Gérer la peur des clients
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Auteur(s) : Gil Wittke
Vous êtes sûr, docteur, que Clochette ne va pas avoir mal ?
— J’en suis certain, oui, madame Tarpon. Vous n’avez rien à craindre. Nous lui faisons une petite piqûre, nous l’intubons pour qu’elle soit bien anesthésiée et de toute façon, en fin de chirurgie, elle recevra un bon anti-inflammatoire pour la douleur.
— Vous lui faites quoi ?
— Ben… tout ce qu’il faut pour qu’elle n’ait pas mal. C’est ce que vous me demandiez, non ?
— Mais pourquoi vous l’entubez ? Qu’est-ce que vous allez lui faire ?
— Pas entuber, intuber. Je vais juste lui passer une sonde dans la trachée, rassurez-vous.
— Vous lui mettez quoi dans la trachée ?
— Oui, mais enfin madame Tarpon, puisque je vous dis que tout va bien se passer.
— Je veux bien vous croire, docteur.
— Allez, au revoir madame Tarpon. »
Dès sa première phrase, Aymeric a ruiné tout espoir de clore la discussion rapidement et surtout de rassurer madame Tarpon, qui est une personne inquiète. Face à ce type de clients, le premier réflexe est d’expliquer par le menu ce qui va se passer. En fait, avec les termes de « piqûre », « intuber », « anesthésiée », « chirurgie », « trachée » et « anti-inflammatoire », madame Tarpon a de quoi imaginer son animal déjà dans un cercueil. Et comme Aymeric insiste pour la tranquilliser (« rassurez-vous »), celle-ci est de plus en plus inquiète. Par chance, elle l’exprime, ce dont Aymeric se rend compte et s’agace. Cette irritation, qui monte en lui parce que sa cliente ne répond pas à ses messages bienveillants et semble revenir sur chaque point de sa démonstration, aurait dû l’alerter sur le fait que la situation n’était pas normale.
L’inquiétude est un sentiment proche de la peur. Les sentiments (amour, haine, frustration, déprime, etc.) sont des sensations complexes, construites à partir d’une des six émotions de base (joie, peur, colère, dégoût, tristesse, surprise) à laquelle s’ajoutent des pensées et des réflexions. Derrière cette inquiétude de madame Tarpon, il y a donc une peur dont l’origine est variable et pas nécessaire à connaître (un antécédent, un attachement fort, une personnalité anxieuse dès que la situation échappe à son contrôle, etc.).
Face à une personnalité inquiète, nous vivons d’abord un cuisant échec de communication : la discussion tend à s’éterniser, le client réclame toujours plus d’explications et ne semble pourtant pas les comprendre (« mais pourquoi vous l’entubez ? »). Ses questions (« et vous êtes sûr que… », « et pourquoi ? »), ainsi que ses réflexions, amènent à penser qu’il doute de nos compétences (« je veux bien vous croire, docteur »). Car, par définition, la personne inquiète veut être rassurée… Il est pourtant extrêmement difficile de l’aider. Et le moindre mot trop scientifique agit comme l’huile sur le feu, en provoquant un regain d’inquiétude. La frustration de ne pas se faire comprendre doit donc immédiatement conduire, dans une deuxième étape, à revenir à l’écoute active avec une question fondamentale et fort simple : « Madame Tarpon, que voulez-vous savoir ? Expliquez-moi, je vous écoute. » Ensuite, après avoir laissé le client exprimer librement et sans l’interrompre ses craintes (en les reformulant pour clarifier), les réponses seront simples, précises, courtes et adaptées : « Nous nous occupons de tout », « nous prenons en charge la douleur de Clochette avec un médicament très efficace », « Clochette va dormir, ce qui va nous permettre de lui nettoyer complètement les dents ». En outre, il convient de valider la compréhension(« vous ai-je répondu ? »), avant de boucler la conversation avec des paroles rassurantes (« nous faisons le maximum pour Clochette », « Clochette est entre de bonnes mains ») et en évitant les formules négatives comme « vous n’avez rien à craindre » ou « ne vous inquiétez pas » et les injonctions du type « rassurez-vous » (je le veux !).
Il subsiste une dernière hypothèse sur l’origine de cette inquiétude, que tout soignant devrait faire sienne : le jargon médical est par lui-même anxiogène. Et il reste alors une piste à explorer : sommes-nous prêts à lâcher une partie de notre pouvoir pour transmettre notre savoir simplement et efficacement aux clients ?
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