Que deviennent les vices non recensés par le Code rural ? - La Semaine Vétérinaire n° 1284 du 28/09/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1284 du 28/09/2007

Action en garantie dans les ventes d’animaux domestiques

Gestion

QUESTIONS/RÉPONSES

Auteur(s) : Céline Peccavy

Pour les éleveurs, une maladie non listée dans les vices rédhibitoires ne peut leur causer de soucis. Or cette affirmation ne se vérifie pas toujours.

1 QUELS SONT LES VICES RECONNUS PAR LES TRIBUNAUX ?

L’article R213-2 du Code rural donne aujourd’hui la liste des vices rédhibitoires. Il précise que ce sont les « seuls » à ouvrir droit à une action en justice reposant sur les articles 1 641 à 1 649. Le terme « seuls » incite à comprendre qu’il n’existe que six maladies recensées pour le chien et quatre chez le chat. Seules ces affections devraient permettre à l’acheteur d’obtenir gain de cause devant un tribunal sur le fondement du Code rural. Toutefois, le délai de trente jours pour agir, qui court à compter de la livraison de l’animal, est bien trop court pour espérer un succès judiciaire.

2 QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE VICE REDHIBITOIRE ET VICE CACHÉ ?

La théorie des vices cachés est fondée sur les dispositions du Code civil, qui sont, depuis toujours, bien plus attractives. La réparation du vice reconnu sur ce fondement peut être demandée, depuis 2005, jusqu’à deux ans après la découverte de celui-ci. Auparavant, l’acheteur disposait déjà de plusieurs mois pour agir, ce qui est sans comparaison avec le délai de trente jours. Le demandeur en justice a donc intérêt à faire reconnaître le problème de son chien comme un vice et à ce que ce vice soit jugé selon les fondements civils.

De là est née la distinction que font encore beaucoup d’éleveurs entre vices rédhibitoires et vices cachés. Les tribunaux ont en effet raisonné de façon binaire : les vices rédhibitoires devaient être traités selon les dispositions du Code rural, les autres, dits vices cachés, selon celles du Code civil. Pour exemple, dans un arrêt du 16 février 1998, la cour d’appel de Grenoble a considéré que pour un chien atteint d’une pyodermite évoluant en dermite atopique, l’acheteur était parfaitement justifié à engager une action estimatoire, fondée sur le Code civil, dès lors que cette affection n’est pas mentionnée dans l’énumération figurant au Code rural.

3 POURQUOI Y A-T-IL EU UN REVIREMENT DES TRIBUNAUX EN 2001 ?

Le revirement majeur intervenu en 2001 a été l’œuvre de la Cour de cassation. Dans une affaire qui a occupé les tribunaux plusieurs années, deux chattes étaient au cœur du problème. L’une présentait une implantation dentaire défectueuse au niveau de la mâchoire supérieure, l’autre une cataracte sénile bilatérale, une insuffisance cardiaque avec souffle et une amyotrophie généralisée. De prime abord, rien qui puisse être classé dans la liste des vices rédhibitoires.

Le raisonnement logique de la cour, dans la droite ligne de la jurisprudence précédente, aurait dû être de considérer l’action sur le fondement du Code civil recevable. Mais il n’en a rien été. Par un arrêt en date du 6 mars 2001, la Haute Cour a tranché différemment : « Pour faire droit à la demande de M. X, l’arrêt attaqué s’est fondé sur les dispositions des articles 1 641 et suivants du Code civil. En se déterminant ainsi, alors que l’action en garantie dans les ventes d’animaux domestiques est régie, à défaut de convention contraire, par les dispositions du Code rural, la cour d’appel qui n’a pas constaté l’existence d’une telle convention a violé les textes susvisés. » Le revirement est clair : vice rédhibitoire ou non, c’est le Code rural qui devait être appliqué, sauf si les parties en avaient décidé autrement et l’avaient expressément signalé.

4 POURQUOI LA POSITION ACTUELLE EST-ELLE TOUJOURS FLOTTANTE ?

La Cour de cassation influence et guide les juridictions inférieures dans le raisonnement et la position à adopter. Depuis 2001, bon nombre de tribunaux ont donc adopté ce principe de priorité du Code rural. Malgré tout, certaines juridictions continuent à ignorer ce revirement et appliquent les anciens principes. Le tribunal d’instance d’Uzès, dans un jugement du 2 septembre 2004, a considéré que le chien de race Terre-neuve étant atteint de dysplasie des deux coudes et non de dysplasie coxofémorale, souffrant donc d’une maladie ne pouvant être considérée comme un vice rédhibitoire, « le litige doit être pris en considération au regard des dispositions des articles 1 641 et suivants du Code civil, ainsi que cela a déjà été jugé par la Haute Cour lorsque l’animal est atteint d’une maladie non visée aux dispositions du Code rural ». S’agit-il d’une prise réelle de position ou d’un manque d’information du tribunal ?

Toujours dans la même volonté de ne pas suivre le revirement de la Haute Cour, la juridiction de proximité de Versailles, dans un jugement en date du 8 juin dernier, pour un chien décédé d’une coccidiose intestinale, a considéré que « au verso de l’attestation de vente du chiot sont rappelées les dispositions relatives aux vices rédhibitoires. Ces dispositions prévoient que l’action doit être exercée dans un délai de trente jours à compter de la livraison de l’animal dans six cas de maladies des espèces canines. Cette attestation de vente étant le contrat de vente liant les parties constitue une convention contraire puisqu’elle limite explicitement à six cas de maladies précisément énumérées le délai de trente jours dans lequel doit s’exercer l’action en garantie. La coccidiose intestinale n’étant pas citée parmi ces six cas, l’action de M. X exercée postérieurement à l’expiration du délai de trente jours suivant la livraison de l’animal est recevable ». On n’y aurait jamais pensé !

A SAVOIR

• Degrés multiples de juridiction. Les cours d’appel sont là pour sanctionner les mauvais jugements rendus et la Cour de cassation est chargée de faire de même avec les arrêts des cours d’appel. Un premier jugement n’est donc jamais définitif. Toutefois, les jugements rendus par les nouvelles juridictions de proximité ne sont susceptibles de recours que devant la Cour de cassation, et non en cour d’appel.

• Unicité de la procédure d’indemnisation. Que le vice soit reconnu par le Code civil ou par le Code rural, la procédure d’indemnisation de l’acheteur est toujours la même : il a le choix entre rendre l’animal et être remboursé intégralement du prix de vente ou garder l’animal et ne se faire rembourser qu’une partie du prix.

Questions fréquentes

• La liste des vices rédhibitoires peut-elle évoluer ?

Oui. Le fait qu’elle soit inchangée depuis de nombreuses années ne la fixe pas pour autant définitivement. Un décret pourrait tout à fait la compléter ou la restreindre.

• N’importe quelle maladie est-elle susceptible de constituer un vice caché ?

S’il y a maladie, il y a vice. Si la maladie était cachée lors de la vente, il y a vice caché. Mais attention : même s’il y a vice, il n’y a pas forcément matière pour l’acquéreur à obtenir réparation. Une demande en réparation du vice ne se justifie que si ce dernier rend l’animal impropre à sa destination.

C. P.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr