Un chiot est opéré pour une déformation des grassets - La Semaine Vétérinaire n° 1297 du 11/01/2008
La Semaine Vétérinaire n° 1297 du 11/01/2008

Cas clinique d’orthopédie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Jean-François Bardet

Fonctions : praticien à Neuilly (Hauts-de-Seine)

Un dogue allemand de huit mois est présenté pour une suppression d’appui des membres postérieurs. Une double ostéotomie est pratiquée sur les deux membres avec succès.

Malgré le potentiel de compensation remarquable que possèdent les animaux, il existe un point au-delà duquel la marche est considérablement affectée lorsqu’un os est atteint d’une déformation. Outre des troubles de la démarche, les déformations rotationnelles et angulaires engendrent des stress considérables sur les articulations adjacentes, ce qui, avec le temps, peut occasionner de l’arthrose. Ces anomalies sont le plus souvent associées à des fermetures prématurées des plaques de croissance des os longs ou à une altération de la cicatrisation des fractures en position anormale. Presque toutes les déformations peuvent être corrigées chirurgicalement. Cet article présente un cas complexe de déformation bilatérale des grassets chez un dogue allemand mâle âgé de huit mois et pesant 70 kg, présenté en consultation pour une incapacité à marcher seul sur les membres postérieurs. Le chien s’appuie principalement sur ses deux antérieurs et est incapable de se tenir sur son arrière-train, si ce n’est accroupi, avec une rotation externe des grassets. L’examen du grasset gauche, le plus déformé, met en évidence une rotule déviée latéralement, alors que les condyles fémoraux apparaissent sur la face latérale du grasset. La rotule n’est pas luxée. L’observation du grasset droit montre les mêmes anomalies, à l’exception de l’alignement de la rotule qui n’est pas déviée latéralement (voir photo 1). Les radiographies des hanches révèlent une dysplasie coxo-fémorale modérée, plus sévère du côté gauche, avec un coxa-valga sévère. Des déformations complexes du grasset sont visibles sur les clichés. La vue crânio-caudale (voir photo 2) fait apparaître une rotation externe du fémur distal et un trouble de croissance du tibia proximal (fermeture prématurée de la partie latérale de la plaque de croissance). La rotule est déviée latéralement. Par ailleurs, la déviation de l’axe du tibia proximal, associée à un tibia varus, engendre une déviation latérale de l’extrémité. La vue médio-latérale du grasset apparaît encore plus déformée (voir photo 3). Le plateau tibial présente une pente excessive (60°) et les condyles fémoraux ne sont pas superposés. La fibula, qui est normalement superposée à la partie caudale du tibia, apparaît nettement, comme dans une vue crânio-caudale.

Une double ostéotomie est pratiquée pour rétablir l’anatomie normale du grasset

En raison de l’état clinique et des vues radiographiques, une stratégie opératoire est envisagée. Elle est réalisée en deux interventions successives, à trois mois d’intervalle. Le grasset gauche est opéré en premier, afin de corriger la rotation latérale du fémur distal et l’anomalie de la pente tibiale, qui forme un angle de 60°. La seule ostéotomie de nivellement du plateau tibial selon les techniques de Slocum ne suffit pas dans le cas de pentes tibiales excessives, de plus de 35°. Une ostéotomie en coin doit être réalisée sous l’ostéotomie circulaire de Slocum.

L’intervention concerne dans un premier temps le fémur distal (voie d’abord latérale). La photo 4 témoigne de la rotation latérale du fémur et de l’angulation du fémur distal. Une ostéotomie distale est pratiquée, avec une dérotation de 40° et une exérèse d’un coin médial qui permet d’aligner le fémur distal.

Une fois l’axe du fémur distal corrigé, une ostéotomie de nivellement du plateau tibial est associée à une ostéotomie en coin crâniale, ce qui permet de réorienter le tibia proximal (voir photo 5 en page 28). Du fait de la double ostéotomie correctrice nécessaire au réalignement à 5° de la pente tibiale, deux plaques sont utilisées (une première d’ostéotomie tibiale de Slocum et une seconde plaque DCP pour vis de 3,5 mm à six trous), ainsi que deux broches en croix. Les voies d’abord sont ensuite suturées.

Les suites postopératoires sont simples en termes chirurgicaux, mais plus difficiles pour les propriétaires en raison du poids de l’animal et de l’impossibilité de marche en phase préopératoire.

Le chien est présenté à la clinique six semaines après la première intervention. Il peut alors se déplacer avec son membre postérieur gauche bien aligné. A l’issue de douze semaines, il revient pour la correction de la déformation du membre postérieur droit (voir photo 1). Les radiographies postopératoires à trois mois témoignent d’une bonne cicatrisation osseuse malgré le débricolage partiel des ostéotomies tibiales, sans conséquence clinique (voir photos 6 et 7). Une ostéotomie tibiale proximale du plateau tibial associée à l’ostéotomie en coin crâniale du tibia proximal permet de réaligner le deuxième membre de façon identique au premier (voir photo 8).

Associer le traitement chirurgical d’une luxation rotulienne à une ostéotomie

Les anomalies ostéo-articulaires classiquement reconnues pendant la croissance sont celles du radius, du cubitus, du coude et des hanches (dysplasie pour ces deux articulations). Les déformations du tibia distal sont rares (pes varus). Celles du grasset sont associées à des luxations rotuliennes la plupart du temps. Certaines d’entre elles nécessitent la correction de l’axe du fémur distal. Les ostéotomies correctrices sont actuellement reconnues comme l’un des facteurs d’amélioration du pronostic du traitement chirurgical des luxations rotuliennes pour les stades sévères de type IV.

Plusieurs sortes de déformations du grasset associées à des symptômes différents sont aujourd’hui reconnues. Le cas classique est celle avec les membres postérieurs en “cow boy”, associée à une fermeture de la plaque de croissance médiale proximale du tibia, ce qui engendre un varus du tibia proximal. La deuxième la plus souvent rencontrée est généralement liée à certaines luxations rotuliennes, avec une déformation du fémur distal en varus ou en valgus chez les chiens de race de grande taille. Les déformations rotationnelles du fémur distal, qui constituent la troisième catégorie, sont moins faciles à reconnaître en raison de la difficulté de mesure des angles. Dans ce cas, le scanner peut être utilisé afin de déceler les lésions en phase préopératoire. L’identification de la quatrième catégorie est plus récente. Elle date de la description de l’inclinaison de la pente tibiale par Slocum et de l’ostéotomie correctrice du nivellement du plateau tibial pour la correction des déchirures du ligament croisé. Cette anomalie de la pente tibiale peut être observée chez les jeunes chiens et engendrer, lorsqu’elle est excessive comme dans ce cas clinique, une déchirure du ligament croisé. Toutes ces lésions peuvent être combinées à des déformations beaucoup plus complexes, comme chez ce dogue allemand.

L’invalidité fonctionnelle majeure chez le chiot décrit est associée à l’importance des déformations fémorales et tibiales qui ne peuvent être corrigées qu’après une analyse préopératoire détaillée, réalisée à partir de l’examen clinique et des radiographies. La stratégie opératoire est déterminée selon les anomalies angulaires du fémur distal et du tibia proximal. Les troubles rotationnels sont à corriger de façon simultanée. Heureusement, les déformations des articulations pendant la croissance ne sont pas toujours aussi importantes et complexes. Toutefois, même quand elles sont plus simples, une correction est souvent nécessaire. Le pronostic en est d’autant meilleur.

BIBLIOGRAPHIE

  • • J. Tomlinson : « Femoral corrections : closing wedge with a plate », proceedings du congrès de l’American College of Veterinary Surgeons, Chicago, octobre 2007, pp. 296-297.
  • • M.B. Talaat, M.P. Kowaleski et coll. : « Combination tibial plateau leveling osteotomy and cranial closing wedge osteotomy of the tibia for treatment of cranial cruciate ligament deficient stifle with excessive tibial plateau slope », Vet. Surg., 2006, n° 35, pp. 729-739.
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