De la prévention sur fond de répression massive - La Semaine Vétérinaire n° 1287 du 19/10/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1287 du 19/10/2007

Morsures canines. Projet de loi sur les chiens dangereux

Actualité

Auteur(s) : Marine Neveux

Le texte est aussi l’occasion pour le gouvernement d’introniser les dispensaires de soins “gratuits” comme des ayants droit de la pharmacie.

Prévention des morsures ou répression contre les délinquants, il est difficile de s’y retrouver dans le nouveau projet de loi sur les chiens dangereux. Le rôle du vétérinaire serait renforcé dans la politique de lutte contre les morsures, en contrepartie de l’instauration d’un nouveau corps d’ayants droit de la pharmacie, les dispensaires de soins dits “gratuits”.

Comme à l’accoutumée dans ce dossier et depuis plus de dix ans, c’est sur fond de crise essentiellement médiatique que le gouvernement se prépare à légiférer une énième fois sur le problème des morsures en France, ou plutôt sur la présence de types raciaux, c’est-à-dire finalement sur les chiens de première et de deuxième catégories.

En 1998, le législateur avait habillé ses mesures coercitives par deux volets sur la moralisation du marché et la socialisation du chiot. Des approches laissées à l’abandon depuis dix ans. Aucun texte d’application n’a été publié depuis le 6 janvier 1999, hormis l’arrêté du 27 avril de la même année qui définit les critères morphologiques de la dangerosité d’un animal.

C’est dans ce contexte que le Premier ministre François Fillon, et la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie, ont fait adopter en conseil des ministres, le 11 octobre dernier, le projet de loi « renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux ». Toute la problématique est dans le titre de ce texte. En effet, plusieurs mesures de prévention et de protection, qui ont recueilli un avis favorable de l’ensemble des organisations professionnelles de tout le secteur de l’animal de compagnie, viennent pondérer des mesures de répression sans précédent sur les types raciaux canins déjà mis à l’index depuis dix ans.

L’abattage de cent mille chiens pourrait avoir lieu d’ici à six mois

« La détention des chiens de la première catégorie mentionnée à l’article L. 211-12 nés postérieurement au 7 janvier 2000 est interdite. » L’article 5 du projet de loi est sans ambiguïté, il rejoint plusieurs propositions de loi qui émanent uniquement des députés (à ce jour, les sénateurs optent davantage pour un travail de fond et de longue haleine sur la prévention des morsures). Il s’agit de faire abattre, par les vétérinaires, tous les chiens de première catégorie et âgés de moins de huit ans qui existent sur le territoire français. Les propriétaires de ces chiens, selon l’article 14, disposeront d’un délai de trois mois après la publication de la loi pour remettre leur animal à une fourrière dans le but de le faire euthanasier.

Dans ces conditions, il est impensable que le gouvernement cherche à mettre en place des solutions efficaces dans le cadre de la prévention des morsures, mélangeant deux sujets de fond : la diminution des morsures en France, apparentée davantage à des accidents domestiques, et la lutte contre une certaine délinquance qui, depuis 1999, n’a plus de raison d’être. En effet, des chiens de première catégorie, il en existera toujours, car les croisements entre deux chiens de race ou non et n’appartenant pas aux deux catégories ciblées par l’Etat peuvent engendrer sans difficulté des chiens de première catégorie, selon l’arrêté de 1999. De surcroît, ces chiens ne peuvent être reconnus comme appartenant à cette première catégorie qu’après les dix ou douze premiers mois de leur vie, c’est-à-dire une fois socialisés et parfaitement intégrés dans la cellule familiale. Selon le chiffre avancé par la Direction générale de l’alimentation (DGAL), ce sont donc quelque cent mille drames qui vont suivre l’adoption de cette nouvelle loi, au sein de cent mille familles qui, pour la plupart, sont de bonne foi. Elles ont en effet respecté toutes les mesures de stérilisation et de déclaration pour que leur animal soit en conformité, au mieux, avec l’esprit de la loi. Le vétérinaire, malgré lui, jouera un rôle central dans cette tragédie.

Le vétérinaire sera au cœur de la prévention des morsures

En juillet 2006, les ministères de l’Intérieur et de l’Agriculture ont mis en place un groupe de travail, rassemblant l’ensemble des professionnels du secteur, pour émettre des propositions en matière de lutte et de prévention des morsures canines. Un consensus unanime en est ressorti, sous l’œil du ministère de l’Agriculture, prévoyant un meilleur encadrement de la socialisation et de l’éducation du chiot, le suivi de l’animal durant sa vie, la sensibilisation du grand public et des propriétaires sur les risques liés à la présence animale et sur une meilleure intégration dans la société, ainsi qu’une véritable politique d’observation et d’analyses des morsures en France. De ces conclusions, restées lettre morte jusqu’aux nouvelles vagues de faits médiatiques, il ressort les points suivants :

- un certificat de détention sera exigé pour les propriétaires ou les détenteurs de chiens de première et de deuxième catégories, afin de s’assurer de leurs connaissances minimales nécessaires en matière d’éducation canine et de règles de sécurité ;

- une évaluation comportementale, réalisée par des vétérinaires inscrits sur une liste départementale, sera obligatoire pour détenir un chien des catégories 1 et 2, ainsi que pour tout animal ayant mordu ou à la demande du maire ou du préfet. Cette évaluation sera périodique. Le vétérinaire, lors de cet examen, pourra donner des conseils au propriétaire, lui demander de se rapprocher des éducateurs canins, des vétérinaires comportementalistes, voire préconiser l’euthanasie selon l’état de l’animal et son environnement lors de l’évaluation ;

- tout chien qui mord devra faire l’objet d’une évaluation comportementale intégrée à la visite des “mordeurs” actuelle et le propriétaire devra déclarer l’accident auprès du maire ;

- une visite vétérinaire sera obligatoire lors de toute cession, à titre gratuit ou onéreux, afin d’englober l’ensemble des transactions (professionnels ou particuliers) et sera l’occasion pour le praticien de sensibiliser le propriétaire aux caractéristiques et au mode de vie de l’animal. Comme cette disposition est prévue avant la vente et non après l’achat, cela la rend moins efficace, puisque le vétérinaire ne pourra sensibiliser le futur acquéreur.

Le ministère de l’Agriculture offre le médicament aux dispensaires

Alors que le Parlement a modifié son fonctionnement législatif pour mettre un terme à certaines pratiques – en l’occurrence l’abandon des amendements dits “cavaliers” dont la teneur était en marge du projet de loi étudié et qui permettaient à des parlementaires et à l’Etat de faire passer des mesures sans relation directe avec son objet – le gouvernement, sous la pression des associations de protection animale, a intégré au texte un article 12 qui modifie l’article L. 5144-3 du Code de la santé publique : « Des dérogations peuvent également être accordées dans les mêmes conditions qu’à l’alinéa précédent pour l’acquisition, la détention, et l’utilisation des médicaments vétérinaires nécessaires à la réalisation des actes vétérinaires dispensés gratuitement dans l’enceinte des établissements visés au VI de l’article L. 214-6 du Code rural », c’est-à-dire les dispensaires de ces associations.

Pour les organisations professionnelles vétérinaires (Ordre et Syndicat), cette OPA des dispensaires est considérée comme une attaque directe. En effet, rien ne justifie aujourd’hui une telle demande, la réglementation actuelle permet à tout vétérinaire salarié d’un dispensaire de se fournir auprès d’un ayant droit pour se procurer les médicaments nécessaires à la réalisation des soins pratiqués gratuitement au sein de sa structure. C’est la pratique du milieu hospitalier, il est donc étonnant de constater, une fois de plus, que le médicament vétérinaire est géré avec autant de légèreté.

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