Chez un cheval entraîné par temps froid, la réponse inflammatoire est amplifiée - La Semaine Vétérinaire n° 1287 du 19/10/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1287 du 19/10/2007

Maladies respiratoires

Formation continue

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : Isabelle Desjardins

Entre cinq et vingt-quatre heures après l’exercice, un afflux de neutrophiles est observé.

Un exercice intense, surtout associé à l’inspiration d’air froid, semble entraîner chez l’homme athlète une prévalence élevée d’inflammations chroniques des voies respiratoires et une hyperréactivité. Ce syndrome est appelé « asthme induit par l’exercice ». De plus, les athlètes soumis à ces entraînements intenses sont prédisposés aux infections virales respiratoires après l’exercice. La raison de ce tropisme viral pour l’appareil respiratoire après l’effort demeure mal comprise. Pendant l’inhalation, la chaleur et la vapeur d’eau sont transférées depuis la muqueuse respiratoire jusqu’à l’air inspiré par un processus passif qui repose sur des gradients physiques, et ce jusqu’à l’équilibre entre les deux “milieux”. Chez un animal qui respire au repos, dans des conditions climatiques tempérées, le transfert de chaleur et de vapeur d’eau est relativement faible, car l’air inspiré s’équilibre à la température du corps et se trouve complètement humidifié par son passage dans les conduits nasaux. Pendant les phases de ventilation accrue et/ou dans des conditions climatiques froides, la combinaison d’un plus grand volume d’air inspiré, ainsi que le temps réduit pour réchauffer et humidifier l’air, font que chaleur et vapeur d’eau sont dissipées dans la trachée, les bronches et les bronchioles. Le refroidissement de la muqueuse respiratoire et son hyperosmolarité initieraient une cascade biochimique, responsable de lésions épithéliales respiratoires, d’une contraction des muscles respiratoires lisses et d’un phénomène inflammatoire.

Lors d’un exercice intense, l’air froid inspiré n’a pas le temps d’être réchauffé

Dans une première étude(1), Mikael Davis et ses collaborateurs ont évalué les effets d’un exercice intense en milieu froid chez des chevaux, afin d’en étudier les conséquences sur la physiologie pulmonaire. Les résultats de ce travail confirment que, tout comme chez l’homme et le chien, l’air froid inspiré lors de fort exercice n’a pas le temps d’être réchauffé par les conduits nasaux. La trachée et les bronches sont alors exposées à un air non conditionné, entraînant l’apparition de lésions inflammatoires de la muqueuse respiratoire.

Dans un deuxième temps, cette équipe s’est interrogée sur la nature de la réponse inflammatoire de l’arbre respiratoire(2). Pour cela, neuf chevaux adultes sains (cliniquement normaux et sans antécédents de maladies respiratoires) ont été soumis à un programme d’entraînement sur tapis roulant, dans une salle climatisée. Puis ces chevaux ont subi deux tests sportifs à une semaine d’intervalle, à vitesse et fréquence cardiaque constantes, mais en respirant par le biais d’un masque un air conditionné de température différente. En premier lieu, l’air était tiède (25 °C) avec 55 % d’humidité relative, en second lieu, il était froid (- 5 °C) avec une humidité relative de 95 %. Vingt-quatre et quarante-huit heures après chaque test, les chevaux ont subi un lavage broncho-alvéolaire selon une procédure standardisée, sous tranquillisation.

Les liquides de lavage broncho-alvéolaire ont été soumis à un examen cytologique, ainsi qu’à une analyse de rt-PCR (réaction en chaîne de polymérase en temps réel, à transcription réverse) pour quantifier l’ARN messager codant pour des cytokines.

L’exercice par temps froid induit un afflux de neutrophiles plus tardif chez le cheval

La proportion de neutrophiles dans le comptage cellulaire total du liquide broncho-alvéolaire était significativement plus élevée vingt-quatre heures après un test à l’air froid, par rapport à un test à l’air tiède. Aucun autre type cellulaire n’était augmenté vingt-quatre ou quarante-huit heures après l’inhalation d’air froid à l’effort.

Une augmentation significative de l’expression de cytokines a été remarquée dans les vingt-quatre heures qui ont suivi l’exercice au froid : il s’agit de l’interleukine-5 (IL-5), de l’IL-10, de l’IL-1, de l’IL-6 et de l’IL-8. La hausse de la production de cytokines IL-5 et IL-10 est caractéristique d’une réponse immunitaire de type Th2. En revanche, dans les vingt-quatre heures suivant le test, l’expression des cytokines issues d’une réponse immunitaire de type Th1 (IL-2, interféron-Γ) n’était pas modifiée par la température de l’air inspiré pendant l’exercice. Quarante-huit heures après le test, l’expression de l’IL-10 était toujours significativement plus élevée à la suite de l’inspiration d’air froid que d’air tiède. Ainsi, l’exercice par temps froid induit chez le cheval un afflux de neutrophiles dans les voies respiratoires, légèrement plus tardif que chez d’autres espèces (entre cinq et vingt-quatre heures après l’exercice). Les auteurs n’associent pas de conséquence précise à l’expression accrue des cytokines citées précédemment, mais l’IL-8 est un puissant chémo-attracteur de neutrophiles, et l’IL-10 pourrait engendrer une susceptibilité accrue du système respiratoire aux infections virales par une suppression locale de l’immunité à médiation cellulaire pendant plus de quarante-huit heures après l’exercice. Il est aussi rapporté chez l’homme qu’un exercice intense exercerait une brève immunosuppression systémique par le biais de la sécrétion de cortisol, d’où une plus grande réceptivité aux agents pathogènes viraux.

Ainsi, lorsqu’un cheval subit un entraînement au froid, particulièrement s’il est porteur de lésions inflammatoires respiratoires préexistentes, la réponse inflammatoire est amplifiée. Des expositions répétées au froid pourraient expliquer la fréquence des lésions inflammatoires respiratoires chroniques constatées chez les chevaux de course, ainsi que leur plus grande sensibilité à l’infection par le virus de l’influenza.

  • (1) M.S. Davis, A.J. Lockard, D.J. Marlin et coll. : « Airway cooling and mucosal injury during cold weather exercise », Equine Vet. J. Supp., 2002, n° 34, pp. 423-416.

  • (2) M.S. Davis, C.C. Williams, J. Meinkoth et coll. : « Influx of neutrophils and persistence of cytokine expression in airways of horses after performing exercise while breathing cold air », Am. J. Vet. Res, 2007, vol. 68, n° 2, pp. 185-189.

VOIR AUSSI

Numéro spécial de Pratique vétérinaire équine sur la toux et la pathologie respiratoire, 2004.

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