Le pronostic est sombre lors d’histiocytose maligne - La Semaine Vétérinaire n° 1298 du 18/01/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1298 du 18/01/2008

Proliférations histiocytaires canines

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Jonathan Warmon

Bien que non tumorales, les histiocytoses cutanée et systémique, difficiles à traiter, sont de pronostic réservé. Lors d’histiocytose maligne, le diagnostic est souvent tardif.

Le terme d’histiocyte regroupe plusieurs types de cellules qui dérivent de précurseurs hématopoïétiques communs de la moelle osseuse, dont tout particulièrement les cellules de Langerhans, les cellules dendritiques interstitielles et les macrophages (voir tableau). Seules les techniques d’immunomarquage sont capables de différencier les trois types cellulaires, car ils expriment chacun des marqueurs différents. Les cellules de Langerhans et les cellules dendritiques interstitielles appartiennent à la famille des cellules présentatrices d’antigènes. Elles permettent l’initiation de la réponse immunitaire par recrutement et présentation des antigènes dans les territoires profonds. La réponse lymphocytaire T est ensuite stimulée et s’oriente vers la voie cellulaire ou humorale. Les macrophages dérivent des monocytes circulants et interviennent dans la réponse immunitaire innée et dans la réaction inflammatoire par leur capacité de phagocytose et de sécrétion de facteurs proinflammatoires (protéases, complément, cytokines, chimiokines, etc.).

Les proliférations histiocytaires canines sont classifiées

Chez le chien, les désordres histiocytaires constituent un “groupe” de maladies hétérogènes qui comporte des proliférations histiocytaires réactionnelles inflammatoires (histiocytoses cutanée et systémique), dans lesquelles un trouble de la régulation du système immunitaire est suspecté, et des proliférations tumorales (histiocytome bénin, sarcome histiocytaire constituant le type tumoral observé lors d’histiocytose maligne).

L’histiocytome cutané bénin du chien, ou Langerhansome, est une prolifération néoplasique bénigne des cellules de Langerhans. Il se présente sous la forme d’un nodule unique, ou plus rarement multiple, qui régresse le plus souvent spontanément.

Les histiocytoses cutanée et systémique sont des histiocytoses réactionnelles qui proviennent des cellules dendritiques interstitielles. La morphologie microscopique est proche de celle d’une lésion inflammatoire de type granulome. La forme cutanée se caractérise par des lésions simples ou multiples siégeant sur la peau et les tissus sous-cutanés, qui ne s’étendent pas au-delà du nœud lymphatique local. Dans l’histiocytose systémique, les lésions cutanées (et sous-cutanées) sont semblables, mais les muqueuses (nasales et oculaires), les nœuds lymphatiques, ainsi qu’un grand nombre d’organes internes (poumons, organes lymphoïdes) peuvent être atteints également. L’histiocytose maligne est une prolifération tumorale qui peut exprimer deux immunophénotypes différents (cellules dendritiques et macrophages). Elle peut concerner les cellules dendritiques interstitielles. Lorsque ces cellules sont impliquées, l’histiocytose maligne se présente sous la forme d’un “sarcome histiocytaire” localisé, ou sous une forme nodulaire d’emblée disséminée, appelée “histiocytose maligne”. Les macrophages sont aussi concernés par une prolifération tumorale : il s’agit du syndrome hémophagocytaire, beaucoup plus rare que la prolifération dendritique, et qui se présente le plus souvent sous la forme d’une organomégalie (dont la splénomégalie) diffuse.

L’histiocytome cutané bénin du chien est en général une lésion unique

L’histiocytome cutané touche les chiens de toutes races, jeunes le plus souvent. Il se présente comme un nodule isolé, dermique, ferme et bien circonscrit. Sa base est large et une alopécie est généralement observée. La lésion, de petite taille (0,5 à 3 cm), grossit et s’ulcère rapidement. Elle siège surtout sur la tête et les membres. D’autres localisations sont toutefois possibles, de même que des atteintes multiples (voir encadré). La régression spontanée est fréquente en un à trois mois. Une excision chirurgicale est, dans la plupart des cas, curative.

Le traitement de l’histiocytose cutanée ou systémique est aléatoire

Lors d’histiocytose cutanée, les lésions sont dominées par de multiples papules, nodules ou plaques, plus ou moins érythémateuses ou ulcérées, parfois alopéciques, qui prennent parfois une disposition linéaire (suivant les trajets vasculaires). Ces lésions peuvent disparaître spontanément et réapparaître à d’autres endroits. Des ulcères, ainsi que des nécroses extensives lors d’atteinte vasculaire importante, ou parfois des empâtements œdémateux des jonctions cutanéo-muqueuses (gonflement et infiltration de la vulve, par exemple), sont également observés. Une atteinte nasale, avec un aspect dit “en nez de clown”, est décrite pour l’histiocytose cutanée. La topographie lésionnelle cutanée comprend la face, le cou, le périnée, le tronc, le scrotum et les membres.

Dans la forme systémique, les signes cliniques dépendent de l’extension de la maladie : anorexie, amaigrissement marqué, jetage purulent, cornage, conjonctivite avec chémosis, œdème cornéen sont souvent constatés. Les bouviers bernois mâles d’âge moyen (deux à huit ans) sont largement prédisposés à la forme réactionnelle systémique de l’histiocytose.

Bien que réactionnelles et non tumorales, les histiocytoses cutanée et systémique ne bénéficient que d’un pronostic réservé. Initialement, des traitements expérimentaux par de la thymosine (extrait de thymus bovins) ont été testés, sans résultats convaincants. Leurs visées étaient immunorégulatrices.

De manière plus “rationnelle”, des corticothérapies à doses immunosuppressives ont été prescrites et sont efficaces (rémission dans 10 % des cas environ), essentiellement pour les formes strictement cutanées. Néanmoins, ces dernières évoluent fréquemment, avec des rémissions spontanées suivies d’épisodes ultérieurs de réapparition. Une étude récente(1) fait état d’un effet intéressant, pour la forme cutanée, d’un traitement associant tétracycline et niacinamide. De la même façon, des traitements à base de cyclosporine A ou de léflunomide (également à visée immunosuppressive, avec inhibition de l’activation des lymphocytes T) sont décrits comme efficaces, à la fois pour les formes cutanées et systémiques. Mais leur prix et leurs effets secondaires, vu que le traitement de la forme systémique doit être prolongé à vie, sont souvent rédhibitoires.

Lors d’histiocytose maligne, la lomustine offre une médiane de survie de 3,5 mois

L’histiocytose maligne concerne les animaux âgés de cinq à huit ans en moyenne. Une prédisposition raciale est démontrée chez le bouvier bernois (25 % des chiens), le rottweiler, le golden retriever, le flat coat retriever. La présentation clinique est fruste, par conséquent le diagnostic est souvent tardif. Une altération de l’état général (anorexie, apathie, fièvre, amaigrissement, muqueuses pâles) est souvent le seul signe d’appel. Une toux, une dyspnée (lors d’atteinte pulmonaire), la découverte d’une masse abdominale (rate, foie) ou d’une adénomégalie, parfois une boiterie (lors d’envahissement des os ou des tissus péri-osseux) constituent les autres motifs de consultation, d’où l’importance de l’anatomopathologie dans le diagnostic de la maladie. L’hématologie révèle souvent une anémie et une thrombocytopénie. La biochimie sanguine présente des modifications variables selon l’organe atteint. Les localisations préférentielles des lésions sont les poumons, le médiastin, la rate, les nœuds lymphatiques et le foie.

L’histiocytose maligne est le plus souvent diagnostiquée au stade du cancer généralisé et son pronostic est sombre, avec une survie moyenne inférieure à deux mois. Différentes chimiothérapies sont décrites, sans avoir démontré une réelle efficacité (prednisolone, prednisolone et melphalan, prednisolone et cyclophosphamide, cyclophosphamide et doxorubicine et vincristine, cyclophosphamide et doxorubicine et vincristine et prednisolone). Aucune amélioration n’est rapportée (au mieux une stabilisation, le plus souvent une aggravation). Un traitement à base de lomustine (60 à 80 mg/m2 per os pendant trois à quatre semaines) pourrait présenter de meilleurs résultats en l’absence de facteurs pronostiques aggravants (thrombocytopénie, hypoalbuminémie), avec une médiane de survie de trois mois et demi.

La radiothérapie présente peu d’intérêt. Dans l’étude de Shaiken et ses collègues (1991), après le traitement, la régression ne concerne qu’un seul chien ; pour tous les autres, soit la masse a augmenté, soit elle est apparue dans d’autres localisations.

Il n’existe donc pas de traitement curatif connu à ce jour. Un traitement palliatif est possible, fondé sur une thérapeutique symptomatique. Lors d’hypoprotéinémie, par exemple, des transfusions sanguines, plasmatiques ou aux dextrans sont mises en œuvre. Un cas particulier est représenté par “le sarcome histiocytaire de forme localisée”, qui se présente comme une masse de localisation le plus souvent sous-cutanée (en particulier en région péri-articulaire), mal délimitée, infiltrant les tissus adjacents. Cette tumeur est d’agressivité locale forte, à l’image du fibrosarcome du chat, et présente de surcroît une aptitude métastatique non négligeable. Un meilleur pronostic sera obtenu par l’excision chirurgicale précoce ou l’amputation du membre si la lésion l’encercle et compromet sa viabilité.

Des études sont en cours pour établir des tests de diagnostic et de dépistage

S’intéresser à ces proliférations histiocytaires chez le chien présente un double intérêt. Tout d’abord, d’un point de vue vétérinaire, la gravité clinique de l’histiocytose maligne, associée aux possibilités thérapeutiques limitées, renforce l’importance d’un diagnostic précoce, voire d’un dépistage, que des études génétiques conduites dans l’espèce canine pourraient permettre. Chez l’homme, des désordres histiocytaires sont également rencontrés, mais sont des maladies rares : l’histiocytose langerhansienne, qui affecte préférentiellement les jeunes enfants, présente des analogies cliniques avec les histiocytoses réactionnelles du chien, et les formes graves présentent des similitudes avec l’histiocytose maligne. Les connaissances obtenues chez le chien pourraient ainsi servir la médecine humaine. L’objectif de ces études est de rechercher les gènes (et leurs mutations) à l’origine de l’histiocytose maligne du chien. A cet effet, Catherine André et notre confrère Benoît Hédan (laboratoire de génétique et développement du CNRS de Rennes) ont constitué un groupe de travail avec Patrick Devauchelle et Cécile Soyer (vétérinaires cancérologues à Maisons-Alfort), Jérôme Abadie (maître de conférences à l’ENV de Nantes) et le club de race du bouvier bernois, en partenariat avec les cliniciens et les anatomopathologistes (voir encadré ci-contre). Ces recherches auront deux applications immédiates : la mise au point de tests génétiques de diagnostic et de dépistage vétérinaires, ainsi que le transfert de connaissance à la pathologie comparée humaine.

  • (1) Brian S. Palmeiro et coll. : « Cutaneous reactive histiocytosis in dogs : a retrospective evaluation of 32 cases », Veterinary Dermatology, octobre 2007, vol. 18, n° 5, pp. 332-340.

  • (2) Echantillons à expédier au Laboratoire de génétique et développement, UMR 6061 CNRS, faculté de médecine, 2 avenue du Pr Léon-Bernard, 35043 Rennes Cedex (tél. : 02 23 23 45 09, fax : 02 23 23 44 78, e-mail : catherine.andre@univ-rennes1.fr ou benoit.hedan@univ-rennes1.fr). Pour en savoir plus : www-recomgen.univ-rennes1.fr/doggy.html

Histiocytomes bénins multiples

Des cas d’histiocytomes multiples sont recensés, chez le shar-peï notamment. Dans ce cas, la confusion avec l’histiocytose réactionnelle cutanée, qui nécessite souvent une corticothérapie, est possible. Une régression retardée est fréquente (parfois plus de dix mois). Dans une telle situation, les nodules ulcérés sont réséqués, les autres disparaîtront seuls.

Jonathan Warmon

Echantillons pour la recherche

Le groupe de travail sur l’étude génétique de l’histiocytose maligne du chien peut être aidé par les praticiens. Il a besoin :

• De l’identification précise de l’animal (pedigree et numéro d’identification).

• De prélèvements sanguins de sujets sains et atteints d’histiocytose maligne :

- 5 ml sur tube EDTA (bouchon mauve), à bien mélanger par retournement pour éviter la coagulation du sang (il est en outre utile de prélever des bouviers bernois âgés indemnes d’histiocytose, qui pourront servir de témoins) ;

- indiquer sur le tube le nom et la race du chien ;

- placer immédiatement le prélèvement effectué à 4 °C.

• D’échantillons de tissus tumoral et normal prélevés lors d’exérèse, de biopsie ou rapidement après le décès de l’animal (dans les quinze minutes) et placés dans deux tubes séparés :

- le prélèvement de tissu tumoral (rate, foie, poumon, etc., et/ou un nœud lymphatique atteint) est à couper en deux petits fragments, l’un (< 0,5 cm3) dans un tube contenant la solution de prélèvement ARN (à demander au CNRS) et l’autre dans un tube ou flacon contenant du formol, comme pour les analyses histologiques classiques ;

- le prélèvement de tissu sain (même organe mais sain, c’est-à-dire à distance de la tumeur) est aussi à partager entre le tube contenant la solution pour le prélèvement ARN et celui avec le formol.

Le volume des tissus doit correspondre à 1/10e du volume de la solution. Chaque tube est identifié (type de prélèvement, nom du chien, date) et placé immédiatement à 4 °C. Les prélèvements effectués sont à envoyer(2) rapidement par courrier postal (Colissimo ou Distingo à température ambiante).

J. W.

CONFÉRENCIERS

Jérôme Abadie, maître de conférences en anatomiepathologie, ENV de Nantes.

Cécile Soyer, chargée de consultation en cancérologie à l’ENV d’Alfort.

Catherine André, Laboratoire de génétique et développement du CNRS de Rennes.

Article tiré de la conférence « L'histiocytose maligne chez le chien : un pronostic toujours très sombre », organisée par l’Afvac Est à Vittel, le 20 septembre 2007.

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