L’OBLIGATION DE SÉCURITÉ GRIGNOTE LE RISQUE SPORTIF - La Semaine Vétérinaire n° 1291 du 23/11/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1291 du 23/11/2007

À la une

Auteur(s) : Marine Neveux

Dans l’actualité des sports équestres ou des courses, la question des obligations de l’organisateur de manifestations se pose. Après de dramatiques accidents sur des terrains de concours, il est légitime pour la filière équine de s’interroger sur la notion de sécurité. La Fédération française d’équitation propose ses réponses, applicables au 1er janvier prochain.

L’exercice vétérinaire tend aujourd’hui à évoluer de plus en plus vers une obligation de moyens, voire de moyens renforcés (pour certains actes, cela pourrait même aboutir à une obligation de résultats). Le secteur du cheval suit cette évolution générale de la société, assortie de rapports de plus en plus procéduriers et, surtout, d’une recherche de responsabilité lors de tout accident.

La journée de l’Institut du droit équin, organisée à la Garde républicaine à Paris, le 16 novembre dernier, a abordé cette problématique des obligations de l’organisateur de manifestations équestres. En effet, d’un point de vue juridique, le contexte aussi a évolué. Me Bruno Chain, avocat, constate ainsi « un effacement de la responsabilité individuelle pour rechercher une responsabilité collective. Nous assistons de plus en plus au report de la responsabilité sur une entité ». En matière de responsabilité contractuelle, c’est l’organisateur qui se voit mis en cause pour un manquement de sécurité ou d’information. « L’obligation de sécurité devient difficile à cerner. »

Vers une disparition de l’acceptation du risque

Concernant la responsabilité délictuelle, une autre tendance émerge également, depuis un arrêt du 29 juin dernier : les dommages causés aux tiers peuvent être imputés à l’organisateur si une faute caractérisée à la violation des règles du jeu est retenue. « Cette tendance est importante, car elle exclut l’acceptation du risque », explique Bruno Chain. Les conséquences se déclinent en termes d’assurance, mais aussi de règlements. Car les normes des disciplines sportives équestres sont plus ou moins écrites. Quand une chute mortelle est constatée lors d’une course, si les commissaires considèrent qu’il n’y a pas eu de faute au sein du peloton, il n’existe pas de recours possible. « La question pourra être soulevée : jusqu’où va la pratique loyale d’un sport ? »

Une autre notion importante est l’effacement de la responsabilité subjective au profit de la responsabilité objective, fondée sur le risque. « Cela va dans le sens des consommateurs, poursuit Me Chain. Avant, il n’y avait qu’une obligation de moyens de sécurité, actuellement, elle penche vers une obligation de moyens renforcés, qui pourra même, dans quelques années, aller jusqu’à une obligation de résultats. » En outre, il n’est pas toujours évident de trancher, d’un point de vue technique. Par exemple, en course, faut-il créer des barrières solides pour protéger le spectateur ? Ou faut-il au contraire les rendre plus souples pour protéger le jockey s’il chute dessus ? La limite devient délicate entre la prise de risque normale et la prise de risque irraisonnable. « Jusqu’à présent, cette notion d’acceptation du risque subsistait en compétition. Avec l’arrêt de juin dernier, on peut se demander s’il n’y a pas une évolution vers un organisateur de plus en plus responsable », estime Me Bruno Chain.

La responsabilité contractuelle est la plus souvent évoquée

« Les accidents qui ont frappé le concours complet d’équitation nous ont interpellés. On peut évoquer la fatalité, mais cette terrible série a de quoi alarmer le monde du cheval, souligne Me Florence de Fréminville, avocat. Les obligations sont importantes, larges et de plus en plus étendues. » Les conditions de participation à une manifestation sont élaborées dans un cadre contractuel. Pour mieux sécuriser les épreuves, la Fédération française d’équitation (FFE) a élaboré des préconisations qui seront applicables aux manifestations placées sous son égide à partir du 1er janvier prochain (voir article en page 32).

« L’exigence essentielle est une obligation d’assurance en responsabilité civile, insiste Florence de Fréminville. Le risque zéro n’existe pas, il est essentiel que l’organisateur soit correctement assuré. » Ce dernier doit en effet, selon l’article L331-9 du Code des sports, souscrire des garanties d’assurance.

En outre, l’organisateur doit veiller à utiliser des équipements conformes aux normes. L’obligation de sécurité ne concerne pas seulement le respect strict des préconisations pour chaque discipline, comme l’illustre une décision du 16 mai 2006 concernant le hockey : il faut aller au-delà des règlements fédéraux s’il existe des moyens nouveaux ou innovants de sécurité. Florence de Fréminville cite également le cas d’une barre d’obstacle cassée en compétition : « Dans sa décision, la cour a indiqué que l’organisateur n’est pas seulement responsable de ses préposés, mais aussi de ses fournisseurs, etc. »

« Au niveau hippique, c’est la Fédération des courses françaises qui édicte, sur son site, les mesures de sécurité minimales applicables, explique notre confrère Pierre Leveillard, praticien et représentant de la société des courses de Mont-de-Marsan. Nous sommes dans une phase où il est utile de mener une réflexion sur les risques et la responsabilité, car il y a beaucoup de petites sociétés de courses qui organisent une réunion ponctuelle, de village, et qui sont totalement ignorantes des risques, notamment vis-à-vis du public. »

Dans les courses de chevaux, la responsabilité contractuelle est liée à une adhésion tacite : « Dès lors que l’on participe à une course, les intervenants sont contractuellement liés », résume Me Mary-Daphné Fishelson, avocat. Ce contrat d’adhésion s’applique à tous, même au public (via le ticket d’entrée). Il a donc une valeur importante, car il s’impose aussi au propriétaire dès qu’il engage son cheval dans une course. « Les parties ne pourront pas véritablement s’en exonérer. Les clauses exonératoires seront, le plus souvent, rejetées par les tribunaux. » Les organisateurs de courses sont donc aussi tenus à une obligation de sécurité et de prévoyance. Par exemple, la responsabilité de l’un d’eux a été engagée lors de l’empalement d’un cheval, qui a chuté et heurté une remorque, pourtant loin de la piste.

La responsabilité délictuelle trouve ses limites dans les clauses d’exonération

En outre, la responsabilité délictuelle peut être engagée dans certains cas. « Elle peut concerner de simples passants, un visiteur resquilleur qui n’aurait pas payé son entrée, etc., explique Me David Bodin, avocat. Le fondement de la responsabilité délictuelle est le phénomène d’objectivation de la responsabilité civile, avec toujours la même idée de faveur pour les victimes, de refus de la fatalité, et de relation d’assurance. » La victime va devoir établir la faute, le préjudice, et le lien de causalité. Il peut y avoir présomption de responsabilité du fait des choses, en l’occurrence celles placées sous le contrôle et la garde de l’organisation (par exemple la tribune, les tentes, les box démontables, etc.). Il peut aussi exister une responsabilité du fait des animaux (par exemple des promenades de poneys gratuites pour les enfants, en marge du concours). Les limites de cette responsabilité délictuelle sont les clauses d’exonération. L’organisateur va démontrer soit le cas de force majeure, le fait de la victime, le fait d’un tiers. Il peut aussi avoir recours à des hypothèses partielles d’exonération.

Dans le milieu des courses, Me Blanche de Granvilliers, avocat, cite l’exemple d’une responsabilité délictuelle de l’organisation retenue à l’égard d’un propriétaire. Au cours de la course, le speaker annonce à la tribune que le cheval X est disqualifié. Or ce dernier gagne la course, son propriétaire fait donc appel de la disqualification, obtient gain de cause et reste le gagnant. Le propriétaire du cheval en deuxième position fait appel de cette décision en disant qu’il aurait cherché à doubler le premier si le speaker n’avait pas annoncé la disqualification du cheval X. Il obtient donc gain de cause, car si le speaker n’avait pas donné cette information, il aurait pu gagner. « Pour être orthodoxe sur le plan juridique, c’est peut-être la responsabilité contractuelle qui aurait pu être appliquée dans ce cas de figure », précise Blanche de Granvilliers.

Quelles seront donc demain toutes ces obligations dont il faudra aussi tenir compte ? « Il est certain qu’à force de perfectionnement des règles, on créera des références qui deviendront finalement obligatoires », conclut notre confrère Pierre Leveillard.

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