Le formol, étiqueté « cancérogène suspecté », serait en fait un cancérogène de catégorie 1

Le formaldéhyde (ou aldéhyde formique, méthanal, oxyde de méthylène, oxométhane) est un gaz incolore, dont l’odeur est âcre et suffocante à température ambiante. Le seuil minimal de perception de cette odeur caractéristique est de 0,5 ppm (partie par million). Elle est détectée par la plupart des personnes à 1 ppm.

Le formol (ou formalines) est le nom donné aux solutions aqueuses qui contiennent 30 à 55 % en poids de formaldéhyde et, afin d’empêcher la polymérisation des solutions concentrées, de 0,5 à 15 % de méthanol. Des formes solides (trimères : trioxane, ou polymères : para-formaldéhyde) sont aussi disponibles.

Les applications industrielles sont nombreuses : fabrication de résines et de produits cosmétiques, intermédiaire de synthèse de nombreuses substances chimiques, biocide, agent stabilisateur (ensilages), fixateur de tissus, fabrication de produits de dentisterie, inhibiteur de corrosion, agent réducteur, désinfection, etc. Une étude européenne⁽¹⁾ estime entre seize et vingt-cinq millions le nombre de travailleurs confrontés à ces substances dans le monde. Une autre étude de l’Institut national de veille sanitaire (InVS) évalue à trois cent mille le nombre de personnes exposées en France⁽²⁾.

Les sphères ORL, respiratoire, cutanée et oculaire sont les plus exposées

L’inhalation du formaldéhyde est la principale voie d’exposition. Le danger majeur est, à long terme, le risque cancérogène. Mais nombre d’autres effets sont également recensés : dermatites irritatives de la peau (urticaire, eczéma, etc.), rhinite allergique, polypes de la sphère ORL, anosmie, ulcérations de la cloison nasale, asthme, conjonctivites, céphalées, asthénie, troubles de la mémoire, de l’humeur et du sommeil. Depuis septembre 2004, date de la réévaluation de ses effets, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), qui fait partie de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé le formaldéhyde dans la catégorie 1 des agents cancérogènes pour l’homme. Cette catégorie rassemble les substances dont « suffisamment d’éléments sont disponibles pour établir l’existence d’une relation de cause à effet entre l’exposition de l’homme à de telles substances et l’apparition d’un cancer ». Il s’agit de la catégorie des produits les plus à risque. La catégorie 2 rassemble ceux dont « suffisamment d’éléments permettent de justifier la forte présomption selon laquelle l’exposition de l’homme à de telles substances provoque un cancer ». Cette supposition est généralement fondée sur des études à long terme chez l’animal et/ou sur d’autres informations appropriées. Les substances préoccupantes pour l’homme en raison d’effets cancérogènes possibles, mais pour lesquelles les informations disponibles ne permettent pas une évaluation suffisante (preuves insuffisantes), font partie de la catégorie 3.

Les risques cancérogènes du formol, selon la nouvelle évaluation du Circ, sont le cancer du rhinopharynx (association démontrée), le cancer des fosses nasales et des sinus (indications limitées), la leucémie (indications fortes, mais non suffisantes).

Cet avis strictement scientifique devra encore être transposé réglementairement dans chaque pays pour une meilleure prévention des risques. Pour le moment, en Europe, selon la directive 67/548/CEE, le formol reste « cancérogène de catégorie 3 » et la révision de ce classement toxicologique est toujours en discussion.

La France impose protection et surveillance médicale des travailleurs exposés

En France, les travaux et les pratiques professionnelles exposant au formol ont été ajoutés à la liste des procédés cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (arrêté du 13 juillet 2006 qui modifie celui du 5 janvier 1993). Ces procédés sont soumis à l’application d’une réglementation renforcée (décret CMR 2001-97) dont les dispositions figurent aux articles R. 231-56 à R. 231-56-12 du Code du travail.

En pratique, cela se traduit par un certain nombre de points à respecter, comme la formation et l’information obligatoires des salariés (notice lisible et disponible, consignes d’utilisation des équipements individuels, etc.), la mise à jour d’une fiche individuelle d’exposition aux risques, une visite médicale préalable, un suivi postexposition et des contrôles atmosphériques réguliers si l’enceinte de travail est close.

Les valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) sont les seuils de concentration d’un agent chimique dangereux dans l’air que peut respirer une personne pendant un temps déterminé sans risque d’altération de sa santé. Aucune atteinte organique ou fonctionnelle de caractère irréversible ou prolongée n’est raisonnablement prévisible à ce niveau d’exposition. La valeur est exprimée généralement en volume (ppm) ou en poids (mg/m³), selon l’article R. 231-54-1 du Code du travail.

Deux VLEP existent :

- la valeur limite d’exposition à court terme (VLCT) qui s’applique pour des périodes ne pouvant dépasser quinze minutes ;

- la valeur moyenne d’exposition (VME) qui est une moyenne pondérée sur huit heures. Elle peut être dépassée instantanément, sous réserve qu’elle n’aille pas au-delà de la VLCT, lorsque celle-ci existe.

En France, ces seuils sont de 1 ppm (soit 1,23 mg/m³) pour la VLCT sur quinze minutes et de 0,5 ppm pour la VME sur huit heures.

Des produits à utiliser en vase clos ou avec l’équipement complet de protection

Dans les établissements de soins et les milieux de l’élevage, trois types d’utilisation du formaldéhyde et du formol sont distingués (^{voir tableau}).

Si la substitution par un autre produit est impossible, le produit est à utiliser en vase clos suivi par une aspiration, ou bien avec un équipement complet de protection qui comprend des lunettes, une visière, des vêtements adaptés, des gants en caoutchouc (butyle, nitrile ou laminé de polyéthylène) et un masque respiratoire avec un filtre de type B (éventuellement combiné à un filtre anti-aérosol de type P3 si la solution est pulvérisée).

Le fait que le formaldéhyde soit facilement détectable à l’odorat, dès 0,5 ppm, constitue en principe un facteur de sécurité par rapport à d’autres désinfectants inodores, mais néanmoins toxiques, et par rapport aux limites admissibles dans l’enceinte de travail, si le personnel respecte les consignes de port des masques de protection dès la perception de cette odeur. En outre, il existe de nombreuses autres sources d’exposition environnementales (gaz d’échappement des véhicules à moteur, fumée de tabac, etc.).

• (1) http://www.ttl.fi/Internet/English/Organization/Collaboration/Carex/

• (2) http://www.invs.sante.fr/publications/2007/expo_pro_ formaldehyde/expo_pro_formaldehyde.pdf