La numération formule leucocytaire permet de caractériser un phénomène inflammatoire

Au cours du printemps, un veau limousin âgé de quinze jours présente une polypnée modérée et une tachycardie forte. L’examen clinique ne révèle ni omphalite, ni polypnée, ni jetage, d’où une suspicion de myopathie ou de pneumonie. « La numération formule leucocytaire a permis de lever le doute », a expliqué notre consœur Marie-Anne Arcangioli, maître de conférences en pathologie des animaux de production à l’école vétérinaire de Lyon, à l’occasion du congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV).

Les 24 600 leucocytes, 14 514 polynucléaires neutrophiles (59 %), 9 594 lymphocytes (39 %) et 492 monocytes (2 %) ont permis de poser un diagnostic et de mettre en place le traitement spécifique de la pneumonie. « Ces résultats sont d’ailleurs évocateurs d’un phénomène abcédatif. » La numération formule leucocytaire a pour intérêt de permettre au praticien de trancher entre un phénomène inflammatoire ou non, son stade (aigu ou chronique), son mécanisme (par exemple, immunopathologique) et son pronostic. Les valeurs usuelles retenues chez les bovins (^{voir tableau 1}) varient selon l’âge et la race de l’animal (^{voir tableau 2 en p. 44}).

L’interprétation des résultats exprimés en pourcentages nécessite de la prudence. « En effet, 60 % de neutrophiles pour une leucocytose de 5 000, chez un animal âgé d’un an, signent non pas une neutrophilie, mais une leucopénie due à une lymphopénie, soit 1 500 lymphocytes au lieu de 6 000 normalement » ( ^{voir tableau 3 en p. 44}). Les inflammations aiguës, chroniques, les maladies à composantes immunopathologiques et les affections comportant une forte proportion de tissus lésés ou une libération d’histamine provoquent une augmentation du nombre et du pourcentage de polynucléaires. Les inflammations aiguës se caractérisent par une leucocytose moyenne à forte et une neutrophilie marquée. La numération formule leucocytaire d’une vache laitière atteinte de mammite suppurée (^{voir tableau 4}) témoigne de la leucocytose modérée observée lors d’inflammation chronique et de l’éosinophilie liée à l’atteinte parenchymateuse délabrante.

L’hyperéosinophilie est courante chez les bovins

Si certaines parasitoses, telles que les protostrongyloses, provoquent une augmentation du nombre de polynucléaires éosinophiles, l’interprétation de l’éosinophilie, chez les bovins, ne doit pas être réduite à l’infestation parasitaire. En effet, une hyperéosinophilie due à la résorption d’histamine est relevée, par exemple, dans les cas d’acidose du rumen et lors de traumatismes délabrants étendus. Une éosinophilie est également notée lors d’anaphylaxie, d’hypersensibilité de type III, telle celle liée au coryza gangréneux. Un taux de polynucléaires éosinophiles de 12 à 25 % est enregistré lors de l’hypersensibilité de type IV observée dans les cas de poumon fermier. L’hyperéosinophilie peut signer une réponse immune.

L’observation d’une baisse des polynucléaires signe un pronostic sombre

En clientèle, la leucopénie est rarement mise en évidence, car elle est concomitante au début de l’infection virale. Toutefois, lorsqu’une diminution du nombre de polynucléaires est observée, elle signe un pronostic sombre. C’est notamment le cas des infections gangréneuses au stade aigu, des aplasies médullaires dues par exemple à une intoxication par la fougère grand aigle, les furoxones ou les mycotoxines, ou lors d’ehrlichiose avec thrombopénie. Le stress induit aussi une leucopénie consécutive à la libération de corticoïdes, qui limitent la diapédèse des neutrophiles. « Cette diapédèse modérée entraîne un ralentissement de la stimulation des lymphocytes et une apparente lymphopénie », indique Marie-Anne Arcangioli.

L’augmentation des lymphocytes caractérise la leucose enzootique. Toutefois, une lymphocytose légère à modérée est également notée au cours de la convalescence qui suit les maladies infectieuses. Révélatrice de la réponse immunitaire, cette augmentation du nombre de lymphocytes est d’un bon pronostic.

Notre consœur a pointé l’évidente obligation d’un prélèvement et d’une analyse de qualité. « La ponction jugulaire doit être propre et franche. Le prélèvement sur tube EDTA doit être mélangé par retournement. » Ce prélèvement est à conserver à une température de 4 °C, après un refroidissement à température ambiante, et doit parvenir au laboratoire dans les vingt-quatre à quarante-huit heures. « N’oublions pas qu’un frottis sanguin est vite fait et facile. Il permet de voir des choses que la machine ne dit pas », a conclu Marie-Anne Arcangioli. Faut-il privilégier un automate ouvert ou fermé ? Selon notre consœur, pour les caprins, un système ouvert est à privilégier. Les automates fermés testés pour les bovins donnent des résultats corrects.