L’intégrité de l’arbre urinaire est vérifiée en cas d’accident - La Semaine Vétérinaire n° 1276 du 30/06/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1276 du 30/06/2007

Cas clinique

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Arnaud Ganne*, Bertrand Pucheu**, Bruno Duhautois***

Fonctions :
*Praticien au service de chirurgie de la clinique vétérinaire Saint-Maur (La Madeleine, Nord).
**Praticien au service de chirurgie de la clinique vétérinaire Saint-Maur (La Madeleine, Nord).
***Praticien au service de chirurgie de la clinique vétérinaire Saint-Maur (La Madeleine, Nord).

Les lésions urinaires doivent être suspectées chez un animal victime d’un accident de la voie publique, quelle que soit la sévérité de l’impact.

Un westie mâle âgé de trois ans est présenté en consultation d’urgence à la suite d’un accident de la voie publique. L’examen clinique ne révèle aucun état de choc. Seule une boiterie du membre postérieur droit est observée. Un bilan lésionnel radiographique thoracique, abdominal et appendiculaire met en évidence la présence d’une fracture proximale spiroïde du fémur droit (voir photo 1). La vessie n’étant pas visualisable, une urétro-cystographie par voie rétrograde est décidée. L’injection d’ioxitalamate de sodium et de méglumine (Télébrix 35® à la dose de 0,5 ml/kg) se fait via une sonde urinaire (à ballonnet, de type sonde de Folley) partiellement introduite dans la partie distale de l’urètre.

Un premier cliché radiographique de profil, pris à la fin de l’injection, montre une fuite urétrale dans la région du col vésical. Une concentration circonscrite du produit de contraste, liée à sa rétention par l’épiploon graisseux périvésical, est observée. Un deuxième cliché, réalisé quelques minutes plus tard, fait apparaître sa diffusion partielle lente dans l’abdomen postérieur et motive la réalisation d’une laparotomie exploratrice (voir photo 2).

Après avoir isolé la vessie, une dissection de la graisse péri-urétrale permet de visualiser le col vésical et l’urètre proximal. L’injection de sérum physiologique via la sonde urétrale met en évidence une rupture de l’urètre proximal d’une longueur d’environ 6 mm située à la limite du col vésical (voir photo 3 en page 28). Après l’introduction délicate d’une sonde urinaire de petit diamètre dans la lumière vésicale, la brèche urétrale est suturée par un surjet simple résorbable de polydioxanone (PDS® 3.0), puis épiploïsée (voir photos 4 et 5 en page 28). Un lavage péritonéal abondant est réalisé avant la fermeture classique des plans de dissection.

Après quarante-huit heures d’hospitalisation consacrées au monitoring urinaire et à la gestion de la douleur (chlorhydrate de morphine à la dose de 0,25 mg/kg toutes les quatre heures), le traitement chirurgical de la fracture fémorale est envisagé. Elle est stabilisée au moyen d’une plaque DCP de 2,7 mm placée en compression dynamique (voir photo 6 en page 28). Trois jours après cette deuxième intervention, la sonde urétrale est retirée. Le risque de sténose urétrale est limité par la rapidité de cicatrisation de l’urètre et l’importance de son diamètre au niveau prostatique. L’animal est restitué à ses propriétaires avec pour seule recommandation le maintien d’une activité limitée pendant six semaines. Un contrôle postopératoire à six mois indique une récupération complète.

L’investigation doit concerner la totalité de l’abdomen

En présence d’un animal polytraumatisé à la suite d’un accident de la voie publique, un examen clinique complet et systématique, comme indiqué dans le crash-plan (voir tableau 1), est indispensable. La première étape repose sur le dépistage d’une détresse circulatoire, respiratoire ou neurologique, ainsi que sur l’identification de lésions abdominales ou cérébrales susceptibles d’aggraver le pronostic vital à court terme. La seconde étape consiste à identifier des lésions locomotrices et vasculo-nerveuses qui permettent l’établissement d’un pronostic à moyen et long termes.

Dans une étude de référence (voir bibliographie5), 70 % des six animaux victimes d’un accident de la voie publique présentent des traumatismes abdominaux qui coexistent avec des fractures et d’autres lésions du squelette. Il apparaît donc primordial d’investiguer la totalité de l’abdomen, même si les premiers signes cliniques n’indiquent qu’une fracture isolée sans état de choc apparent.

Les animaux victimes de ce type d’accident subissent un choc souvent non pénétrant et diffus, qui se propage et entraîne des lacérations ou des ruptures d’organes. Ainsi, des travaux réalisés sur cent chiens atteints de fractures du bassin révèlent que 39 % d’entre eux présentent des lésions urinaires, parmi lesquelles un tiers sont des ruptures des voies urinaires (voir bibliographie 8).

Souvent associées aux fractures du bassin, les lésions urinaires peuvent également être concomitantes à des fractures du squelette appendiculaire. Il n’existe cependant aucune corrélation entre la probabilité de lésions de l’arbre urinaire et la gravité des fractures.

Les reins, protégés par les muscles lombaires, peuvent être l’objet de contusions, d’hémorragies, de déchirures, de pénétration ou d’avulsion de leurs vaisseaux. Bien qu’une section, une avulsion ou un écrasement puissent survenir, les lésions urétérales sont rarissimes.

Lors de traumatisme abdominal, la vessie est atteinte dans 85 % des cas. Les lésions vésicales peuvent aller du simple hématome jusqu’à la déchirure. Cette dernière est fréquemment localisée au niveau de l’apex. Les ruptures de l’urètre représentent entre 1 et 5 % des lésions urinaires. Leur origine est souvent iatrogène, notamment lors de la réalisation de cathétérisation urétrale. Quelle que soit leur origine, les ruptures urétrales sont rencontrée chez les chiens mâles en raison de la longueur supérieure de l’arbre urinaire et du manque de compliance de la muqueuse lors d’une augmentation brutale de la pression intra-urétrale.

L’urétrographie rétrograde est l’examen de choix pour objectiver une rupture urétrale

Les symptômes d’un traumatisme urinaire n’apparaissent pas toujours dans les premières heures qui suivent le choc. Paradoxalement, les signes cliniques classiques (hématurie, douleur abdominale, dysurie ou anurie) sont plus souvent rencontrés lors de traumatismes bénins que de rupture des voies urinaires. La palpation de la vessie, la réalisation d’un sondage positif ou l’observation d’une miction normale n’excluent pas la présence d’une rupture vésicale. Un bleuissement et, parfois, une nécrose des régions périnéale et inguinale peuvent apparaître et sont associés à une infiltration d’urine dans le rétropéritoine. Lors de rupture vésicale ou urétrale, le pronostic est intimement lié à la précocité du diagnostic, notamment avant l’établissement d’un uropéritoine. L’examen de choix est alors l’urétro-cystographie, qui doit être réalisée systématiquement lors d’un accident de la voie publique. Des produits de contraste triiodés hydrosolubles uro-angiographiques, comme l’ioxitalamate de sodium et de méglumine (Télébrix 30®), sont injectés via une sonde urinaire à la dose de 0,5 ml/kg (avec un maximum de 20 ml) chez le chien et de 2 à 5 ml chez le chat. Afin d’éviter les artéfacts dus aux poils souillés par le reflux, il est conseillé d’utiliser une sonde de Folley de taille adaptée au méat urinaire.

Des clichés radiographiques sont à réaliser à plusieurs minutes d’intervalle, car la rétention des produits de contraste au niveau de la graisse périprostatique peut retarder leur diffusion dans l’abdomen. Ces produits peuvent aussi être utilisés par voie intraveineuse stricte de manière rapide (en embol) pour visualiser l’ensemble des voies urinaires. Ils ne sont pas métabolisés et sont donc rapidement éliminés dans l’urine par filtration glomérulaire. Cependant, leur caractère hyperosmolaire peut induire des lésions rénales chez les animaux en état de choc ou déshydratés. Des produits de contraste triiodés hydrosolubles non ioniques de faible osmolalité, comme que l’iohexol (Omnipaque®) ou l’iopamidol (Iopamiron®) sont plus indiqués, mais plus onéreux.

Le diagnostic précoce de l’uropéritoine peut reposer sur un bilan échographique systématique tel qu’il est décrit dans la méthode FAST (Focused Assessment Sonography for Trauma) où quatre régions précises de l’abdomen sont examinées (voir tableau 2). Cette technique rapide (moins de dix minutes) et non invasive ne nécessite pas beaucoup d’expérience et permet la mise en évidence d’un épanchement avec une sensibilité proche de 100 %. Pour un diagnostic de certitude d’uropéritoine, il convient d’effectuer une abdominocentèse. Les concentrations en créatinine et en potassium du liquide recueilli et du sérum sont comparées (un rapport créatinine sérique/créatinine lavage inférieur à 0,5 ou un rapport K+ sérique/K+ lavage inférieur à 0,5 sont significatifs d’un uropéritoine). La créatinine abdominale est significative, car elle reste toujours supérieure au taux sérique, alors que les concentrations en urée tendent à s’équilibrer quatre jours après le traumatisme.

Si l’uropéritoine n’est pas diagnostiqué précocement, une péritonite apparaît par urémie secondaire à une dispersion d’urine dans l’abdomen. Un drainage abdominal de douze à vingt-quatre heures, associé à une fluidothérapie et à une antibiothérapie, est alors nécessaire avant un traitement chirurgical définitif.

VOIR AUSSI

• C. Muller, C. Puechguiral, L. Marescaux : « Rupture urétrale chez un chat accidenté », Le Point Vétérinaire, 2001, vol. 32, n° 215, pp. 70-73.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 - D. Bjorling : « Traumatic injuries of the urogenital system », Vet. Clin. N. Amer-Smal Anim. Pract., 1984, vol. 14, n° 1, pp. 61-76.
  • 2 - S.R. Boysen, E.A. Rozanski, A.S. Tidwell et coll. : « Evaluation of a focused assessment with sonography for trauma protocol to detect free abdominal fluid in dogs involved in motor vehicule accidents », J. Am. Vet. Med. Assoc., 2004, vol. 225, n° 8, pp. 1198-1204.
  • 3 - K. Drobatz et coll. : « Traumatic rupture of the ureter : 10 cases », J. Am. Anim. Hosp. Assoc., 2002, n° 38, pp. 188-192.
  • 4 - K. Drobatz et coll. : « Prognostic factors for successful outcome following urethral rupture in dogs and cats », J. Am. Anim. Hosp. Assoc., 2006, n° 42, pp. 136-146.
  • 5 - R. Kolata et coll. : « Motor vehicle accident in urban dogs : a study of 600 cases », J. Am. Vet. Med. Assoc., 1975, n° 167, pp. 938-941.
  • 6 - M.A. Mc Loughlin : « Surgical emergencies of the urinary tract », Vet. Clin. N. Amer-Smal Anim. Pract., 2000, vol. 30, n° 3, pp. 581-601.
  • 7 - R.D. Pechman : « Urinary trauma in dogs and cats : a review », J. Am. Vet. Med. Assoc., 1982, vol. 18, n° 1, pp. 33-40.
  • 8 - B.A. Selcer : « Urinary tract trauma associated with pelvic trauma », J. Am. Anim. Hosp. Assoc., 1982, vol. 18, n° 5, pp. 785-793.
  • 9 - L.T. Worth, M. Aumann, K.J. Drobtz : « Uroperitoneum in cats : 26 cases », J. Am. Anim. Hosp. Assoc., 1998, n° 34, pp. 315-324.
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