La douve : un ancien parasite, mais une nouvelle émergence dans les élevages - La Semaine Vétérinaire n° 1281 du 07/09/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1281 du 07/09/2007

Parasitologie

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Paul Perié

A l’avenir, les praticiens seront confrontés à une résurgence de la douve. Cette affection est souvent sous-estimée, alors qu’elle engendre des pertes économiques non négligeables pour l’éleveur.

Les douves sont des plathelminthes qui vivent dans le foie, les canaux biliaires, le rumen, le réseau et les vaisseaux sanguins. Fasciola hepatica a été identifiée pour la première fois au XIIIe siècle. Il existe désormais une quarantaine d’espèces, mais seuls quelques trématodes parasitent les ruminants. Dans les régions tempérées, il s’agit essentiellement de Fasciola hepatica et de Dicrocoelium lanceolatum, qui se logent au niveau du foie, ainsi que de Paramphistomum daubneyi, dans les estomacs antérieurs.

Les symptômes d’une fasciolose chronique sont bienconnus, mais les conséquences d’une atteinte subclinique sont souvent sous-évaluées : gain de poids modéré, diminution de la production laitière et de la fertilité. Le parasitisme constitue une véritable perte économique. Selon certains auteurs, cette affection entraîne une perte moyenne de 299 € par vache.

Des recherches récentes en immunologie ont entraîné un regain d’intérêt pour cette maladie. Le parasite serait à l’origine d’une diminution de la réaction immunitaire face à une infection virale ou bactérienne. Par ailleurs, malgré des traitements répétés, la prévalence de F. hepatica reste élevée. D. lanceolatum et P. daubneyi sont en outre de plus en plus fréquemment rencontrés en élevage bovin.

Notre confrère Philippe Dorchies, professeur de parasitologie à l’école vétérinaire de Toulouse, a expliqué les raisons de l’expansion de ces parasites et présenté les différentes techniques de diagnostic, ainsi que les mesures de contrôle de ces affections, à l’occasion du congrès mondial de buiatrie, organisé à Nice en octobre dernier.

La survie de Fasciola hepatica est favorisée par certaines pratiques d’élevage

La mondialisation, les contraintes de la politique agricole commune (Pac) et les exigences du public sont à l’origine de nombreux changements dans l’agriculture en général et l’élevage en particulier. L’accroissement de la culture biologique, ainsi que l’extensification et les modifications climatiques expliquent en partie les modifications considérables de la faune parasitaire et l’expansion de certains trématodes tels que D. lanceolatum. En outre, l’utilisation massive et pas toujours raisonnée d’antiparasitaires est à l’origine du développement de résistances qu’il faut désormais surveiller. Le cycle des douves est indirect, et nécessite un ou deux hôtes intermédiaires. La multiplication et l’évolution des différents stades larvaires exigent des conditions environnementales strictes.

Le cycle de Fasciola hepatica réclame l’intervention d’une limnée qui assure la multiplication clonale et la production de plusieurs centaines de larves cercaires après sept à huit semaines. La survie de la limnée, le taux d’escargots infectés et le nombre de larves produites varient considérablement selon la zone géographique. Ce parasite, essentiellement d’origine bovine, se multiplie préférentiellement dans les régions humides. Dans le centre de la France, entre 1990 et 1999, 11,3 à 25,3 % des élevages étaient excréteurs. Néanmoins, une diminution de sa prévalence a été mise en évidence depuis la sécheresse de 2003.

Différents facteurs favorisent la survie de la douve dans l’environnement :

- l’extensification de l’élevage ;

- l’utilisation d’herbages où les limnées se multiplient activement ;

- le défaut de nettoyage des fossés et du réseau de canalisations ;

- le développement des fermes biologiques ;

- l’affluence de ruminants sauvages (chevreuils, cerfs, etc.) qui constituent des réservoirs de douves ;

- le sous-dosage des antiparasitaires ;

- l’utilisation non raisonnée des antihelminthiques face à un stade parasitaire donné (adulticide/larvicide).

La prévalence de Paramphistomum daubneyi s’accroît en France

L’helminthe Dicrocoelium lanceolatum fait appel à un hôte intermédiaire vivant en milieu sec : l’escargot ou la fourmi. Il est particulièrement prolifique mais peu pathogène. Il parasite les canaux biliaires de l’hôte définitif et cause des lésions hépatiques. Pendant des années, seuls les moutons et les chèvres semblaient porteurs de ce parasite. Cependant, de plus en plus de signes cliniques liés à cette parasitose sont rapportés chez les bovins. L’infestation peut s’accompagner de douleurs abdominales, d’un appétit capricieux, d’une baisse de la lactation, voire d’une météorisation chronique. D’après une étude menée en France entre 1994 et 1996, 11 à 32 % des bovins seraient infestés, mais il existe encore peu de publications à ce sujet.

En France, la prévalence du trématode Paramphistomum daubneyi s’accroît depuis trente ans. Il y a été identifié dans plus de trente départements. D’après de récentes études, jusqu’à 33 % des bovins allaitants et 52 % des vaches laitières sont infestés. La biologie de ce parasite est proche de celle de la douve du foie. Ses effets sur la croissance, la production laitière et la fertilité sont moins importants que ceux induits par Fasciola hepatica, mais ils sont souvent sous-estimés. Plusieurs facteurs peuvent expliquer la croissance récente de cette affection, comme le grand nombre de limnées et le manque de molécules efficaces et autorisées.

L’examen coprologique met en évidence la présence de douves

Différentes techniques de laboratoire sont disponibles et permettent de faciliter le diagnostic. Pendant de nombreuses années, celui de la fasciolose reposait sur la coproscopie. Actuellement, plusieurs tests sérologiques sont disponibles. Dans un proche avenir, un test Elisa-antigène devrait permettre d’identifier précisément les bovins infestés.

La coprologie est l’examen standard. Elle fait appel à des méthodes de sédimentation ou de flottaison (technique de Mac Master). Le comptage des œufs est assez simple et peu onéreux. Cependant, la sensibilité de cette procédure reste moyenne (30 %). En effet, l’excrétion d’œufs est irrégulière et parfois faible, ce qui peut amener à des résultats faussement négatifs. En revanche, il est très spécifique et permet de mettre en évidence un foyer d’infestation de façon certaine. Les analyses de fèces sont ainsi utiles au praticien pour révéler la présence de douves, mais elles doivent être interprétées selon le contexte épidémiologique.

Les concentrations des différentes enzymes hépatiques (glutamate déshydrogénase et glutamate-oxalo-acétate aminotransférase) augmentent lors de la migration parasitaire, en particulier en cas d’infection par Fasciola hepatica. De même, la concentration en gamma-glutamyl transférase s’accroît à la suite de la pénétration des parasites dans les canaux biliaires, huit à dix semaines après l’infestation. Le dosage des enzymes hépatiques peut ainsi aider au diagnostic. Malheureusement, ces tests biochimiques sont chers et non spécifiques.

La sérologie ne permet pas de dater la circulation du parasite

Le plus souvent, les tests sérologiques font appel à une réaction Elisa. Cette technique permet de savoir si les douves circulent ou ont circulé dans l’élevage, et de déterminer la période optimale de traitement. Il s’agit d’une méthode sensible, spécifique, facile à mettre en œuvre et peu onéreuse. Cependant, un résultat positif ne signifie pas systématiquement que la douve circule dans l’élevage à ce moment précis, et des réactions croisées avec la tuberculose sont fréquemment observées. Cette procédure peut aussi être mise en œuvre sur des échantillons de lait, mais elle est moins sensible.

En outre, des techniques d’identification des antigènes de Fasciola hepatica dans les selles sont développées depuis quelques années. Elles sont particulièrement sensibles et spécifiques. La concentration en copro-antigènes semble corrélée avec la charge parasitaire et il n’existe pas de relations croisées avec d’autres parasites tels que D. lanceolatum. Cependant, ces méthodes sont onéreuses et ne sont actuellement utilisées que dans le cadre de la recherche.

Eliminer les parasites chez l’animal et supprimer les hôtes intermédiaires

La lutte contre la fasciolose se heurte désormais au développement de la résistance aux douvicides. Par conséquent, elle doit associer un traitement raisonné à la clôture des zones dangereuses.

Jusqu’aux années 60, il n’existait que peu de molécules actives contre la douve sur le marché. Depuis, de nouvelles, plus efficaces et moins toxiques, sont apparues. Les anthelminthiques indiqués dans la lutte contre Fasciola hepatica présentent une grande diversité en termes d’autorisations de mise sur le marché (AMM) et de délais d’attente au sein de l’Union européenne. Différentes molécules peuvent être utilisées selon le type d’élevage et le stade parasitaire : benzimidazoles, salycilanides, nitrophénols, etc. Toutefois, certaines résistances, encore minoritaires, apparaissent.

Actuellement, aucune molécule ne possède d’indication pour lutter contre Dicrocoelium lanceolatum, mais l’albendazole (15 mg/kg) ou le nétobimin (20 mg/kg) peuvent être employés. Ces molécules ne sont pas utilisables chez les vaches en lactation. La difficulté est la même pour Paramphistomum daubneyi. Cependant, il est possible d’administrer de l’oxyclozanide (18,7 mg/kg, deux fois de suite à trois jours d’intervalle). Il convient d’informer les éleveurs que ce traitement induit une diarrhée sévère, qui dure deux à trois jours.

L’autre volet de la lutte repose sur la recherche et l’élimination des hôtes intermédiaires. L’objectif est de réduire la pression parasitaire en agissant sur ces derniers. Les escargots peuvent être récoltés et analysés afin de rechercher les stades larvaires. En présence d’hôtes infestés, l’idéal est de nettoyer les fossés et les canalisations, et d’installer des clôtures à proximité pour éviter la contamination des bovins.

CONFÉRENCIER

Philippe Dorchies, professeur de parasitologie à l’école vétérinaire de Toulouse.

Article rédigé d’après la conférence « Flukes : old parasites but new emergence », présentée lors du congrès mondial de buiatrie, en octobre 2006.

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