Savoir féliciter ou réprimander est un enjeu pour le manager

La voix tonitruante de Jean-Bertrand s’entend depuis le rez-de-chaussée de la clinique : « Bon alors, le flacon de pénicilline, ça vient ou c’est pour demain ? » Françoise lève les yeux au ciel : « Celui-là, toujours à tout gérer à la dernière minute ! » Quand elle revient de la salle d’opération, elle a l’air plutôt morose. « Et comme d’habitude, pas un merci. Et vous savez ce qu’il m’a dit quand je suis arrivée : “Puisque vous êtes là, mettez un gant et augmentez-moi le débit de la perfusion.” Point, terminé. »

« Il ne sait pas demander les choses ni faire de compliments », ajoute Audrey. « Et quand on est en consultation avec lui, on ne tient jamais assez bien l’animal », renchérit Marie-Hélène.

L’insuffisance de communication engendre du stress chez le personnel

Focalisés sur nos tâches quotidiennes, nous oublions que l’être humain est communiquant, par les paroles ou via des moyens non verbaux (gestes, postures, intonations, etc.). La communication vers nos collaborateurs développe leur confiance en nous et leur motivation. C’est un enjeu majeur pour tout manager, et donc pour le vétérinaire. Dans ce domaine, au-delà du simple remerciement, il lui incombe la tâche, petite par le temps passé mais grande par ses conséquences, de savoir exprimer une satisfaction ou une réprimande, voire de faire un petit entretien informel de bilan (feed-back).

Plusieurs raisons sont invoquées par le chef d’entreprise pour expliquer ses manques de communication. La première est de dire « je suis de nature bougonne et c’est comme ça ! ». Pour ceux qui se reconnaissent dans ce profil, et sans les obliger à être aimables avec leur personnel, les résultats d’une enquête menée en 2002 par le cabinet Cubiks sont édifiants : parmi les trois sources majeures de stress chez les salariés, l’insuffisance de communication arrive en deuxième position (58 % des réponses) derrière la surcharge de travail (60 %) et devant l’insécurité de l’emploi (49 %). Près de la moitié des employés estiment que les relations avec leur manager sont une source importante de stress et 68 % estiment que leur stress n’est pas pris en compte par leur hiérarchie.

Ensuite est invoqué le manque de temps, et enfin le « je ne sais pas comment faire ».

Une méthode rapide et efficace pour remédier au manque de feed-back

Pour ces deux dernières catégories, il existe une méthode simple⁽¹⁾, qui suit la même logique pour féliciter ou réprimander, et qui ne prend réellement qu’une minute !

• Dites clairement au salarié que vous allez lui faire part de vos réactions vis-à-vis de son travail.

• Complimentez (« je vous félicite ») ou réprimandez (« vous avez fait une erreur ») sincèrement, directement et sans fioriture.

• Dites à la personne en quoi son comportement était bon ou mauvais, en étant précis (c’est essentiel) : « Vous avez fait cela, agi comme ceci, à tel moment, à tel endroit, etc. »

• Puis faites-lui part de vos sentiments : plaisir, satisfaction, contentement pour soi ou pour l’équipe, ou au contraire colère, frustration, tristesse, déception, etc.

• Laissez passer quelques secondes de silence, en restant en contact visuel, pour laisser le temps à votre interlocuteur d’apprécier ce feed-back.

• Puis encouragez-le à continuer sur cette voie (si félicitations) ou rappelez-lui combien vous l’appréciez (si réprimande).

• Serrez-lui la main ou posez-la sur son épaule pour réaffirmer votre soutien et prenez congé.

Et quand le moment des félicitations ou des réprimandes est terminé, il est… terminé !

Cette méthode donne par exemple le dialogue suivant : « Françoise, il faut que je vous dise : vous avez été vraiment efficace ce matin pour gérer M. Cerque et son achat d’aliment. Bravo ! Et Catherine m’en a aussi fait la remarque (pause puis serrer la main). Vous avez de vraies qualités de négociation. » Ou encore : « Sophie, j’aimerais vous parler après l’opération du chat. Je ne suis pas satisfait de la manière avec laquelle vous parlez à Audrey. Hier, j’ai pu assister à votre dialogue avec elle (description du comportement de Sophie). J’en suis mécontent, car cela nuit à l’efficacité de l’équipe des auxiliaires (pause puis main sur l’épaule). Ceci étant, je sais que vous êtes quelqu’un de valeur et j’aime votre implication dans votre travail. »

En dépit du trac des premiers essais (c’est vrai que cela fait bizarre), cela vaut le coup d’essayer cette méthode, car ensuite on y revient tant c’est efficace ! Il convient de préciser qu’il est en outre d’autant plus facile d’évaluer quelqu’un quand des objectifs précis lui ont été assignés…

• (1) K. Blanchard et S. Johnson : Le Manager minute, ed. Eyrolles, éditions d’Organisation.