Ficher tout détenteur pour diminuer le nombre de chiens ? - La Semaine Vétérinaire n° 1293 du 07/12/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1293 du 07/12/2007

Loi “chiens dangereux”. Vers un permis de possession pour les propriétaires de chiens

Actualité

Auteur(s) : Marine Neveux

Des députés ont transformé les débats fondés sur la prévention en un vote répressif et sécuritaire. Le texte qui en sort pourrait placer le vétérinaire en situation délicate.

La première lecture du projet de loi sur les chiens dangereux au Sénat avait été “parasitée” par l’apparition de l’amendement dit “Sarkozy”, renvoyant tout détenteur d’un animal, dans le cadre d’un homicide involontaire, à ses responsabilités pénales, sensiblement équivalentes à celles d’un chauffard. La discussion du projet de loi à l’Assemblée nationale a, quant à elle, rappelé que les élections municipales approchent et certains députés ont clairement positionné leurs axes de campagne sur la sécurité. Ainsi, noyant l’hémicycle d’amendements souvent retirés à la dernière minute, il aura suffi de trois parlementaires pour modifier sensiblement l’esprit de la loi, et en conséquence la place du praticien dans le dispositif initialement défendu par le gouvernement et la rapporteure Catherine Vautrin. Si les députés de l’UMP ont voté cette loi dans sa globalité, ceux de gauche ont souvent rejoint la ministre de l’Intérieur, la rapporteure et le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, sur leur approche préventive des morsures et non répressive vis-à-vis de certaines catégories de chiens. Mais, au final, le bilan de ce vote est contrasté.

Création d’une mission d’information parlementaire sur la filière canine

Aucun doute, les députés sont conscients de la nécessité de multiplier les campagnes d’information et de sensibilisation auprès des détenteurs de chiens, mais aussi dans les écoles et auprès du grand public au sens large. S’agira-t-il, comme l’a préconisé le député Jean-Frédéric Poisson, d’adopter des images chocs comme dans le cadre des campagnes de la prévention routière, ou bien de montrer que le meilleur ami de l’homme a toute sa place dès lors que les mesures de prudence sont connues de tous ?

Le gouvernement et le Sénat avaient souhaité la création d’un observatoire des morsures pour mieux les recenser, mais il n’en sera rien. Prétextant la création d’une mission d’information parlementaire pour mieux cerner les actions de professionnalisation à développer pour la filière canine, l’idée même d’un outil de recensement des données à des fins scientifiques a été abandonnée, via un amendement d’Antoine Herth qui renvoie aux conclusions de cette mission et considère que l’Etat a suffisamment d’éléments pour ne pas créer une nouvelle structure de collecte.

La création d’un nouveau fichier aurait alors pu être également repoussée jusqu’aux conclusions de la mission parlementaire, mais il n’en est rien. Un fichier central canin, géré par le ministère de l’Intérieur, verra le jour et aura pour principale mission, dans un premier temps, de recenser les données personnelles de tout détenteur d’un chien, quelle que soit l’appartenance raciale de l’animal. Ce fichier aura d’autant plus d’importance que l’attestation de capacité (instaurée par le Sénat pour posséder un chien de 1re ou 2e catégorie) est remplacée par un permis de détention, délivré par le maire, aux regards de l’ensemble des pièces fournies par le propriétaire et le détenteur de l’animal lors de la déclaration en mairie. L’évaluation comportementale est la nouvelle contrainte qui pèsera sur ces chiens.

Le vétérinaire au cœur d’un dispositif “administratif”

Deux amendements ont été votés dans le cadre de l’évaluation comportementale réalisée par le vétérinaire : la nécessité de joindre aux conclusions le barème d’évaluation et, surtout, l’obligation pour le vétérinaire de transmettre le résultat de l’évaluation au maire. La périodicité de cette évaluation est inscrite dans la loi, sans adaptation au cas par cas. L’éventuel débat lié au secret professionnel ne semble pas tenir, la loi étant au-dessus du Code de déontologie de la profession.

Cette mesure pourrait entraîner une sous-évaluation du nombre des déclarations de morsures, dès lors qu’elles n’aboutiront pas à une consultation de la personne mordue. Qu’à cela ne tienne : un amendement prévoit que l’ensemble des professionnels en contact avec des chiens mordeurs ou des personnes victimes ont l’obligation de dénoncer le cas au maire de la commune ou au préfet. Dans le même temps, le professionnel devra communiquer au nouveau fichier central canin cette déclaration nominative de morsure. La rapporteure justifie ces décisions par la volonté de limiter ainsi le nombre de morsures survenues dans la sphère familiale et cachées.

Concrètement, cela signifie que le vétérinaire, en raison de sa position stratégique dans le dispositif de santé humaine, participe à une mission de police, tout comme l’urgentiste à l’hôpital dans le cadre d’une blessure par arme. Il restera donc à trouver un juste milieu entre la fonction première du praticien, conseiller et confident dans le cadre d’accidents survenus dans la sphère familiale, et son rôle d’acteur dans la prise en charge administrative des morsures.

Si d’aucuns pourraient s’émouvoir de ce rôle confié aux vétérinaires, il apparaît que, dans les faits, ces mesures seraient à relier aux déclarations “mordeurs” qui, elles, relèvent du sanitaire.

Médicaments et dispensaires

Aucune discussion, aucun amendement n’a concerné l’acquisition et la délivrance directes des médicaments par les dispensaires lors de cette première lecture à l’Assemblée. Cette problématique avait été introduite par l’article 12 du projet de loi initial. Elle fait l’objet de discussions entre des associations de protection animale, les Ordres et les syndicats des vétérinaires et des pharmaciens d’officine. Les ayants droit du médicament ont ainsi montré qu’à droit constant et prix même inférieur, les associations de protection animale, via leurs salariés vétérinaires, peuvent se fournir en médicaments pour un usage strictement interne à l’établissement.

L’article 12 était apparu sans aucune concertation ni étude préalable de solutions autres que législatives. Les représentants vétérinaires ont profité de cette “attaque” pour demander la mise en place rapide de contrôles, car plusieurs dispensaires ne respectent pas la loi.

M. N.

Une histoire de catégories

Une constatation fait l’unanimité parmi les parlementaires, les professionnels et au sein des cabinets ministériels.

Il s’agit de l’aberration que constitue la catégorisation des chiens en deux groupes (d’attaque et de défense), difficilement applicable sur le terrain.

Fort de cette constatation, les sénateurs avaient décidé de choisir le poids comme nouveau critère de dangerosité.

Mais les professionnels ont démontré l’incohérence d’une telle décision dont les conséquences auraient pu être néfastes pour le bien-être animal et, surtout, qui aurait nécessité de fixer le seuil de poids à 15 kg pour être en adéquation avec le but recherché. Cela aurait alors concerné un trop grand nombre de chiens.

L’Assemblée nationale a donc décidé de supprimer purement et simplement ce critère. Elle a aussi pris le parti de cesser la course à la catégorisation de nouveaux types raciaux, sans revenir sur l’arrêté du 27 avril 1999 qui donne une définition administrative du chien dangereux.

M. N.

Calendrier

• La navette parlementaire devrait reprendre dès janvier par une seconde lecture au Sénat, les travaux parlementaires étant actuellement consacrés au projet de loi de finances pour 2008.

• Les délais d’application des nouvelles mesures établies par la loi seront plus courts que ceux prévus en première intention par le Sénat. Un calendrier devrait être mis en place durant la navette parlementaire pour que les dates d’application annoncées soient les plus réalistes possible.

• La ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, s’est engagée à présenter les décrets d’application de la loi dès la seconde lecture au Parlement, pour en montrer l’esprit aux parlementaires et indiquer qu’elle sera bel et bien appliquée, contrairement à la loi L99-5 dont seul le volet consacré aux chiens dangereux est mis en œuvre neuf ans après sa promulgation (celui sur la moralisation de la filière est occulté).

M. N.
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