Le devoir de conseil du professionnel libéral est assorti d’un champ d’application flou - La Semaine Vétérinaire n° 1295 du 21/12/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1295 du 21/12/2007

Obligations juridiques

Gestion

ENTREPRENDRE

Auteur(s) : Michel Ravelet

La notion “consumériste” que prend la jurisprudence doit pousser le praticien à la prudence. Ainsi, à côté de la prestation vétérinaire, le conseil devient une obligation juridique. Il n’y a plus une seule profession libérale qui soit à l’abri d’une mauvaise surprise, non pas parce que sa prestation aura été mauvaise, mais simplement parce que le professionnel n’aura pas donné le bon conseil.

L’étendue du devoir de conseil a un contour imprécis

Jusqu’à présent, les vétérinaires ont été beaucoup moins confrontés, sur un plan judiciaire, au devoir de conseil que les professions juridiques ou les médecins. Ces derniers doivent désormais informer leurs patients de tous les risques encourus face à un traitement, y compris les plus exceptionnels. Il semble inévitable que la profession vétérinaire sera confrontée un jour à cette même exigence, avec le difficile problème de la preuve. Les chirurgiens et les anesthésistes, de leur côté, font signer un document détaillé à chaque patient qui reconnaît ainsi avoir été conseillé dans le détail sur tout et (presque) n’importe quoi.

Des notaires ont par ailleurs été condamnés pour ne pas avoir conseillé fiscalement des clients qui venaient les consulter pour des opérations de tout autre nature ! Les magistrats, sous la poussée des procédures engagées par les particuliers, partent du postulat que le client ne sait rien et donc que le professionnel, le sachant, doit certes exécuter la prestation et l’acte techniques nécessaires, mais aller au-delà. L’ennui, c’est que l’étendue du devoir de conseil a un contour très flou. L’exemple du fabricant de fours à micro-ondes condamné aux Etats-Unis pour ne pas avoir inscrit sur sa notice que l’appareil ne doit pas servir à sécher un chien mouillé est plutôt comique. Pourtant, de nombreuses décisions de justice en France ne sont pas loin de transposer cet exemple, à ceci près que les dommages-intérêts accordés de part et d’autre de l’Atlantique n’ont rien à voir.

Le professionnel doit anticiper et voir bien au-delà de son acte technique

Sur le terrain, l’évolution jurisprudentielle, qui défend le pot de terre (le client) contre le pot de fer (le professionnel), doit inciter le vétérinaire à voir bien au-delà de son intervention. Il faut en quelque sorte anticiper, et prévoir la bêtise que va faire l’éleveur ou le propriétaire de l’animal, ou la question qu’il ne va pas poser. Car face à une demande d’indemnisation fondée sur un défaut de conseil, la défense est assez complexe. Le seul fait que le client n’ait pas exprimé une demande ou une interrogation n’est nullement disculpant, puisqu’il est présumé ne pas savoir. Or comme le champ d’application de ce devoir est flou, le juge, confronté à un litige, peut l’élargir de façon importante.

Par ailleurs, la jurisprudence a longtemps fait la différence, face à une action contentieuse, entre le plaignant professionnel (par exemple l’éleveur) et le simple particulier (le possesseur d’un chien ou d’un cheval). Le premier est présumé avoir des connaissances plus étendues que le second. Les exigences du devoir de conseil du praticien sont donc d’autant plus lourdes que le client est présumé néophyte. Cette distinction n’a pas totalement disparu, mais elle s’est fortement atténuée (voir encadré). D’autant qu’avec la multiplication des assurances de protection juridique, le client n’hésite plus à chercher un responsable à chaque problème, surtout s’il n’a pas à assumer les frais d’un contentieux. Cette situation doit pousser le vétérinaire à disposer lui-même d’un solide contrat d’assurance et à veiller à ce qu’il couvre l’éventuel défaut de conseil…

Un exemple édifiant

L’affaire est exemplaire de l’extension de la notion de devoir de conseil. Un éleveur de lapins se fournit, sur ordonnance du vétérinaire conseil, en aliments médicamenteux auprès d’un fabricant. Au sevrage, de nombreux lapereaux décèdent de coccidiose. Arguant du fait que ces aliments ne contiennent pas d’anticoccidien, l‘éleveur engage une procédure en indemnisation. La Cour de cassation(1) va condamner le fabricant non pas pour la mauvaise qualité de son produit, mais pour « avoir manqué à son obligation d’information et de conseil en proposant un programme d’alimentation ». Et surtout, l’arrêt ajoute que « le vétérinaire conseil n’avait pas visité l’élevage et ne s’était pas autrement enquis de ses besoins spécifiques ». Même s’il est raisonnable de penser qu’un éleveur professionnel est parfaitement informé des risques encourus par son élevage, cet arrêt prouve bien que le client peut faire preuve de négligence et ensuite se retourner avec succès contre le professionnel.

M.R.
  • (1) 1 civ. 12/7/2007 ° 05-13704.

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