La relation entre consanguinité et déplétion immunitaire est établie chez certains oiseaux - La Semaine Vétérinaire n° 1281 du 07/09/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1281 du 07/09/2007

Génétique de conservation

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Alain Zecchini

Les conséquences de la consanguinité sont observées chez le miro rubisole et le bruant chanteur.

Peu d’études, jusqu’à présent, ont évalué la relation entre la consanguinité et la diminution de la compétence immunitaire qu’elle induirait. C’est pourtant un point essentiel, surtout pour les petites populations, bien davantage sujettes à la consanguinité que les autres. De nombreuses espèces sont maintenant en déclin dans la nature, pour de multiples causes. Elles peuvent passer par un goulet d’étranglement, c’est-à-dire une réduction brutale d’effectifs, qui génère une consanguinité. Elles sont alors davantage susceptibles d’être affectées par des agents pathogènes. Deux espèces de passereaux ont été étudiées en fonction de cette problématique globale. Dans chacune, la consanguinité était bien responsable d’une réponse réduite du système immunitaire.

La réintroduction d’espèces menacées doit tenir compte des goulets d’étranglement

Pour la première espèce, le miro rubisole (Petroica australis), une comparaison a été faite entre la population de l’île de Nukuwaiata et celle de l’île de Motuara, au nord de l’île au sud de la Nouvelle-Zélande(1). En 1973, cinq oiseaux de Nukuwaiata ont été introduits à Motuara, où l’espèce avait disparu. Cette population fondatrice a donc présenté un goulet d’étranglement par rapport à la population d’origine. Bien que les effectifs se soient multipliés dans les années suivantes, des éclosions défectueuses et des portées réduites sont toujours constatées, ce qui suggère une dépression de consanguinité. Les analyses génétiques confirment que chez les passereaux de Motuara, la variabilité génétique est moins élevée que chez ceux de Nukuwaiata.

Les oiseaux des deux îles ont subi trois séries de tests. Ils concernaient la charge parasitaire (acariens, mouches, nématodes gastro-intestinaux et coccidies), la formule lymphocytaire et le test à la phytohémagglutinine (PHA), négatif quand l’immunité cellulaire est affectée. Le premier test n’a pas été significatif. Les deux populations abritent bien les acariens et les mouches supposés, mais sans différences réelles entre elles, et pas de nématodes ni de coccidies. En revanche, à Nukuwaiata, les oiseaux ont des taux de leucocytes manifestement plus élevés. S’agissant du test à la PHA, les résultats sont sensiblement les mêmes entre les populations. Toutefois, une variation saisonnière importante est relevée. En automne, les passereaux de l’île d’origine ont une réponse immunitaire accrue par rapport à ceux dont les ancêtres étaient passés par un goulet d’étranglement. Pour les auteurs, les hypothèses de départ sont confirmées dans une large mesure. Certes, la comparaison de la charge parasitaire n’est pas probante. Mais au niveau cellulaire, le système immunitaire des oiseaux de Motuara semble affaibli par rapport à ceux de Nukuwaiata, avec moins de leucocytes et une plus faible réponse immunitaire en automne. La différence entre les niveaux de leucocytes aurait pu s’expliquer par une épidémie affectant la population de Motuara, mais rien de tel n’a été observé. Les chercheurs reconnaissent aussi qu’un autre système joue un rôle dans cette réponse : le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH). Mais ils rappellent, et cela confirme leurs propres travaux, qu’une étude avait montré, en 2004, que la diversité du CMH des oiseaux de Motuara était réduite. Ceci reflète la perte de diversité génétique subie, au départ, par cette population.

La dépression de consanguinité est en partie liée au sexe

La deuxième expérimentation a permis d’apprécier l’immunocompétence de bruants chanteurs (Melospiza melodia) réagissant à l’injection de PHA dans la membrane alaire, ainsi qu’à la vaccination avec les toxoïdes du tétanos et de la diphtérie dans le muscle pectoral(2). Ces oiseaux provenaient de l’île Mandarte, située à distance des côtes de la Colombie britannique, au Canada. Cette population est également petite. Elle est étudiée depuis 1975. Tous les oiseaux sont connus, et pour chacun d’entre eux le degré de consanguinité est établi d’après ses relations familiales. Les résultats ont montré que les réponses immunitaires déclinaient, tant pour la PHA que pour les tests diphtérique et tétanique, en proportion de l’accroissement de la consanguinité. Et ce, avec des disparités entre les sexes : la réponse à la PHA était plus faible chez les mâles que chez les femelles ; la réponse au tétanos, pour ces dernières, était moins prononcée que pour les mâles. Cela semble indiquer, selon les auteurs, que la dépression de consanguinité est en partie liée au sexe. Toutefois, la cause n’en est pas connue ; il pourrait s’agir de mécanismes physiologiques concernant notamment l’effort de reproduction, mais des études supplémentaires sont nécessaires. Le plus important néanmoins, estiment les chercheurs, est de souligner une fois de plus que même un degré moyen de consanguinité affecte la survie des populations, parce que l’immunité est mise en jeu. Une diversité génétique substantielle représente bien la “garantie”, même relative, permettant aux organismes de s’adapter avec succès à leur environnement et de repousser les menaces parasitaires.

  • (1) K. A. Hale et J. V. Briskie : « Decreased immunocompetence in a severely bottlenecked population of an endemic New Zealand bird », Animal Conservation, n° 10, 2007.

  • (2) J. Reid et coll. : « Inbreeding effects on immune response in free-living song sparrows (Melospiza melodia) », Proceedings of the Royal Society B, vol. 274, n° 1610, mars 2007.

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