Que pensez-vous du profil des étudiants d’aujourd’hui ?

Ils sont le reflet de la société actuelle

Il semble que la vie dans nos écoles a simplement suivi l’évolution de la société et nos étudiants, aujourd’hui, en sont le reflet. Ils mettent beaucoup de cœur dans leur formation et ils sont aussi plus sensibles aux pressions psychiques. La culture du travail a changé, ils acceptent moins de cumuler les contraintes. S’ils sont le reflet de la génération des 35 heures, il est vrai qu’on leur en demande davantage avec la mise en place des permanences d’urgence. La préoccupation pour l’avenir me paraît également plus palpable, ils me paraissent plus anxieux que nous ne l’étions à leur âge. Grâce aux formations complémentaires, je les trouve plus performants qu’à une époque où la plupart d’entre nous se formaient après les études, sur le terrain. Je constate aussi en ce moment un regain d’intérêt pour l’orientation rurale. Il faut y voir sans doute un effet positif des efforts de l’école et des interventions des GTV. Contrairement au passé, où ce choix était déterminé d’avance, certains se décident aujourd’hui en cours d’études, y compris des filles. Elles sont maintenant majoritaires dans nos promotions, mais l’effet de cette féminisation se ressent peu, si ce n’est peut-être dans l’ambiance des groupes de clinique, légèrement plus tendue. Il faut souligner enfin que les relations entre élèves et enseignants ont évolué, elles sont moins hiérarchisées. Plusieurs instances ont été mises en place pour permettre aux étudiants de s’exprimer, ils ne s’en privent pas et je crois que nous les écoutons davantage.

Il faudrait mieux les accompagner

Le recrutement des écoles a des traits communs avec celui de l’enseignement supérieur, à savoir une sur représentation des enfants issus de catégories socioprofessionnelles élevées (notamment les professions libérales médicales pour les ENV) et une féminisation commune à toutes les études médicales. Pour la quasi-totalité des étudiants de première année que j’ai interrogés, l’école vétérinaire est leur premier choix, parfois le seul. Concernant leur premier choix professionnel exprimé, la mixte arrive en tête (mais ce n’est peut-être pas encore un vrai choix) ; viennent ensuite, dans un ordre décroissant d’intérêt, la faune sauvage, l’équine, la canine et la rurale. Seule l’équine est corrélée au genre (plébiscité par les filles). Les ENV recrutent des étudiants aptes à s’adapter rapidement à des situations nouvelles, comme le traduisent les retours positifs que nous avons des maîtres de stage. Mais à la différence des agronomes, qui attendent de leurs études qu’elles contribuent à la construction d’un projet professionnel, les vétérinaires ne semblent y voir qu’un temps d’apprentissage de compétences techniques nécessaires à l’exercice du métier de “médecin des animaux”, déjà bien identifié à l’entrée dans les ENV. Même si l’enseignement aujourd’hui a gagné en ouverture (année de professionnalisation, échanges interécoles en France et à l’étranger, passerelles vers l’université ou d’autres grandes écoles), il faudrait sans doute stimuler encore davantage la curiosité des étudiants et mieux les accompagner.

Travailler avec des jeunes qui ont un réel potentiel est stimulant

C’est une bonne question et elle mériterait une étude étayée avec des observations objectives et comparées. En attendant, je resterai prudent, car l’écart peut être grand entre la perception et la réalité. L’évolution du profil, au cours des dernières années, est sans doute corrélée au moins en partie à la féminisation.

L’engouement pour la faune sauvage (qui a toujours existé avec les étudiants de première année, qu’ils soient garçons ou filles) a progressivement été concurrencé par l’attirance pour la médecine équine (majoritairement chez les filles). J’ai cependant observé une constante chez nos étudiants : le décalage important entre la façon dont ils se représentent leur métier en arrivant à l’école vétérinaire et ce qu’ils font ensuite dans la réalité de la pratique. Cette immaturité du projet professionnel exprimé est une spécificité vétérinaire, dans le sens où, par rapport aux autres filières d’études, le projet initial est ici fortement marqué.

Par ailleurs, je peux dire que je suis toujours étonné par l’esprit d’entreprise et la curiosité des étudiants. Nous sous-estimons certainement leur richesse. Il n’y a qu’à remarquer le foisonnement actuel des activités périscolaires ou l’importance en dernière année des projets personnels qui sortent des sentiers battus (environ 10 %). Etre confronté à des jeunes gens avec un tel potentiel est stimulant pour nous et il me semble fondamental que l’enseignement reste à l’écoute de cette diversité et puisse produire les situations qui permettent à ces talents de se révéler.