Lonesome George, célèbre tortue géante des Galápagos, pourrait ne plus être seul - La Semaine Vétérinaire n° 1288 du 26/10/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1288 du 26/10/2007

Sauvegarde des espèces

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Guillaume Fournié

La réhabilitation de la sous-espèce Geochelone nigra abingdoni, condamnée à l’extinction, pourrait avoir lieu.

Lonesome George, une célèbre tortue géante des Galápagos, longtemps considéré comme le dernier représentant de la sous-espèce Geochelone nigra abingdoni et ainsi présenté comme l’être vivant le plus rare de la planète, pourrait, selon les dernières recherches menées dans l’archipel, ne plus être seul. Soutenue par le Parc national des Galápagos et la Fondation Charles-Darwin, une équipe scientifique de l’université de Yale a identifié une tortue hybride de première génération entre la sous-espèce de l’île Pinta (celle dont Lonesome Georges est originaire) et une sous-espèce de l’île Isabela(1).

Endémique à l’archipel des Galápagos, Geochelone nigra est une espèce monophylétique qui comptait quinze sous-espèces au XVIe siècle. Après quatre siècles de présence humaine, quatre d’entre elles se sont éteintes et les populations des onze survivantes ont été considérablement réduites. De deux cent cinquante mille individus au XVIe siècle, le nombre total de tortues sur l’archipel est tombé à vingt mille aujourd’hui. D’abord chassées pour leur chair par les équipages qui faisaient escale (stockées dans les bateaux, elles pouvaient survivre plusieurs mois sans eau ni nourriture), les tortues le furent aussi pour produire de l’huile lors de l’arrivée des premiers colons sur les îles. Les expéditions scientifiques contribuèrent à ce pillage : de nombreuses tortues furent ainsi prélevées pour enrichir les collections des musées occidentaux. La présence humaine a également conduit à l’introduction, volontaire ou non, d’une multitude d’espèces exotiques et invasives, qui constituent aujourd’hui la principale menace pour la survie des populations sauvages. En dégradant leur habitat et en consommant les rares végétaux présents dans ces écosystèmes insulaires, les caprins sont de redoutables compétiteurs pour les tortues(2). Les œufs et les juvéniles sont des proies faciles pour les rats, les chats et les chiens. Bien que les politiques de conservation conduites par le Parc national et la Fondation Charles-Darwin aient permis de préserver de nombreuses populations sauvages, certaines sous-espèces restent néanmoins fortement menacées, voire condamnées à l’extinction.

George a été prélevé en 1972 de son habitat naturel

Massivement pillée par les baleiniers, la population de tortues de l’île Pinta a ensuite été soumise à une pression de pâturage inhabituelle et à une modification importante de son habitat par l’introduction des chèvres, qui s’y sont abondamment multipliées. Malgré l’éradication des caprins, dont l’effectif s’élevait à plus de quarante mille individus, les expéditions menées sur Pinta à la fin des années 60 n’ont pu que constater la forte diminution de la population des tortues. En 1972, une seule y fut trouvée. Elle fut transférée à la station de recherche Charles-Darwin. Geochelone nigra abingdoni n’existe ainsi plus aujourd’hui à l’état sauvage. Placé dans un enclos en compagnie de deux femelles d’une sous-espèce phylogénétiquement proche de la sienne, George ne s’est cependant jamais reproduit.

L’étude de M. Russello et coll. apporte de nouvelles informations quant à l’histoire évolutive de Geochelone nigra becki,une sous-espèce vivant au nord de l’île Isabela, site proche de l’île Pinta. Les analyses moléculaires ont, pour la première fois, pu intégrer des échantillons provenant de plusieurs spécimens de Geochelone nigra abingdoni conservés dans des muséums. Elles ont permis de comparer les variations génétiques entre les onze sous-espèces, aux variations présentes dans deux des populations sauvages de Geochelone nigra becki. Ces travaux, par le biais desquels un descendant de la sous-espèce de l’île Pinta a pu être identifié, n’ont porté que sur un nombre relativement restreint de tortues Geochelone nigra becki : quatre-vingt-neuf individus ont été échantillonnés, alors que cette sous-espèce en compte plus de deux mille. Les chercheurs espèrent ainsi qu’un échantillonnage plus exhaustif leur permettra d’identifier une tortue de lignée “pure” de l’île Pinta.

Une réintroduction dans le milieu sauvage est envisagée

Dans le cas où d’autres individus de la sous-espèce Geochelone nigra abingdoni seraient identifiés, un programme de reproduction en captivité, puis de réintroduction de cette sous-espèce dans son milieu sauvage, pourrait être envisagé. Cependant, une telle opération serait extrêmement coûteuse, car elle devrait comprendre l’échantillonnage le plus exhaustif possible des tortues situées au nord d’Isabela, le rapatriement des individus identifiés comme appartenant à la sous-espèce Geochelone nigra abingdoni, puis la translocation sur l’île Pinta des juvéniles issus de leur reproduction. Néanmoins, un tel programme a déjà été mené par le passé avec succès. En 1964, une douzaine de tortues vivant sur l’île Española ont été transférées au centre de reproduction de Santa Cruz, afin d’assurer la préservation de leur sous-espèce. Plus de mille deux cents juvéniles issus de leur reproduction ont, depuis, été réintroduits en milieu sauvage, la population comptant dorénavant près de mille cinq cents individus. Un espoir demeure donc de sauver et de réhabiliter la sous-espèce de George, qui paraissait jusque-là condamnée à l’extinction.

  • (1) M. Russello, L. Beheregaray, J. Gibbs, T. Fritts, N. Havill, J. Powell, A. Caccone : « Lonesome George is not alone among Galápagos tortoises », Current Biology, vol. 17, n° 9, pp. R317-R318.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1277 du 7/7/2007 en page 31 et n° 1284 du 28/9/2007 en page 41.

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