La consommation recouvre un niveau proche de celui d’avant la crise à l’issue d’un an environ - La Semaine Vétérinaire n° 1294 du 14/12/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1294 du 14/12/2007

Crises sanitaires et filières “viande”

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Nathalie Devos

Les effets à court terme de la grippe aviaire ont été plus modérés que ceux des crises qui ont affecté les viandes bovines (ESB) et ovines (fièvre aphteuse), notamment en raison de la spécificité de cette filière.

Encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) en 1996 et 2000, fièvre aphteuse en 2001, grippe aviaire fin 2005… Les filières “viande” ont été perturbées par des crises sanitaires de nature économiquement différente à plusieurs reprises. En revanche, l’impact de ces chocs sur les habitudes alimentaires dure peu. La plupart du temps, la consommation de chaque type de viande retrouve un niveau proche de celui d’avant la crise après une période d’un an environ. C’est ce que révèle une récente étude(1) réalisée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

- 20 % pour la consommation intérieure de viande bovine lors de la 1re crise de l’ESB

L’annonce par les autorités britanniques, en mars 1996, de la possible transmission de l’ESB à l’homme déclenche la première grande crise sanitaire ayant un retentissement sur la consommation de viande des ménages. Elle est immédiatement suivie par un embargo français, puis européen, sur les bovins vivants et les viandes bovines d’origine britannique. En France, la consommation “intérieure” (voir encadré) de viande bovine chute sur le champ. En juin 1996, elle est inférieure de 20 % à son niveau de mars (voir graphique 1). Six mois sont nécessaires pour retrouver l’évolution tendancielle.

Face à la forte baisse de la demande, l’activité d’abattage décline. En avril, son niveau est 10 % plus bas que celui de février. Le déséquilibre entre l’offre et la demande s’accompagne d’une diminution brutale des prix à la production (repli de 11 % en un an, de mars 1995 à mars 1996, et même de 17 % d’août 1995 à août 1996). Ils augmentent de nouveau en 1997 et retrouvent, en juillet, leur niveau d’avant la crise, avant de le dépasser. Malgré la baisse des prix à la production, ceux à la consommation de viande bovine sont restés stables pendant toute la crise.

La crise de l’ESB de 2000 est plus violente, avec une baisse de 30 % sur un mois

En novembre 2000, la consommation “intérieure” de viande bovine s’effondre une nouvelle fois après l’annonce de la mise sur le marché de viande issue de bêtes ayant côtoyé une vache atteinte d’ESB en France. Les prix, les flux commerciaux et les abattages chutent alors, encore plus fortement qu’en 1996. Cette fois, la France est au cœur d’une crise qui devient européenne. La chute de la consommation de viande bovine en France (- 30 % entre octobre et novembre) est presque deux fois plus marquée que quatre ans auparavant et dure plus longtemps. Il faut environ un an pour que la consommation retrouve son niveau tendanciel. Contrairement à 1996, l’embargo sur le bétail et les viandes françaises amplifie les effets de la crise. Les exportations chutent de 40 % entre octobre et novembre et il faut attendre le début de l’année 2003 pour qu’elles retrouvent leur niveau d’avant la crise. Comme la baisse des importations est moins forte, le commerce extérieur se dégrade.

L’effondrement de la demande, à la fois pour la consommation “intérieure” et sur les marchés à l’exportation, entraîne une forte réduction des abattages. Pour rassurer les consommateurs, les animaux de plus de trente mois non testés vis-à-vis de l’ESB sont retirés de la chaîne alimentaire. Comme en 1996, l’excès d’offre se traduit par un repli des prix à la production de 20 % en glissement annuel, au plus fort de la crise. Ils se redressent au-delà de 2002 et ne retrouvent leur niveau d’avant la crise qu’en 2005.

La divergence entre les prix à la production et ceux à la consommation, déjà marquée lors de la première crise, l’est encore davantage. Les prix à la consommation de la viande de gros bovins augmentent de 4 % entre décembre 2000 et mai 2001. Des charges nouvelles pèsent également sur les différents maillons de la filière : dépistage de l’ESB, traitement des carcasses et hausse de la taxe d’achat sur les viandes, payée par les distributeurs.

Le scénario est un peu différent pour la fièvre aphteuse

Contrairement aux crises de l’ESB, la chute brutale de la consommation “intérieure” de mouton, observée entre février et avril 2001 lors de celle due à la fièvre aphteuse, ne provient pas seulement d’une défiance des ménages vis-à-vis de cette viande. Elle provient d’abord d’une pénurie de viande ovine créée dans l’Hexagone par l’embargo décidé entre février et mars 2001 par l’Union européenne, à la suite de l’épizootie de fièvre aphteuse au Royaume-Uni, explique l’Insee. Les importations françaises de viande ovine, dont environ la moitié sont d’origine britannique en 2000, chutent de 45 % entre février et mars 2001 (voir graphique 2). En niveau, cette baisse représente l’essentiel de celle, concomitante, de la consommation “intérieure” de viande (- 23 %). La crise se prolonge, car le Royaume-Uni doit procéder à des abattages massifs. Le renforcement des importations irlandaises et néo-zélandaises, ainsi que le raffermissement de la production française ne suffisent pas à compenser la diminution des disponibilités. Le fort repli de la consommation de mouton et d’agneau persiste environ un an, pendant lequel la consommation mensuelle se situe à chaque fois à un niveau inférieur de 15 % à celui d’avant la crise. Celle-ci se poursuit ainsi deux fois plus longtemps que celles de l’ESB. Mi-2002, il est possible d’estimer qu’elle est terminée, mais la consommation se stabilise à un niveau 10 % environ en dessous de celui d’avant la crise. Face à la pénurie de viande ovine, les prix à la production augmentent de près de 30 % au deuxième trimestre 2001. Ils ne fléchissent qu’à partir du début de l’année 2002, quand les disponibilités s’accroissent. Le renchérissement durable du prix de la viande conduit à une stabilisation de la consommation à un niveau 10 % inférieur à celui d’avant la crise. Cependant, le déclin de la filière ovine française était amorcé depuis le début des années 80. Après la crise, il reprend son rythme tendanciel, avec une baisse des abattages de près de 2 % par an.

Les conséquences à long terme de la grippe aviaire ne peuvent encore être appréciées

La crise de l’influenza aviaire a également été largement médiatisée. A l’annonce de l’arrivée en Europe du virus H5N1 HP en octobre 2005, la crainte de sa possible transmission à l’homme a entraîné une chute de la consommation de volailles des ménages. Celle-ci, mesurée par les achats dans le commerce de détail, chute de 8 % de novembre 2004 à novembre 2005. Contrairement aux bovins, les volailles ne peuvent être maintenues dans les ateliers d’engraissement et les abattages ne diminuent pas. L’ajustement de l’offre à la baisse de la demande ne peut donc se faire qu’après l’abattage, par une hausse des stocks dans les abattoirs, à différents niveaux de la filière, ou encore par davantage d’utilisations industrielles (plats préparés, conserves, surgelés). De ce fait, la consommation “intérieure” de volailles fléchit à peine au quatrième trimestre. En revanche, pour réduire l’offre, les éleveurs diminuent les mises en place de poussins dès novembre 2005. En février 2006, la crise s’intensifie avec la découverte du virus dans un élevage de dindes français. Une quarantaine de pays décident un embargo sur les volailles issues de l’Hexagone. La seule consommation des ménages en volailles chute de nouveau. Elle est inférieure d’environ 7,5 % au niveau de mars 2004. Mais la filière souffre surtout de l’effondrement des exportations qui n’atteignent plus la moitié de leur niveau de 2005. La production commence à baisser grâce à la réduction des mises en place de poussins depuis novembre 2005. En juin, la France est de nouveau déclarée indemne et les exportations reprennent. La consommation “intérieure” se rétablit progressivement, s’établissant à près de 5 % en dessous de son niveau moyen de 2004.

Contrairement aux crises de l’ESB qui ont fait chuter les prix des bovins de 20 %, celle de la grippe aviaire a eu peu d’effet, du moins à court terme, sur les prix à la production des volailles, fixés par contrat entre les éleveurs et les coopératives ou les fabricants d’aliments du bétail. Au contraire, ils ont augmenté fin 2006, répercutant la hausse des tarifs des céréales qui servent à nourrir les volailles. Les prix à la consommation sont restés stables au premier semestre 2006, malgré l’abondance de l’offre. Puis ils ont augmenté au second semestre, quand la demande a repris, alors que l’offre ne s’était pas encore ajustée à la hausse. Dans l’ensemble, les effets à court terme de la grippe aviaire ont été bien plus modérés que ceux des crises qui ont affecté les viandes bovines et ovines, note l’Insee, notamment en raison de la spécificité de la filière. Les risques restent toutefois présents, avec la découverte d’oiseaux sauvages contaminés en Europe en juin 2006, puis en France en juin dernier.

  • (1) Claire Lesdos-Cauhapé (division agriculture) et Danielle Besson (division synthèse des biens et services) : « Les crises sanitaires dans la filière viande. Impact fort à court terme, plus limité à long terme », Insee , n° 1166, novembre 2007.

  • Source : Insee, novembre 2007.

Définition

La consommation “intérieure” de viande, ou consommation indigène brute, correspond à l’ensemble des utilisations de la viande sur le territoire national . Elle est mesurée en tonnes équivalent carcasse.

Ce concept regroupe la consommation des ménages à domicile, les achats de viande par les collectivités et la restauration, ainsi que ceux des entreprises de transformation comme les conserveries, les charcuteries ou les traiteurs. Elle est calculée par le ministère de l’Agriculture à partir des bilans d’approvisionnement qui rapprochent les disponibilités des utilisations de viande.

Elle est égale aux abattages totaux augmentés des importations et diminués des exportations et des variations des stocks d’intervention.

N.D.
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