L’épidémiologie s’intéresse de près aux oreilles des chèvres - La Semaine Vétérinaire n° 1287 du 19/10/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1287 du 19/10/2007

Mycoplasmoses mammaires des petits ruminants

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Chez les caprins, Mycoplasma mycoides subsp. mycoides LC prédomine. Le rôle épidémiologique du portage auriculaire fait l’objet d’investigations permettant, à terme, d’affiner la prophylaxie sanitaire.

L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) de Lyon possède une collection de 3 000 souches de mycoplasmes, identifiées à partir de prélèvements issus de bovins, de caprins et d’ovins. Cette collection française provient du réseau d’identification des souches de mycoplasmes de ruminants organisé par l’Afssa de Lyon depuis le début des années 90 et formalisé en 2003 sous le nom de Vigimyc(1). Chez les petits ruminants, parmi les mycoplasmes potentiellement pathogènes, 4 provoquent des tableaux cliniques du même type, Mycoplasma (M.) mycoides subsp. mycoides LC (MmmLC), M. capricolum subsp. capricolum (Mcc), Mycoplasma agalactiae (Ma) et M. putrefaciens (Mp). Historiquement, le syndrome mycoplasmique dû à ces 4 mycoplasmes est regroupé sous le terme d’agalactie contagieuse. Ce syndrome a plus récemment été dénommé MAKePS pour mammite, arthrite, kératoconjonctivite, pneumonie et septicémie. Lors du récent congrès de la SNGTV qui s’est tenu à Nantes en mai dernier, notre consœur Pascale Mercier, vétérinaire à l’Afssa de Niort (Deux-Sèvres), a décrit les souches de mycoplasmes isolées chez les petits ruminants par Vigimyc et leur fréquence pour deux périodes, de 2003 à 2005 et du 1er juillet 2005 au 30 juin 2006. Au cours de la période 2003-2005, 37 % des souches isolées par ce réseau étaient d’origine caprine et 7 % d’origine ovine. Les prélèvements provenaient de 72 départements.

En pathologie caprine, M. mycoides subspecies mycoides biotype LC prédomine

Les souches alors identifiées par le réseau Vigimyc provenaient à la fois d’échantillons prélevés lors d’expression clinique et d’échantillons prélevés dans le cadre d’enquêtes et de suivis d’élevage, telle que la prophylaxie organisée de l’agalactie contagieuse dans les Pyrénées-Atlantiques.

Les souches isolées à partir des prélèvements caprins provenaient principalement d’animaux adultes présentant des symptômes appartenant au syndrome MAKePS. Chez les caprins, les souches de mycoplasmes isolées sont multiples, néanmoins Mmm LC prédomine (voir tableau 1 en p. 41). Chez les ovins, les souches provenaient aussi principalement d’animaux adultes et, pour 55 % d’entre elles, de la prophylaxie de l’agalactie contagieuse organisée dans les Pyrénées-Atlantiques.

Pour l’espèce ovine, les enregistrements pointent l’association fréquente entre les signes cliniques respiratoires et M. arginini, lequel est, dans la majorité des cas, un mycoplasme saprophyte.

Certaines espèces pathogènes, comme M. ovi-pneumoniae, sont de culture plus difficile et peuvent être, de fait, sous-représentées. Pour la période 2005-2006, seulement 20 isolats ovins ont fait l’objet d’une identification dans le cadre d’un diagnostic.

Pour l’espèce caprine, les souches identifiées dans le cadre de ce réseau et leur prévalence sont en concordance avec les enregistrements réalisés par l’Afssa de Niort entre 1987 et 1997 et les résultats d’enquêtes menées depuis 1999 dans la région Poitou-Charentes. Au cours des années1999-2000, 448 tanks de fermes caprines ont fait l’objet de prélèvements de lait en vue du dépistage des mycoplasmes. 33 des 448 échantillons de lait contenaient des mycoplasmes viables. Mmm LC a été identifié dans 20 prélèvements, soit une prévalence de Mmm LC dans le lait de tank de fermes exemptes de signes cliniques égale à 4,7 %. La prédominance de Mmm LC a également été retrouvée lors d’un épisode de mycoplasmose qui a touché une ferme de 700 chèvres entre juillet 2004 et mars 2005. Mmm LC a été identifié dans 64 isolats, soit un taux de 84 %, Mp dans 6 isolats, Mcc dans 3 isolats et M. yeatsii dans 1 isolat, lequel provenait d’un conduit auditif externe de chèvre.

Les éleveurs achètent la maladie, selon Xavier Berthelot

En raison de l’absence de vaccins autorisés en France et d’une antibiothérapie pouvant favoriser l’émergence de porteurs chroniques asymptomatiques, les mesures de prévention et d’assainissement des mycoplasmoses mammaires sont exclusivement sanitaires. « Les éleveurs achètent la maladie », a expliqué le professeur Xavier Berthelot, de l’école vétérinaire de Toulouse, qui a rappelé l’état des connaissances relatives à l’épidémiologie analytique.

Parmi les sources de mycoplasmes se trouvent, bien entendu, les animaux en incubation et en phase clinique, mais également les porteurs en phase post-clinique. « Les animaux guéris sont des bombes épidémiologiques », a souligné notre confrère. Chez les animaux laitiers, l’excrétion galactophore est une source majeure de contamination. Cette excrétion peut persister pendant plusieurs mois ou même, à l’échelon d’un troupeau, plusieurs années après l’épisode clinique initial. « Une seule femelle excrétrice peut contaminer un tank de lait. » Les autres sites du portage sont les appareils respiratoire, digestif et génital. Les voies majeures de contamination des animaux sont orale et respiratoire, et chez les femelles en lactation mammaire (voir figure1 en p. 42). A ce titre, la traite joue un rôle majeur dans la transmission des mycoplasmes mammaires. La transmission horizontale directe est importante lorsque l’excrétion respiratoire est significative, en particulier pour Mmm LC et Mcc. Il existe une transmission de la mère au jeune in utero. En plus de cette transmission, la tétée est probablement une voie de contamination majeure du jeune.

Les conduits auditifs externes constituent, chez les chèvres, un réservoir de mycoplasmes

Chez les caprins, le contrôle des mycoplasmoses est compliqué notamment par le portage asymptomatique des mycoplasmes dans le conduit auditif externe des animaux. Ce portage pourrait expliquer la persistance postépidémique de souches de mycoplasmes virulentes dans les élevages. Au cours des années 1999 et 2000, une enquête a été menée dans la région Poitou-Charentes afin d’estimer la prévalence de Mmm LC dans le conduit auditif externe des chèvres. 602 écouvillons ont été collectés dans 15 fermes : 4 saines, 6 dans lesquelles une mycoplasmose avait été soignée et 5 dans lesquelles sévissait une mycoplasmose. En moyenne, 1,15souche de mycoplasmes a été retrouvée dans chaque conduit auditif externe, suggérant que plusieurs souches pourraient être portées simultanément dans le même conduit (voir tableau 2). Par comparaison avec les fermes saines, la prévalence des mycoplasmes potentiellement pathogènes dans les conduits auditifs (Mmm LC, Mcc, Ma et Mp) est significativement supérieure dans les fermes qui sont en train de faire face à une mycoplasmose (odds ratio = 7,19, 95 % IC [3,83-13,51]) ou qui ont subi (odds ratio = 4,33, 95 % IC [2,34-8,02]) un récent épisode de mycoplasmose. Mmm LC a été retrouvé dans 8 % des conduits auditifs des chèvres des exploitations classées saines, dans 40 % des conduits auditifs des chèvres des fermes subissant un épisode de mycoplasmose (odds ratio = 12,49, 95 % IC [6,04-25,82]) et dans 32 % des conduits auditifs des chèvres ayant subi un récent épisode de mycoplasmose (odds ratio = 7,05, 95 % IC [3,43-14,46]). L’enquête menée lors de l’épisode de mycoplasmose ayant touché une ferme de 700 caprins entre juillet 2004 et mars 2005 a montré la prédominance d’une ou de quelques souches de mycoplasmes. Selon l’étude, elles étaient capables de diffuser largement au sein de l’organisme animal et de persister à l’intérieur d’un troupeau, en particulier dans les conduits auditifs externes. Les acariens présents dans les conduits auditifs de chèvres sont suspectés de jouer un rôle de vecteur des mycoplasmes.

Certaines souches de M. putrefaciens, M. agalactiae, M. cottewii et M. yeatsii possèdent la capacité de produire in vitro des structures protectrices de type biofilm. Les biofilms pourraient permettre une meilleure résistance aux stress divers, tels que la chaleur et la dessiccation, que les cellules individualisées. La question relative à la capacité de survie des mycoplasmes dans le milieu extérieur grâce à ces biofilms n’a pas encore de réponse.

L’évolution des connaissances de l’épidémiologie analytique des mycoplasmoses permet de mieux comprendre la persistance des infections mycoplasmiques dans les élevages et leur répartition cosmopolite. Chez les caprins, le lien entre le déclenchement d’une mycoplasmose clinique et le stress est connu, d’où une maîtrise nécessairement plurifactorielle. En France, seules les mesures sanitaires peuvent amener progressivement vers l’éradication. A ce titre, l’évolution de la prévalence et de l’incidence de l’agalactie contagieuse dans les Pyrénées-Atlantiques (voir figure 2) montre son efficacité.

  • (1) Bibliographie disponible sur le site planete-vet.com, rubrique “bibliographie”, mot clé SV-1287-40.

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