Le fibrosarcome intestinal a un fort potentiel métastatique - La Semaine Vétérinaire n° 1280 du 31/08/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1280 du 31/08/2007

Cas clinique

Formation Continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Hélène Queroy*, Sabine Bozon**, Jean-Hugues Bozon***

Fonctions :
*praticien à la clinique vétérinaire Bozon à Versailles (Yvelines).
**praticien à la clinique vétérinaire Bozon à Versailles (Yvelines).
***praticien à la clinique vétérinaire Bozon à Versailles (Yvelines).

Une chienne âgée de quatorze ans souffre de vomissements et de diarrhée d’apparition soudaine. Une masse intestinale abcédée est visualisée à l’échographie.

Une chienne West Highland white terrier âgée de quatorze ans est présentée en consultation d’urgence. Brusquement abattue, elle a déclaré un épisode de vomissements alimentaires et de la diarrhée de couleur foncée le soir même. Aucun antécédent pathologique n’est signalé. Une hyperthermie modérée (39,2 °C) est notée lors de l’examen clinique. La chienne est affaiblie, mais ne présente pas de signes d’état de choc. La palpation abdominale est douloureuse. La tension de l’abdomen ne permet pas d’emblée une évaluation de la forme ou de la consistance des organes. Aucune adénopathie périphérique n’est mise en évidence.

A ce stade, les hypothèses diagnostiques principales sont les gastro-entérites (virales, parasitaires ou bactériennes), les corps étrangers et les tumeurs parmi les causes digestives, et l’insuffisance hépatique ou la pancréatite aiguë parmi les causes métaboliques.

L’hypothèse d’une gastro-entérite virale est tout d’abord retenue. Un traitement symptomatique à base d’une injection unique de bromure de prifinium (Prifinial®, 0,7 mg/kg par voie intramusculaire) suivie d’une prise orale biquotidienne de lopéramide (Lopéral®, 0,2 mg/kg/j), de métoclopramide (Primpérid®, 1 mg/kg/j) et de pansement de la muqueuse digestive (Diarsanyl®) est entrepris. Durant les quarante-huit heures qui suivent, l’état de l’animal ne montre aucune amélioration. L’abdomen reste douloureux, la chienne est anorexique et présente toujours des troubles digestifs. Elle est affaiblie, fébrile et montre une hypotension artérielle systémique (8/4). Des examens d’imagerie ainsi qu’un bilan sanguin sont mis en œuvre.

L’hypothèse d’un élément subocclusif comme un corps étranger ou une tumeur doit être explorée via l’imagerie. Par ailleurs, l’examen échographique du foie et du pancréas peut révéler des masses ou un état inflammatoire. Un bilan biochimique peut mettre en évidence une affection hépato-biliaire ou une insuffisance rénale. Des signes d’infection ou d’inflammation sont recherchés lors de la numération formule sanguine. En outre, les conséquences d’une anorexie et de troubles digestifs prolongés doivent être évalués pour proposer une réanimation efficace (déshydratation, ionogramme, insuffisance rénale prérénale).

L’ionogramme révèle une hypokaliémie modérée (3,3 mmol/l). Une leucocytose neutrophilique, monocytaire et éosinophilique marquée (39 000 globules blancs/µl ; normes : 6 000 à 17 000), ainsi qu’une subanémie (taux d’hémoglobine à 9,6 g/l, norme : 10 à 18) sont notées. Les phosphatases alcalines sont modérément augmentées (137 UI/l, norme : 3 à 60). Une hypoprotéinémie (50 g/l, norme : 58 à 72) est présente. La fonction rénale est préservée.

Une volumineuse masse intestinale est visualisée à l’échographie abdominale

La masse hypoéchogène, remplie d’un liquide exsudatif et impliquant un segment intestinal, est ouverte dans l’abdomen. Une inflammation mésentérique adjacente est notée. Le nœud lymphatique mésentérique est hypertrophié. La masse intestinale abcédée a entraîné une péritonite localisée. Une entérectomie est décidée en urgence. Une réanimation médicale est mise en œuvre pour lutter contre l’hypotension, la douleur abdominale et l’hyperthermie. L’hypotension est corrigée par la mise en place d’une perfusion de Ringer lactate. La douleur est gérée par des injections de morphine (0,1 mg/kg) répétées toutes les quatre heures, ainsi que par l’emploi d’un anti-inflammatoire non stéroïdien, l’acide tolfénamique (Tolfédine®, 4 mg/kg), choisi également pour ses propriétés antipyrétiques.

Une antibiotique à large spectre, la céfalexine (Rilexine®, 45 mg/kg/j) est administré par voie intraveineuse toutes les huit heures pour enrayer le risque de septicémie inhérent à la péritonite.

L’anesthésie est induite par une injection de diazépam (Valium® à la dose de 0,2 mg/kg par voie intraveineuse) et de propofol (Rapinovet®à raison de 4 mg/kg par voie intraveineuse) puis relayée par un mélange gazeux d’isoflurane à 2,5 % dans l’oxygène. L’abord a lieu par la ligne blanche. L’exérèse large d’une masse duodénale tumorale nécrotique en son centre et ouverte dans l’abdomen est réalisée. Les deux segments intestinaux sont abouchés en marges saines par des points simples avec un fil monobrin résorbable lent (Monoplus®). Compte tenu de la péritonite, l’épiploïsation n’est pas possible. Un rinçage abondant est réalisé. La masse est envoyée au laboratoire d’anatomopathologie.

Le lendemain, l’état de l’animal s’améliore. Le bilan sanguin montre une hyperleucocytose postopératoire. La chienne reste à jeun et reçoit une perfusion d’entretien (NaCl glucosé) supplémentée en potassium. L’antibiothérapie et la morphine sont poursuivies. Les jours suivants, l’état général est bon. L’animal est réalimenté progressivement avec un aliment hyperdigestible (Hill’s i/d®) et reçoit du métoclopramide (Primpérid®, 5 mg/kg par voie intraveineuse, trois fois par jour). Un contrôle échographique du site d’entérectomie montre une évolution normale, une résorption de la péritonite, ainsi que la réapparition d’un péristaltisme normal. Quatre jours plus tard, l’animal est rendu à ses propriétaires avec huit jours d’antibiotiques et une alimentation hyperdigestible.

Les tumeurs digestives chez le chien sont fréquemment malignes

L’analyse histologique des prélèvements conclut à un fibrosarcome intestinal. Une semaine après, le contrôle échographique et clinique est satisfaisant. Toutefois, la leucocytose persiste.

Dix jours plus tard, des lésions métastatiques hépatiques et mésentériques sont décelées à l’échographie (environ 1,2 cm de diamètre). La chimiothérapie est refusée par les propriétaires. Cinq jours plus tard, les métastases hépatiques ont doublé de volume. Quatre jours après, un épanchement abdominal apparaît. L’animal s’alimente toujours, mais commence à avoir des nausées. Un traitement de soutien de la fonction hépatique est mis en place (Zentonil®) et du métoclopramide est prescrit pour contrôler les vomissements. Six jours plus tard, la chienne montre un état général dégradé, elle est anorexique et vomit malgré les traitements. Une ponction de l’épanchement abdominal montre un exsudat sérohémorragique au contenu cellulaire (hématies, polynucléaires, cellules cancéreuses en amas). Les métastases hépatiques et mésentériques sont multiples. Certaines atteignent plus de neuf centimètres de diamètre. L’euthanasie est décidée.

Les tumeurs intestinales représentent environ 2 % des tumeurs canines. Elles sont en général malignes. Elles se rencontrent plutôt chez des chiens âgés, après sept ans, avec une moyenne de onze à douze ans. L’adénocarcinome est la tumeur la plus fréquente (plus de la moitié des cas) suivie des léiomyosarcomes puis des lymphomes (plutôt chez des chiens âgés d’environ sept ans). L’adénocarcinome touche souvent l’estomac de façon diffuse. Le léiomyosarcome est plus souvent intestinal. Les tumeurs sarcomateuses sont plus rares.

Les symptômes sont surtout digestifs, avec des vomissements lors de tumeurs hautes (estomac, duodénum), des diarrhées (le méléna est fréquent surtout lors de léiomyosarcome) et une perte de poids lors d’atteintes basses (intestin grêle, côlon). Une anorexie et une émaciation peuvent être observées. La palpation abdominale est souvent douloureuse. Une masse est palpable chez plus de la moitié des chiens.

La radiographie permet souvent de détecter la masse et, dans les cas de syndrome occlusif, un iléus est observé. Un pneumopéritoine peut être le signe d’une rupture intestinale. L’échographie permet d’évaluer les anses intestinales et les autres structures abdominales.

La nature de la tumeur et son extension influencent le pronostic

Si un adénocarcinome non métastasé peut être traité avec succès par la chirurgie (médiane de survie de dix mois), la médiane de survie tombe à trois mois lors d’implication des nœuds lymphatiques. Les sites de métastases à rechercher sont en premier lieu les nœuds lymphatiques, le foie (par échographie) puis les poumons, surtout lors de tumeur gastrique (30 % des chiens), par radiographie. Les métastases sont plus fréquentes et plus précoces lors d’adénocarcinome (70 % des chiens au moment du diagnostic) que lors de léiomyosarcome (30 % des chiens, souvent tardivement après l’opération). La chirurgie peut être curative lors de léiomyosarcome. La chimiothérapie adjuvante ne semble pas être bénéfique lors d’adénocarcinome. Elle peut être employée lors de léiomyosarcome avec métastases et elle est recommandée lors de lymphome.

Dans notre cas, il s’agissait d’une tumeur digestive rare, à fort pouvoir métastatique et de mauvais pronostic. Le fibrosarcome intestinal est décrit comme peu chimiosensible. La chienne présentait un bilan d’extension négatif au moment des premiers symptômes, même si a posteriori le nœud lymphatique mésentérique était peut-être déjà impliqué. La chirurgie lui a permis de vivre dans de bonnes conditions trois semaines avant que les symptômes liés à l’envahissement métastatique ne se déclarent.

BIBLIOGRAPHIE

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