Le pronostic de l’hyperlipémie chez l’âne est toujours réservé - La Semaine Vétérinaire n° 1291 du 23/11/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1291 du 23/11/2007

Affections métaboliques

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Sophie Paul-Jeanjean

L’élévation des triglycérides sériques s’accompagne d’une infiltration graisseuse du foie et d’autres organes.

Les maladies métaboliques affectent surtout les ânes d’Europe ou d’Amérique du Nord, en raison d’apports alimentaires abondants, d’une activité physique limitée et d’un âge moyen avancé. Si ces animaux sont confrontés à un déséquilibre énergétique (stress, fin de gestation, début de lactation), leurs réserves adipeuses se mobilisent massivement. Il en résulte une accumulation de triglycérides dans le plasma. L’hyperlipémie se définit alors comme l’élévation de la concentration des triglycérides sériques au-delà de 5 g/l ou de 5,65 mmol/l, ce qui se traduit par une turbidité du sérum et s’accompagne d’une infiltration graisseuse du foie et d’autres organes.

Les triglycérides constituent une réserve énergétique stockée dans les adipocytes. Ils sont hydrolysés par une lipase hormono-dépendante en acides gras libres et glycérol, selon les besoins énergétiques. Cette lipolyse est compensée par la réestérification des acides gras libres en triglycérides quand les besoins sont couverts. Chez les animaux atteints d’hyperlipémie, l’activité de la lipase hormono-dépendante est anormalement élevée et les acides gras sont libérés en quantité importante, dépassant la capacité du foie à les oxyder. Ils suivent la voie de la réestérification en triglycérides. Ces triglycérides en excès sont transportés dans le sang et constituent des very low density lipoprotéines (VLDL), responsables de la turbidité du plasma. Ils sont aussi stockés dans les hépatocytes responsables de la lipidose hépatique et de l’infiltration multi-organes.

Les ânes semblent particulièrement sensibles à une réduction de la prise alimentaire

Certains facteurs peuvent déclencher une crise d’hyperlipémie : une affection intercurrente qui entraîne du stress et une hausse de l’activité catabolique, des coliques, du parasitisme intestinal, une fourbure, tout phénomène inflammatoire, une affection hépatique, la fin de la gestation et le début de la lactation, les périodes de restriction alimentaire. L’inflammation et l’endotoxémie jouent un rôle particulier dans le déclenchement des crises. En effet, la réaction inflammatoire (notamment l’élévation des cytokines, des interleukines et des TNF circulantes) contribuerait directement à l’augmentation des triglycérides sériques chez les animaux à jeun. C’est pourquoi l’hyperlipémie et la fourbure sont des syndromes étroitement liés.

Des cas d’hyperlipémie primaires sont rapportés chez l’âne, toujours associés à un facteur de stress et à l’obésité. Ces équidés semblent plus sensibles que les chevaux à une réduction brutale de la prise alimentaire. Le métabolisme glucidique et les réponses endocriniennes aux variations de ration alimentaire diffèrent chez cet animal, notamment au niveau de la concentration en insuline plasmatique : l’hyperinsulinémie basale a été associée au phénomène d’insulinorésistance et pourrait être déterminante dans l’hyperlipémie de l’âne.

Pendant les crises d’hyperlipémie, plusieurs paramètres hépatiques sont altérés

Le signe pathognomonique de l’hyperlipémie est l’apparition d’un sérum opaque. Les symptômes cliniques associés sont de la dépression, de l’inappétence, de l’anorexie, de l’amaigrissement, de la faiblesse, des coliques, une diminution des bruits digestifs, de la diarrhée ou des crottins coiffés de mucus, une atteinte neurologique avec ataxie et pousser au mur, des fasciculations musculaires, de la dyspnée, un décubitus, du nystagmus, un coma conduisant à la mort. L’histopathologie met en évidence une infiltration graisseuse de plusieurs organes, ainsi qu’une pancréatite chronique. Les dosages biologiques montrent une augmentation des triglycérides. Les autres lipides sériques pourraient être utiles dans le dépistage des sujets à risque (acides gras libres, VLDL, LP, cholestérol total et libre). Pendant les crises d’hyperlipémie, d’autres paramètres hépatiques sont altérés, reflétant un certain degré de dysfonctionnement (Asat, Alat, PAL, SDH, etc.). Les principes du traitement reposent sur deux axes : d’une part, le rétablissement d’un équilibre énergétique positif et, d’autre part, le contrôle hormonal du métabolisme énergétique. En premier lieu, il convient de diminuer le catabolisme et les dépenses énergétiques en traitant la cause primaire. Puis il faut renforcer les apports énergétiques : la nutrition entérale, avec un aliment assez riche en énergie, est possible si le système gastro-intestinal n’est pas atteint. En outre, la ration sera pauvre en lipides et assez riche en glucides pour relancer la production endogène d’insuline. Elle se présente sous forme semi-liquide pour être administrée via une sonde naso-gastrique. Dès que l’animal retrouve de l’appétit, il faut lui présenter des aliments concentrés ou de l’herbe.

La nutrition parentérale peut être envisagée, seule ou en combinaison avec la précédente. Elle repose sur une association de glucose à 5 %, d’acides aminés et d’électrolytes.

Le contrôle hormonal est fondé sur l’utilisation d’insuline (pour contrôler l’hyperglycémie iatrogène en même temps que l’administration des glucides et diminuer la lipolyse) et d’héparine (traitement de l’hyperlipémie et prévention de la fourbure, car l’héparine agit en augmentant l’élimination des triglycérides), à quoi il possible d’associer des traitements anti-ulcéreux.

Un protocole “dans le champ”, institué avec succès par certains auteurs chez une ânesse gestante de huit mois et de 200 kg, est constitué de glucose à 5 % par voie intraveineuse lente (1 l une fois par jour), de sulfate d’héparine (25 000 UI par voie intraveineuse une fois par jour), d’insuline (protamine Zinc Insuline par voie intramusculaire, 40 à 60 UI une fois par jour), de vitamines B12 et de suppléments alimentaires (graines de lin, concentrés, luzerne, solution d’électrolytes, glucose).

  • Source : conférence présentée par Sophie Mosseri lors du congrès annuel de la SNGTV à Nantes en 2007.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr