SANTÉ ET SENS COMMERCIAL SONT CONCILIABLES - La Semaine Vétérinaire n° 1286 du 12/10/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1286 du 12/10/2007

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Auteur(s) : Carole Ballin

Fixer le prix d’un acte, décider du mode d’organisation des consultations, lancer un nouveau service ou encore créer un outil matériel de communication sont autant de décisions situées au cœur de l’activité vétérinaire.

La démarche marketing permet une réflexion sur la façon de prendre de telles décisions en s’assurant que, in fine, le résultat sera positif pour l’entreprise.

Les clientèles canines insuffisamment structurées ne parviennent pas à faire évoluer leur offre et ne stimulent pas assez le marché », analyse notre confrère Philippe Baralon, dans le cadre de la formation du diplôme d’école de management vétérinaire(1). La constitution de structures généralistes plus puissantes, plus efficaces, permettant d’offrir une large gamme de services d’un bon niveau devrait, selon lui, se généraliser. En outre, la collaboration entre généralistes et spécialistes, au sein d’une même clinique ou entre des structures distinctes, mérite d’être renforcée. Pour notre confrère, le manque d’efficacité actuel du réseau généraliste chargé de recruter les cas d’une part, et le faible nombre d’animaux assurés d’autre part, freinent le développement d’une médecine canine haut de gamme. L’émergence de centres hospitaliers de haut niveau, disposant d’un réseau de “référents” optimisé, est ainsi un enjeu important pour la médecine vétérinaire des carnivores domestiques et des équidés.

Pour les praticiens mixtes, qui se sont bien organisés depuis une quinzaine d’années, les enjeux sont différents. Leur offre de services doit s’élargir en combinant, autour des actes classiques, des prestations intellectuelles de haut niveau et des gestes techniques simples, relevant probablement de l’intervention de techniciens salariés, précise Philippe Baralon. Affronter la concurrence des autres ayants droit (groupements agréés, entreprises vétérinaires concentrées sur le marché de la prescription et de la délivrance, etc.) sur le secteur du médicament vétérinaire constitue un autre enjeu important.

En cinquante ans, le développement des entreprises vétérinaires, en France, a connu de grandes accélérations dans des directions variées. Si les enjeux évoluent et diffèrent selon le domaine d’activité, Philippe Baralon relève un point commun : leur structuration, avec une stratégie de développement formalisée, devient partout une nécessité. « Au sein de ces entreprises structurées, la réflexion marketing, pour l’action en direction des clients, prend une importance croissante. »

L’application du concept de marketing est large

« Le marketing peut se définir comme la science qui étudie les relations entre une organisation et son ou ses marchés », explique Philippe Baralon. Il concerne aussi bien les secteurs classiques de l’économie que les entreprises vétérinaires. La démarche marketing commence par une phase d’analyse, avant de choisir sa ou ses cibles, puis de fournir des réponses adaptées. Il est utile de réduire la diversité du marché en regroupant les occasions de consommation en sous-ensembles plus homogènes (les segments). La stratégie de ciblage, selon le choix d’un marketing concentré, indifférencié ou différencié, est définie.

Le marketing concentré s’adresse à une seule cible avec une seule réponse. Il permet de concevoir une offre parfaitement adaptée, mais réduit la taille du marché et induit des difficultés de gestion des clients qui n’appartiennent pas à la cible. Le marketing indifférencié s’adresse à plusieurs segments, avec une seule réponse conçue pour satisfaire l’attente dominante. Si l’organisation de l’entreprise s’en trouve simplifiée, la diversité du marché est ignorée et fait courir le risque de perdre des clients. Le marketing différencié s’adresse à plusieurs segments, en proposant plusieurs réponses pour chacun d’entre eux. Les différentes attentes sont bien couvertes, mais l’organisation de l’entreprise est plus délicate.

Ainsi, « l’élaboration des réponses de l’entreprise vétérinaire à sa ou ses cibles commence par le choix d’un positionnement », rappelle Philippe Baralon. La bonne option consiste à occuper une position dominante par rapport aux concurrents, sur un critère important pour les clients. Il peut s’agir, par exemple, du “moins cher”, de “la référence technique”, du “plus pratique” (en termes d’emplacement ou d’horaires). Les positions intermédiaires, souvent exprimées par “un bon rapport qualité/prix”, sont difficilement perçues et évaluées par la clientèle. Les positionnements axés sur la technicité sont souvent recherchés. Leur cohérence avec les tarifs pratiqués, le niveau d’accueil (locaux et personnel) et le plateau technique disponible est à vérifier.

La démarche marketing construit un dispositif d’ensemble, le marketing-mix

Le produit ou le service, le prix, les modalités de consommation et la communication sont les quatre éléments du marketing-mix.

L’entreprise définit, dans un premier temps, sa gamme de produits et de services en répondant à quelques questions simples : « A qui est destiné le service ? Quel est son déroulement précis et le rôle des participants ? Quels sont les résultats finaux attendus ? »

Le prix est une variable essentielle du marketing-mix. Leur fixation peut avoir au moins six objectifs différents, rappelle Yannick Poubanne lors de la formation DEMV. L’augmentation du trafic des clients est habituellement le premier d’entre eux. « En baissant les prix, le praticien espère augmenter ou maintenir un certain niveau de visites et, en les augmentant, il s’attend à une diminution du nombre de transactions. » Les autres buts peuvent être une augmentation des ventes, de la marge ou du bénéfice. Influencer la perception des consommateurs, afin de maintenir ou d’établir une image produit/service, peut faire partie des objectifs. Des honoraires de consultation élevés peuvent donner aux clients l’image d’une clinique de qualité, alors que des honoraires bon marché communiquent l’impression opposée. Cet aspect du prix est important à considérer afin de contrôler son positionnement clinique conformément à sa philosophie. Le dernier objectif peut être d’acquérir des parts de marché en maintenant le niveau du plus bas prix sur un secteur donné. « C’est une stratégie classique quand une nouvelle société veut pénétrer un marché ou quand une entreprise existante veut acquérir une position de leader. »

Concrètement, plusieurs méthodes permettent de fixer les tarifs

Le calcul “coût + profit” ajoute au prix du produit un bénéfice “raisonnable” pour définir le tarif de vente. Cette méthode n’est pas impartiale, car la fixation d’un bénéfice “raisonnable” est entièrement subjective. En outre, le prix calculé est plus important quand le praticien est « mauvais que lorsqu’il est bon », explique Yannick Poubanne. En effet, une opération qui dure deux heures au lieu d’une sera surfacturée. De plus, elle peut déboucher sur un prix de vente inadapté au client.

La méthode sous l’angle de la concurrence consiste à étudier les prix des confrères et à se positionner comme premium, identique ou plus bas qu’eux. Facilement applicable avec des produits ou des services directement comparables (pet food, castration, etc.), la méthode est moins appropriée pour des services qui ne le sont pas.

Quant à la méthode du prix psychologique, qui nécessite l’utilisation d’un questionnaire client, elle tient compte des besoins de la clinique et de la valeur du service pour la clientèle.

Yannick Poubanne recommande en outre, pour les services, une augmentation des prix au moins annuelle, à la même date d’anniversaire, au minimum égale au taux d’inflation. Dédoubler cette hausse en deux parties (en janvier sur une catégorie de services puis en juillet) apparaît intéressant. Le changement de prix de vente des produits doit refléter celui de leur coût à l’achat. De plus, les modalités d’accès aux produits et aux services, les plages horaires (consultations sur rendez-vous, en libre service), la nécessité de commander ou la disponibilité permanente des produits, les possibilités de livraison, doivent être connues du client.

La communication vise à faire connaître les caractéristiques de l’offre

« Tout communique dans la clinique, des signes extérieurs aux uniformes du personnel », rappelle Yannick Poubanne. L’attitude et la tenue des salariés, la conception, l’aménagement et la tenue des locaux publics (accueil, attente, consultation, hospitalisation), la présentation et le contenu des documents remis aux clients (compte rendu d’analyses, ordonnances, factures) donnent une image de la clinique. « On ne communique jamais autant que quand on n’a pas l’impression de communiquer », ajoute Philippe Baralon.

Lors de la création d’un outil matériel de communication, les principes de cohérence et de professionnalisme sont à respecter. Les supports sont multiples. Il est possible de s’adresser directement à ses clients sous la forme de messages papier (dépliant, brochure, poster, carte de visite, feuilles de protocoles) ou via leur boîte électronique (rappels d’interventions programmées, newsletter, mailings). Le local professionnel est aussi utilisé pour communiquer un nombre restreint de messages ciblés (par des vidéos en salle d’attente). La règle publicitaire de l’unique selling proposal (USP) indique qu’un message doit contenir une proposition de vente unique pour être efficace, rappelle Yannick Poubanne. Dans la salle d’attente, par exemple, mieux vaut se concentrer sur un nombre limité de messages. « Bien utilisée, la publicité donne de bons résultats et, compte tenu des spécificités des activités exercées par les vétérinaires, l’effet restrictif du respect des règles déontologiques se révèle modéré », estime Philippe Baralon.

La vente, exercice pourtant quotidien, n’est pas un acte pour lequel le praticien est préparé et se sent à l’aise. Au cours d’un argumentaire oral, il s’agit de présenter les indications, l’intérêt, les résultats attendus, les limites, les modalités et le prix du service proposé, afin d’obtenir le consentement éclairé de son client. L’autocensure – c’est-à-dire le fait de ne pas proposer un service pour ne pas risquer un refus – constitue, selon Philippe Baralon, la principale difficulté pour les vétérinaires.

Quant à l’intérêt réel d’adopter une démarche marketing au sein d’une entreprise vétérinaire, Yannick Poubanne affirme que cela permet de structurer la façon de prendre les décisions de développement pour qu’elles soient bonnes, non seulement pour les animaux et les clients, mais aussi pour la clinique.

« Les problématiques des praticiens s’articulent aujourd’hui autour de la valorisation des actes (le prix) avec une stimulation de la demande par une segmentation de l’offre (spécialisation, réseaux) et une meilleure communication vers le client. Elles sont totalement d’essence marketing, à condition de ne pas réduire ce dernier à la publicité », conclut notre confrère.

  • (1) Formation DEMV de Toulouse (contact Dominique Béchu : d.bechu@envt.fr, tél : 06 87 31 04 56). Modules : « Les marchés et les attentes des clients des entreprises vétérinaires » (Philippe Baralon, société Phylum) ; « La démarche marketing des entreprises vétérinaires » (Philippe Baralon) : « Prix » (Yannick Poubanne) ; « Communication client matérielle » (Yannick Poubanne).

Démarche globale en trois points

La stratégie initiée dès 2004 par Royal Canin repose sur trois points essentiels.

• Le praticien est accompagné dans le développement de la prévention par la nutrition : celle-ci n’est plus seulement curative, mais également préventive, capable de préserver le capital santé des carnivores domestiques. Elle propose des solutions personnalisées.

• Chaque clinique est traitée individuellement, grâce à l’apport de réponses merchandising sur mesure à l’analyse et au diagnostic de chaque cas. A ce jour, 1 500 cliniques ont reçu une recommandation et sont réaménagées.

• Un plan de formation des auxiliaires complète le dispositif. Le front office de la clinique vétérinaire est repensé, tourné vers le client. Alors que tout, dans une structure traditionnelle, est conçu autour de l’activité médicale, au service du vétérinaire et des soins aux animaux, la nouvelle clinique vétérinaire pense désormais à l’accueil, à l’écoute et à l’éducation de ses clients.

Ce concept a été récompensé en 2005 et a reçu le mètre d’argent de l’Institut français en merchandising (IFM).

C. B.
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