L’arsenal thérapeutique vétérinaire en cardiologie se renforce

De nombreux cas cliniques, en cardiologie et en pneumologie, ont fait l’objet de présentations particulièrement didactiques lors des “cardiofolies” de La Rochelle, organisées par l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) et son Groupe d’étude en cardiologie animale (Geca), du 28 au 30 septembre dernier. Plus de cent trente confrères ont participé à ces journées, animées par onze conférenciers (Juliette Andrejak, Patrick Bergeaud, Eric Bomassi, Isabelle Bublot, Michel Collet, Jean-Philippe Corlouer, Lionel Fabriès, Juan Hernandez, Jean-François Rousselot, Isabelle Testault et Marie-Hélène Piette).

Des affections courantes chez le chien (comme les endocardioses valvulaires ou la cardiomyopathie dilatée) aux troubles moins fréquents (tels que la fibrose pulmonaire idiopathique, le reverse sneezing ou l’angiostrongylose), les sujets proposés étaient variés. Le chat n’était pas oublié, avec des exposés concernant les myocardiopathies hypertrophiques occultes, l’hypertension artérielle ou encore les thrombo-embolies. L’utilisation de molécules telles que les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), le pimobendane ou le furosémide a également été abordée.

Une action bénéfique de la spironolactone sur la fibrose chez l’homme

A l’occasion du lancement en médecine vétérinaire de la spironolactone (Prilactone®), notre confrère Nicolas Maerten, chef de gamme “petits animaux” chez Ceva Santé animale, avait invité Luc Hittinger, professeur de cardiologie à la faculté de médecine de Créteil et directeur de recherche à l’Inserm. Il a présenté l’utilisation des antagonistes de l’aldostérone dans l’insuffisance cardiaque de l’homme et du chien. Chez l’homme, la cardiopathie ischémique (postinfarctus) est responsable de la moitié des cas d’insuffisance cardiaque, suivie par l’hypertension artérielle (30 %), la cardiomyopathie dilatée (10 %) et les valvulopathies aortiques et mitrales (5 %). Chez le chien, les causes diffèrent : l’insuffisance mitrale dégénérative est la plus fréquente (80 % des cas), suivie par la cardiomyopathie dilatée (10 %).

Luc Hittinger a évoqué l’étude Rales⁽¹⁾, en médecine humaine, qui inclut 1 663 patients insuffisants cardiaques sévères (stades 3 et 4 de la classification NYHA). Ces patients sont séparés en deux groupes : le premier reçoit un traitement standard (IECA et furosémide) et de la spironolactone, l’autre un traitement standard et un placebo. Trois ans plus tard, une réduction du risque de mortalité de 30 % est notée dans le groupe “spironolactone”, comparativement au groupe “placebo”. Une analyse complémentaire montre une action bénéfique de la spironolactone sur le remodelage du myocarde (diminution de la fibrose) lors d’insuffisance cardiaque.

Une réduction de 65 % du risque de mortalité est notée chez le chien

Une étude en double aveugle à moyen et long termes, menée par Ceva, a inclus 221 chiens présentant une maladie valvulaire dégénérative (89 %) ou une cardiomyopathie dilatée (11 %), majoritairement en stade II (classification ISACHC). Les chiens sont traités avec un IECA et du furosémide si nécessaire. Un groupe reçoit, en plus du traitement standard, de la spironolactone (Prilactone®) à la dose de 2 mg/kg par voie orale, l’autre groupe est soumis au traitement standard et au placebo. L’espérance de vie et six paramètres liés à la qualité de vie (dyspnée, toux, syncope, mobilité, activité et comportement) sont évalués. Les résultats à J84 montrent une différence significative pour les syncopes et la dyspnée dans le groupe “spironolactone”. A quatorze ou quinze mois, les différences sont significatives (p < 0,05) pour la dyspnée, la toux, la syncope et la mobilité en faveur de ce même groupe. A moyen et long termes (quatorze à quinze mois), une réduction de 65 % du risque de mortalité est notée dans ce groupe. A trois ans, la réduction est de 59 %. En outre, la tolérance (objectivée notamment par des mesures de kaliémie, d’urémie et de créatinémie) est bonne.

« Les effets délétères de l’aldostérone sur la progression de l’insuffisance cardiaque sont démontrés, rappelle Luc Hittinger. En bloquant directement les récepteurs de l’aldostérone, la spironolactone s’oppose aux effets de l’aldostérone sur le remodelage et la fibrose. Les conséquences sont une amélioration des signes cliniques et une augmentation de la survie. »

Pour répondre au succès de ce week-end, une session “de rattrapage”, avec un programme identique et les mêmes intervenants, est prévue du 23 au 25 mai prochain, toujours à La Rochelle.

• (1) B. Pitt et coll. : « The effect of spironolactone on mordity and mortality in patients with severe heart failure.

• Randomised aldactone evaluation study investigators », New England Journal of Medicine, 1999, vol. 341, n° 10, pp. 709-717.