Les missions des techniciens s’intègrent dans une stratégie sanitaire collective - La Semaine Vétérinaire n° 1286 du 12/10/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1286 du 12/10/2007

Les maillons de l’épidémiosurveillance en élevage hors sol

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Ce métier polyvalent, qui allie technique, commercial et relationnel avec les éleveurs et au sein de l’entreprise, est mal connu hors des frontières du secteur fermé des productions animales organisées.

L’enjeu économique du maintien et de l’amélioration du statut sanitaire des élevages n’est plus à démontrer. Parmi les différentes voies d’optimisation, les professionnels des productions animales organisées s’accordent, idéalement, sur un management sanitaire qui organiserait les interventions des acteurs de l’acte vétérinaire(1) en amont de l’expression clinique et subclinique des maladies. Cette stratégie nécessite un exercice vétérinaire intégré à un réseau de compétences pluridisciplinaires. A ce titre, les rôles techniques et épidémiologiques des techniciens d’élevage ont été largement soulignés lors de l’étape bretonne des états généraux de la profession (voir La Semaine Vétérinaire n° 1249 et n° 1250). Qu’ils soient salariés ou libéraux, les vétérinaires spécialisés dans le secteur des productions animales témoignent de la nécessité de travailler en collaboration étroite avec les techniciens. « J’attends du technicien qu’il donne l’alerte. En effet, quotidiennement en présence de ses truies, l’éleveur ne voit pas toujours lorsque cela dérape, explique notre confrère Franck Bouchet, vétérinaire au groupement porc Agrial en Mayenne et en Ille-et-Vilaine. Je ne peux pas travailler sans techniciens. Nous nous téléphonons deux ou trois fois par jour. » Depuis cinq ans, Ronan Bidault fait partie de l’équipe des six techniciens du groupement. Il suit entre soixante-dix et soixante-quinze adhérents de la coopérative sur les secteurs nord Ille-et-Vilaine, nord Mayenne, sud de l’Orne et en zone limitrophe de la Sarthe.

Les techniciens constituent un réseau d’alerte sanitaire

« Nos missions sont de nature technique pour 30 % d’entre elles et commerciale pour 70 %. C’est un travail varié, polyvalent », explique ce passionné de l’élevage porcin qui apprécie la découverte, la prospection, le relationnel, le contact et l’autonomie professionnelle. Il visite en moyenne cinq ou six élevages par jour. Les besoins de l’éleveur et ses objectifs décident de la périodicité des visites.

Le 11 juillet dernier, le technicien Ronan Bidault organise sa journée sur le secteur nord Mayenne. La première visite, chez un éleveur naisseur-engraisseur de cent truies, a pour objet de faire le point sur l’introduction d’un nouveau type génétique dans l’élevage, sur la qualité des cochettes livrées, sur la dégradation du nombre de porcelets sevrés et sur le gain moyen quotidien (GMQ) des porcs charcutiers et, enfin, sur les stocks de matières premières de cet éleveur qui fabrique l’aliment à la ferme.

Chez l’éleveur suivant, un engraisseur, il faut organiser le départ des porcs charcutiers : « Le bâtiment date de 1976, mais permet de sortir de bons résultats : 2,9 à 3 en indice de consommation et 850 g/j de GMQ », annonce Ronan Bidault qui fait le premier tri des porcs charcutiers et en transmet le nombre à la secrétaire du groupement. A une demi-heure de route, la visite d’un atelier de postsevrage collectif intégré de six cent cinquante et trois cents places a pour objectif de contrôler la croissance du lot de porcelets le plus jeune et de prévoir la prochaine date de transfert du lot de porcelets de 25 kg vers un atelier d’engraissement. Cette visite permet de signaler l’apparition de problèmes respiratoires chez les porcelets du lot le plus âgé et son lien avec l’absence de vaccination.

L’activité commerciale est au service de la gestion des élevages

Devenu technicien par goût pour l’élevage, Ronan Bidault apprécie néanmoins la pratique commerciale de son métier. « J’ai presque doublé le tonnage d’aliment sur mon secteur, explique-t-il. Nous ne sommes pas des nutritionnistes, mais nous savons lire une formule. Aussi, dans le cadre des suivis d’élevage, nous évaluons l’état d’engraissement des truies à l’insémination artificielle en mesurant l’épaisseur de lard dorsal, et nous adaptons les programmes alimentaires des truies gestantes à l’entrée, en milieu et en fin de gestation. »

Chez l’adhérent suivant, la signature d’un contrat à terme(2) pour 200 t d’aliment est l’occasion pour Ronan Bidault et un éleveur naisseur, qui possède cent soixante-six truies, d’échanger sur des problèmes techniques. L’éleveur révèle au technicien les résultats d’une enquête sur les différents modes de renouvellement des truies et l’informe de la persistance des mauvais résultats du taux de réussite à l’insémination artificielle.

La sixième visite de la journée permet de vérifier la mise en place de quatre cent trente porcelets sevrés, de contrôler l’homogénéité du lot et l’absence de boiterie. Le calcul des indicateurs de la gestion technico-économique du lot précédent montre une dégradation de la consommation et du GMQ, imputée à un épisode d’affections respiratoires.

Les missions zootechniques et administratives des techniciens les positionnent à l’interface de la zootechnie et de la prévention du risque sanitaire, et de ce fait, leur confère un rôle déterminant de sentinelle des affections. En outre, selon le référentiel métier(3) du conseiller spécialisé auprès des éleveurs, le technicien peut être amené, en liaison avec le vétérinaire, à intervenir sur certains problèmes sanitaires tels que la collecte d’échantillons et les conseils de traitement, et à proposer des solutions en réponse à des urgences comme les accidents alimentaires. L’approche multifactorielle de la santé fait d’ailleurs partie du référentiel du BTS en productions animales. La plupart des techniciens sont formés, dans le cadre de leur formation continue, à la pratique des autopsies et au diagnostic des lésions les plus courantes dans la production considérée. Ces compétences spécifiques leur permettent d’être plus efficaces pour déclencher le passage du vétérinaire.

La gestion de la prévention est un travail d’équipe au sein de la coopérative

Bernard de la Morinière, vice-président du groupement avicole de la coopérative agricole du Morbihan (CAM56), est éleveur de vaches laitières et de canards en Ille-et-Vilaine. Pour les lots de canards de chair, il appelle le technicien avicole Bernard Chauvin uniquement en cas de problème : « L’arrêt de la progression de la consommation d’aliment, une consommation d’eau qui s’emballe, une hausse de la mortalité de 0,2 % en vingt-quatre heures ou supérieure à 1 %, ou encore un comportement anormal des animaux. » Deux fois par jour, il enregistre les températures minimale et maximale, la consommation d’eau, la mortalité. En élevage de chair, les animaux sont pesés à partir de trente-cinq jours à raison d’une fois par semaine. Pour lui, un technicien doit posséder trois qualités : « La confiance, la compétence et la convivialité. » « Si je suis absent lors de son passage, je lui fais confiance, je fais ce qu’il me dit ou bien je ne me tracasse pas », explique l’éleveur. « Avec ses trente années d’expérience, Bernard connaît bien la production. Il rend compte de la gravité d’un problème à Claire Lefort, vétérinaire du groupement. De plus, il faut de l’empathie pour pouvoir travailler ensemble. Cela fait seize ans que nous coopérons. » Pour Bernard de la Morinière, l’évolution du métier de technicien a déjà eu lieu, avec un rôle accentué de transmission, de vulgarisation de la technique. « Il doit tout faire pour qu’aucun problème sanitaire ne se déclare. Il possède le socle de compétences zootechniques nécessaires. » Pour cet éleveur, également membre du conseil d’administration d’un Groupement de défense sanitaire (GDS 35), le travail du technicien s’arrête quand le problème sanitaire est déclaré, comme une hausse de la mortalité. A la CAM56, les techniciens n’ont aucune mission commerciale. Lors des états généraux de la profession vétérinaire de décembre dernier, Bernard Chauvin a présenté les missions sanitaires qu’il effectue en routine, la réalisation de prélèvements, avec les chiffonnettes nécessaires au dépistage des salmonelles et les prises de sang destinées aux examens sérologiques, la mise en place des protocoles de décontamination, les contrôles de désinfection.

Ce travail autonome est loin d’être solitaire. Au sein de la CAM56, les observations et les enregistrements de Bernard Chauvin alimentent la circulation d’informations entre les usines d’aliment, les couvoirs, les abattoirs. Très encadré, le volet sanitaire de son activité s’intègre dans un travail d’équipe, au sein du groupement, avec le vétérinaire salarié qui manage les plans sanitaires d’élevage, la gestion sanitaire de l’activité volaille, les audits d’élevage. Pour l’activité volaille de chair, il travaille également en partenariat avec un réseau de vétérinaires de proximité.

Quel impact aura l’arrêté Riaucourt sur ce travail d’équipe et le management du sanitaire ? Du point de vue économique, les filières s’appauvrissent en raison de la perte de marge. Du point de vue sanitaire, l’externalisation de l’encadrement sanitaire des filières intégrées permettra-t-elle aux organisations de continuer à accompagner le maintien et l’amélioration de la prévention en élevage ? « C’est la guerre économique », souligne Bernard de la Morinière.

  • (1) Est retenue la définition donnée lors des états généraux de la profession vétérinaire à Ploufragan (voir La Semaine Vétérinaire n° 1250 des 23 et 30/12/2006 en page 18). Les acteurs de l’acte vétérinaire sont les vétérinaires, les éleveurs, les détenteurs d’animaux de rente, les paraprofessionnels tels que ceux définis par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et ceux qui exercent des médecines alternatives.

  • (2) Le prix de vente de l’aliment est garanti pour les six mois qui suivent la signature du contrat.

  • (3) Consulter l’espace web du ministère de l’Agriculture, http://info.portea.fr/UN-METIER.67.0.html?nummetier=193

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