobie sont les signes cliniques les plus marquants. Un œdème cornéen, une conjonctivite, une inflammation ciliaire sont initialement présents de façon subtile, mais s’aggravent au fil du temps. Lorsque la maladie progresse, une turbidité de la chambre antérieure, un hyphéma, un dépôt de fibrine intra-oculaire et un hypopyon sont observés. Le myosis est un signe prédominant. Il conduit à une déformation de la pupille et à la formation de synéchies postérieures. Une inflammation sévère de la chambre antérieure de l’œil empêche généralement l’examen du fond d’œil en phase aiguë. La présence de synéchies, de cataracte et de choriorétinite marque la chronicité du processus.

La pression intra-oculaire est généralement basse. Des élévations aiguës intermittentes peuvent être notées.

Le but du traitement est de diminuer l’inflammation et de préserver la vision

Le traitement de la phase aiguë de l’uvéite vise à réduire la douleur, à briser le cercle vicieux inflammatoire et à prévenir la récurrence. Une prévention est difficile, dans la mesure où aucun traitement spécifique n’est disponible. Ce dernier doit être d’emblée agressif. Une fois les signes cliniques en voie d’amélioration, la fréquence d’administration des médicaments doit être réduite lentement. Le traitement dure en général plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Toute interruption brutale entraîne une récidive.

Lors d’uvéite, l’une des premières mesures diagnostiques est la recherche d’ulcères cornéens. En effet, la présence d’une kérato-uvéite ulcérative interdit l’emploi des corticostéroïdes, mais pas celui des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).

Les corticostéroïdes sont appliqués localement ou par injection sous-conjonctivale. La corticothérapie parentérale est à réserver aux cas sévères. Les AINS sont efficaces pour réduire l’inflammation, particulièrement lors d’ulcération cornéenne (flunixine, phénylbutazone). Certains chevaux deviennent réfractaires à un AINS, d’où la nécessité de changer de molécule.

Un immunomodulateur, la ciclosporine A, peut compléter le traitement local.

L’application locale d’atropine induit une mydriase, lève le spasme des muscles ciliaires et empêche donc la formation de synéchies. Elle permet aussi de resserrer les jonctions intercellulaires interendothéliales, réduisant ainsi la fuite plasmatique. Lors d’uvéite, il est fréquent de ne pas parvenir à une mydriase pharmacologique, ou d’y parvenir lentement. Cela traduit un processus sévère actif ou la présence de synéchies irrémédiables. Par ailleurs, la motilité gastro-intestinale doit être surveillée de près, car elle est réduite par l’atropine. Si elle diminue beaucoup, le tropicamide, à la durée d’action plus courte, peut être utilisé.

L’administration locale d’antibiotiques est impérative lors d’uvéite secondaire à un traumatisme oculaire pénétrant ou à un ulcère cornéen. Un traitement parentéral lors de titre positif vis-à-vis de Leptospira sp reste spéculatif. La streptomycine, la pénicilline G et les tétracyclines sont alors adaptées. Ce traitement antibiotique systémique n’affecte en rien la guérison de l’uvéite.

L’injection dans la chambre antérieure de 4 mg de gentamicine (sous anesthésie générale) permet de réduire significativement le nombre de récidives d’uvéites.

Il existe des traitements optionnels de l’uvéite

L’injection d’activateur du plasminogène tissulaire dans la chambre antérieure (en l’absence d’hémorragie récente) permet de dissoudre la fibrine accumulée lors d’iridocyclite sévère.

Un vaccin bovin multivalent contre la leptospirose a par ailleurs été utilisé dans les effectifs de chevaux où une épidémie de leptospirose s’était déclarée. Son efficacité est sujette à controverse.

Un traitement chirurgical peut être ajouté au traitement médical : une vitrectomie permet ainsi de supprimer la fibrine accumulée dans le vitré, de drainer les débris et les cellules inflammatoires et de différer la progression des signes cliniques. Les complications postopératoires éventuelles sont une cataracte et un décollement de la rétine.

Des essais de pose d’un implant de ciclosporine A ont été réalisés récemment. Les résultats sont encourageants. En effet, la fréquence et la sévérité des uvéites sont réduites de 80 % pendant plus de cinq ans.

Lors l’uvéite récurrente équine, dont les cas les plus sévères sont rencontrés chez les apaloosas, le pronostic concernant la préservation de la vision à long terme est généralement faible. Toutefois, la maladie peut être contrôlée. L’éducation du propriétaire concernant le fort taux de récidive et l’urgence de la mise en place du traitement est essentielle.

  • Source : D.E. Brooks : « Equine recurrent uveitis : medical and surgical therapy », conférence présentée lors du congrès de l’Avef, Deauville, octobre 2007.

VOIR AUSSI

• P-F. Isard : « L’uvéite récidivante équine se traite chirurgicalement », La Semaine Vétérinaire n° 1080 du 11/1/2003 en page 14.

• J.-L. Cadoré : « La vision du cheval en pratique clinique », Pratique vétérinaire équine, 2000, vol. 32, n° 126, pp. 43-46.

• J. Zara, A.-M. Desbrosse : « Les uvéites du cheval », Pratique vétérinaire équine, 2000, vol. 32, n° 125, pp. 25-33.

• P-F. Isard : « La vitrectomie postérieure dans la prévention et le traitement des uvéites récidivantes chez les équidés, techniques et résultats », Pratique vétérinaire équine, 2000, vol. 32, n° 125, pp. 35-39.

• A.-M. Desbrosse : « Les infections du segment antérieur chez le cheval, infections oculaires particulières au cheval et traitements », Pratique vétérinaire équine, 2002, vol. 34, n° 133, pp. 19-27.

• A.-M. Desbrosse : « Les infections du segment antérieur chez le cheval, étude générale », Pratique vétérinaire équine, 2002, vol. 34, n° 133, pp. 9-18.

• C. Lemagne, J.-L. Cadoré : « Les kérato-uvéites du cheval », Pratique vétérinaire équine, 2002, vol. 34, n° 136, pp. 43-50.

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